Notre réalité, nos origines
Mettre la parole sur papier pour préserver sa culture et son identité
Quand j’étais enfant, les « Indiens » que je voyais dans les westerns étaient bien plus réels pour moi que ceux que je voyais quand j’allais visiter ma tante dans la réserve de Wendake. Ayant vécu jusqu’à mes 12 ans à l’extérieur de ma communauté, je ne savais à peu près pas ce que c’était d’être Autochtone au XXe siècle. Les Autochtones de fiction sont donc devenus mes idoles. J’ai longtemps pensé qu’un vrai Indien devait être aussi stoïque que le personnage du chef dans Vol au-dessus d’un nid de coucou. Je m’amuse encore souvent avec ma blonde à jouer l’Indien stoïque. Ce n’est qu’au début de ma vingtaine, lorsque le goût de la lecture s’est développé, que j’ai commencé à comprendre ce qu’était réellement un Autochtone.
Il est un peu triste que j’aie dû fouiller dans les livres pour connaître ma culture wendat, mais je n’avais pas la chance d’avoir un grand-père pour m’emmener à la chasse et me raconter les histoires des anciens autour d’un feu. Moi, je n’ai eu que les livres. D’ailleurs, ce fut une chasse au trésor dans les librairies de Québec afin de trouver des livres qui pourraient me toucher. C’est comme ça que m’est venue l’idée de lancer ma propre librairie. Je voulais regrouper en un seul endroit les livres qui pourraient m’aider à cheminer dans l’apprentissage de ma culture et je me suis dit que je ne devais certainement pas être le seul dans ma situation. Et voilà, la Librairie Hannenorak était née. Un peu plus d’un an plus tard, c’était au tour des Éditions Hannenorak !
Pour certains, il peut être ironique que nous devions apprendre notre histoire dans les livres alors que la tradition orale prenait une telle importance dans nos cultures. Mais avons-nous d’autres choix ? La réalité, c’est que les gouvernements ont tout fait pour nous faire oublier que nous étions des Indiens. Leurs tactiques étaient d’instiller la honte dans nos cœurs et de nous pousser à renier nos origines pour mieux accepter celles des Canadiens. Et cela a failli marcher ! Encore quelques générations de ces mauvais traitements et nous aurions sûrement tous abdiqué. Par chance, certains ont persévéré et leurs descendants peuvent encore se dire Autochtones. Par contre, cela a laissé de nombreuses traces, et la perte de la culture n’est pas la pire. Pour résister, nous devons dès aujourd’hui mettre notre parole sur papier. Nous ne pouvons plus laisser cela aux chercheurs canadiens avec leur mentalité occidentale. Voilà notre mission !
Daniel Sioui
Directeur et copropriétaire des Éditions Hannenorak