Collections | volume 10 | numéro 3

Dans le noir, toutes les couleurs s’accordent

« L’arc-en-ciel du noir »

Quoi de mieux, pour amorcer ce numéro, que cette lumineuse pensée ? De fait, elle résume assez bien l’essence de la littérature dite « noire », qui s’intéresse aux penchants les plus sombres de l’humain, au cœur desquels ne peut que se nicher une faille – c’est du moins l’inexorable espoir qu’entretient notre espèce.

Ainsi, partant du concept que l’exploration des ténèbres constitue le « principe actif » du noir, on pourrait y associer nombre d’œuvres dites réalistes. Car que sont Une saison dans la vie d’Emmanuel (Marie-Claire Blais, Boréal) ou La petite fille qui aimait trop les allumettes (Gaétan Soucy, Boréal) – pour ne citer que deux œuvres remarquables de notre littérature – sinon des romans noirs ?

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Néanmoins, de par son intérêt pour tout ce qui se rapporte aux aspects discordants ou dysfonctionnels des sociétés humaines, la littérature policière intègre la très grande majorité de la littérature noire, d’où le fait que la plupart des lecteurs et lectrices peinent à départager l’une de l’autre. Certes, il n’est pas faux de dire que certains romans policiers sont aussi des romans noirs, mais il est important de se rappeler que le roman policier n’est pas toujours noir, tout comme le roman noir n’est pas toujours policier !

En fait, la littérature policière, apparue voici deux siècles, ne cesse d’évoluer depuis sa naissance. Si, à l’époque, le roman à énigme et la chronique judiciaire demeuraient la marque distinctive du genre, plaçant à l’avant-plan la mécanique du mystère et l’enchaînement des faits, les protagonistes s’apparentaient trop souvent à des silhouettes bidimensionnelles. Heureusement, au fil du temps, les personnages ont acquis de l’épaisseur, de la complexité, et c’est de l’exploration de leur profondeur, toujours plus sombre que lumineuse, qu’a jailli le « noir ».

Dans lequel nous sommes légion à vouloir plonger. « Pourquoi diable ? » demandent toujours ceux qui ont peur du noir. Très certainement parce que le lectorat qui lit du noir sait que c’est au cœur des ténèbres que l’on peut le plus facilement distinguer la plus infime lumière… et ainsi découvrir à coup sûr la fissure par où elle entre en nous.

Dans ce numéro de Collections, mes collègues vous proposent d’explorer toutes les couleurs du noir telles que pratiquées par nos auteurs et autrices en ce 21e siècle. La chose aurait-elle été possible voici quelques décennies ? Je ne le crois pas. Mais force est de constater que notre littérature nationale est maintenant à la fine pointe de la littérature noire, et que même nos producteurs d’images ont découvert qu’on y trouve des œuvres remarquables à transposer au petit et grand écran.

Que vous préfériez vous immerger dans le noir en utilisant un tuba, en pratiquant la plongée en apnée, ou en vous munissant de bonbonnes d’oxygène pour descendre dans les pires bas-fonds de l’humain et/ou de la société, vous verrez la lumière dans la richesse de notre littérature !

Jean Pettigrew

Éditeur, Groupe Alire

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