Collections | volume 7 | numéro 2

Littérature et imaginaire

Un nouvel âge d’or de l’imaginaire

En mars dernier, j’ai rédigé mon premier testament olographe. J’ai vingt-neuf ans.

J’y ai inclus les éléments habituels – dispositif funéraire, héritiers, exécutrice testamentaire – mais aussi les mesures à prendre concernant la gestion de mes avoirs numériques, de mes boîtes de courriel ainsi que de mes comptes de réseaux sociaux. J’ai aussi mandaté un collègue proche pour décider ce qu’il faudra faire avec mes manuscrits inédits : les publier ou les reléguer à la déchiqueteuse.

J’ai décidé de ne pas continuer à « vivre » dans les cimetières virtuels du web. De ne pas recevoir des pourriels et des offres promotionnelles après ma mort. Je veux partir l’esprit tranquille.

Évidemment, je suis loin de mourir – du moins, je l’espère. Ce testament constituait pour moi une manière de me libérer d’un poids pour continuer à avancer, pour continuer à écrire.

 

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En ces temps de crise sanitaire, toutefois, l’ironie de la situation est évidente. Je « pourrais » mourir, comme vous. Demain, ou l’automne prochain, si le virus de la COVID-19 entre dans une deuxième phase, ou encore dans dix ans. C’est notre réalité à tous. Les épidémies peuvent surgir n’importe quand et faucher une partie de notre planète surpeuplée. Certains diront que c’est la terre qui cherche à se venger. D’autres rejetteront la faute sur les Chinois ou les mammifères. Une chose est certaine : nous assisterons à de nouvelles chasses aux sorcières, à des récessions économiques, à d’autres désastres à l’échelle globale…

Dans les prochaines années, nous assisterons aussi à un raz-de-marée de publications sur la pandémie du coronavirus. Des journaux de confinement, des récits intimistes de l’hécatombe, des essais sur les erreurs des gouvernements, des romans sur la fin des temps… La science-fiction fait partie de nos réalités. L’anticipation nous rattrape. Nous vivons dans des dystopies.

Ce numéro spécial de la revue Collections a été préparé pour paraître dans le cadre du premier Mois de l’imaginaire – qui devait avoir lieu en Août 2020, mais qui a dû être repoussé en raison des mesures de confinement. Lorsqu’un événement célébrant les genres de l’imaginaire – science-fiction, fantastique et fantasy – est annulé en raison d’une pandémie, il n’y a plus de raison d’en douter : l’imaginaire est plus que jamais nécessaire. Et c’est partie remise pour l’an prochain !

Que les mesures de confinement aient été levées ou non lors de la parution de ce numéro, je ne peux que vous encourager à plonger dans les univers surprenants des genres de l’imaginaire. Que ce soit par des romans, des bandes dessinées, des romans graphiques ou des recueils de nouvelles, vous pouvez être sûrs d’être déstabilisés.

La science-fiction, le fantastique et la fantasy – ainsi que leurs sous-genres, tels que l’uchronie et l’urban fantasy, et leurs croisements multiples – soulèvent des questionnements éthiques et politiques sur tous les sujets essentiels de notre époque : l’écologie, le féminisme, le décolonialisme, les classes sociales, les dérives des États et des grandes compagnies, les nouvelles technologies, notre rapport à l’histoire et à l’avenir…

Les pages suivantes offrent d’ailleurs un excellent panorama de l’effervescence actuelle des publications. Les années 2020 marqueront un nouvel âge d’or de l’imaginaire au Québec et au Canada francophone. C’est ce que j’affirmais déjà il y a quelques semaines quand Ariane Gélinas m’a demandé une entrevue pour son dossier qui figure dans ce numéro. Avec la crise actuelle qui marque notre passage vers la nouvelle décennie, il n’y a plus aucune raison d’en douter.

Le pire – et le meilleur – est à venir. À vous de choisir dans quel ordre…

Mathieu Villeneuve

Fondateur et directeur littéraire de la collection

« Satellite » aux éditions Triptyque

Auteur aux éditions La Peuplade

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