Écouter la noirceur

Magnifiquement interprété par François-Émile Lacroix, Le Passager transporte les auditeurs dans une sorte de mise en abyme ténébreuse où s’entremêlent les rêves et les souvenirs. Il met en scène un professeur de littérature qui n’a aucune réminiscence de son enfance, et qui aborde justement le roman noir dans son cours. Il s’intéresse rapidement à l’enfant dans le roman d’horreur et le processus ravive quelques souvenirs sous la forme de rêves sombres et cryptiques. Ponctuée d’effets sonores et de musique, la version audio de ce roman a réellement quelque chose de fascinant pour l’auditeur. Dans un jeu habile entre l’avant et le maintenant, le réel et la fiction, PATRICK SENÉCAL propose une histoire inquiétante où la mémoire joue des tours et les souvenirs, sortes d’échos du passé, viennent hanter le présent telle une petite voix intérieure qu’on ne peut faire taire. Et si enfance ne rimait pas toujours avec innocence ?

Incarnée par Sandrine Bisson qui pousse la narration au-delà de l’interprétation, Maple est un personnage haut en couleur et franchement attachant. Dans un dialecte hochelaguien cru et imagé, cette prostituée au passé trouble et fraîchement sortie de prison enfile les jeux de mots et tournures de phrases avec une intelligence verbale et un humour à tout casser. « J’aurais pu regarder la vérité en face, mais je préfère la prendre en levrette. Tout est une question de point de vue. Entre Boubacar qui me gardait à l’œil d’un peu trop près et un tueur qui me menaçait directement, j’avais peu de marge de manœuvre. La justice et la liberté sont des maîtresses exigeantes, et elles s’entendent rarement entre elles. La plupart des gens s’en tiendront loin, se trouveront des hypothèques, des causes et des jobs toutes faites agencées à leur vie toute frette. Toujours plus facile de vendre des laisses à ceux qui ont déjà la chienne. » Avec sa parlure et sa franchise déroutante, elle nous transporte dans une enquête macabre qui sert presque de prétexte à découvrir sa personnalité tonitruante. Dans ce Maple grinçant de DAVID GOUDREAULT, on jette un regard presque attendrissant sur une réalité plutôt sombre : celle de la rue, de la prostitution, de la dureté de certaines vies, le tout sur fond de meurtres en série que Maple se donne la mission périlleuse de résoudre.

Classique roman à énigmes, Les os de la méduse de J.L. BLANCHARD entraîne les auditeurs au cœur d’une nouvelle enquête de l’inspecteur Bonneau et de son acolyte Lamouche. Duo drôlement improbable, ils sont maintenant plongés dans une affaire aux airs anachroniques mettant en scène un comte, une bonne et des squelettes dans le placard, le tout campé dans un Montréal intemporel. La version audio propose des dialogues réalistes et bien rendus par le narrateur, Olivier Beauchemin, et des effets sonores qui ponctuent le récit, comme dans un « Hercule Poirot à saveur québécoise » ! Une intrigue bien ficelée qui se joue avec humour et que les lecteurs et lectrices se prendront à tenter de résoudre avec les deux protagonistes. « Les cadavres ont rarement le sens de l’humour. Celui-là faisait définitivement exception. On aurait dit qu’il souriait, comme s’il avait été maquillé pour un bal macabre et qu’il s’apprêtait à se lever pour aller danser. » Une histoire très divertissante qui fait sourire et frissonner à la fois !

Adaptée au grand écran cette année, la version audio du roman Le plongeur ne laisse pas sa place. Parfait intermédiaire entre sa version imprimée et cinématographique, le livre audio incarne à merveille le texte puissant de l’auteur. Dans une narration juste et tout en simplicité de Dany Boudreault, l’auditeur plonge dans l’œuvre hyperréaliste et crue de STÉPHANE LARUE, qui dépeint avec justesse la vie d’un jeune étudiant éponyme aux prises avec un problème de jeu, qui devient plongeur dans un restaurant pour tenter de se ramener sur un chemin moins sinueux. Roman noir, documentaire d’une vie ordinaire, c’est une incursion dans le cercle vicieux du jeu, l’univers de la restauration et ses personnages hors du commun. « Mon café était froid depuis longtemps mais je continuais à en prendre de petites gorgées amères, comme si ça allait faire passer le malaise. Je ne l’ai pas regardé. Je contemplais sans m’en rendre compte les cochonneries à mes pieds et entre les deux sièges. » L’écoute de ce livre audio est une expérience presque cinématographique qui plaira aux lecteurs et lectrices autant qu’aux cinéphiles.

Gardez l’œil ouvert saura assouvir le côté voyeur qui se cache peut-être en vous. VICTORIA CHARLTON récidive avec le troisième tome de cette série sur le true crime dont elle fait elle-même la narration, en toute simplicité, à la manière d’un détective qui partage ses notes d’enquête. L’autrice raconte une vingtaine d’histoires criminelles déconcertantes et prend à témoin son auditoire dans la reconstitution d’événements troubles et de crimes passés. Elle emmène ses lecteurs et lectrices dans ses enquêtes, partageant son parcours et ses discussions avec des familles endeuillées à la recherche de réponses. Dans ce recueil de la véritable noirceur humaine, Charlton invite presque à enquêter avec elle, révélant ses secrets du métier à travers « Le coin des enquêteurs », petites bulles informatives sur différents sujets liés à son travail. Plaisir coupable ? Sans aucun doute.