Les émotions et la santé mentale
Les livres essentiels
Les livres essentiels
La dernière année a été un immense défi et ce serait un mensonge d’affirmer que je n’ai pas été affectée par la pandémie. J’ai été très ébranlée, au point de remettre en question mon métier d’éditrice.
Les médias nous parlent de travailleurs essentiels depuis maintenant un an et je me suis mise à douter. Il y a tant de livres existants, pourquoi publier des nouveautés si, dans l’immédiat, des personnes meurent seules par manque de ressources ? La situation est urgente et moi, pendant ce temps, je fais des livres ?
Je me suis sentie décalée. J’ai sérieusement considéré l’idée de m’inscrire aux formations rapides qu’offrait notre gouvernement pour devenir préposée aux bénéficiaires. Un métier qui aide concrètement, agit instantanément auprès des gens.
Mes questionnements étaient profonds, mais j’ai fini par me souvenir que mon métier est nécessaire. Car si nos hôpitaux sont remplis de personnes vulnérables, nos écoles le sont aussi. Certains enfants évoluent dans des conditions terriblement difficiles. D’autres ont tout le soutien nécessaire, mais doivent composer avec divers handicaps. Il y a là aussi des besoins criants, des enfants à accompagner, à outiller, à aider.
C’est ici que mon travail entre en jeu, car publier des livres me permet de rejoindre ces enfants directement. Une grande responsabilité vient avec cette position privilégiée. Je dois entretenir ce lien que j’ai avec eux grâce à une littérature qui saura les surprendre, les émerveiller, les conscientiser, les toucher. Aujourd’hui, je suis à nouveau fière d’assumer ma profession. Cette confiance, je l’ai retrouvée en me remémorant cette fillette dans un salon du livre qui s’était presque lancée sur l’un de nos albums pour le prendre et le serrer contre son cœur en me disant : « Je connais ce livre ! Moi aussi j’ai de la difficulté à contrôler mes émotions, je suis comme ce personnage. Je le comprends, je l’aime. » Ou encore, en relisant ce témoignage reçu récemment :
« […] Mon enfant a des troubles d’apprentissage pas encore diagnostiqués, un trouble neuro-visuel aussi, mais c’est plus que ça, on attend des évaluations. Lorsqu’on a lu Ma maison-tête, il se reconnaissait presque à chaque pièce, et vers la fin il m’a dit “Maman, je pense que le livre est magique, parce que j’ai les yeux pleins d’eau, comme le petit garçon.” Depuis, il m’a demandé de le lire encore plusieurs […]. Votre livre m’a permis d’ouvrir enfin un canal de communication avec mon fils, une façon inédite de parler de ses émotions, ce dont j’avais désespérément besoin. Alors merci, du fond du cœur, d’avoir mis de merveilleux ponts entre nous. »
Ces témoignages sont forts et rendent évidentes les raisons pour lesquelles je pratique mon métier. Et j’ai honte d’avoir douté. Quand un enfant découvre qu’il existe des mots ou des images pour nommer ce qu’il ressent, quand il s’identifie à un personnage et qu’il réalise qu’il n’est pas seul, je me dis qu’à ma façon, moi aussi je contribue à changer les choses !
Véronique Fontaine Présidente des éditions Fonfon