Collections | Volume 8 | Numéro 1

Jeunesse

Comment ça va ?

Pierre-Alexandre Bonin – Communication Jeunesse

L’enfance et l’adolescence sont des périodes particulièrement importantes en matière de développement psychoaffectif. C’est durant ces années que se forme la personnalité et parfois, les émotions peuvent être difficiles à gérer, à nommer ou à vivre.

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D’un autre côté, il n’y a pas d’âge pour aborder la santé mentale, même avec les plus jeunes. Les parents et le personnel enseignant peuvent avoir de la difficulté à comprendre ou à accompagner les enfants et les adolescents dans leur développement affectif ou lorsqu’un diagnostic est posé. Les suggestions qui suivent, bien qu’elles soient toutes du domaine de la fiction, peuvent servir de ressources, que ce soit pour aider l’enfant ou l’adolescent à mettre des mots sur son ressenti, ou encore pour démystifier certains troubles, tant pour ceux et celles qui les vivent que pour leur entourage. Encore une fois, la littérature jeunesse et adolescente démontre sa pertinence et sa capacité sans cesse renouvelée d’être le miroir des préoccupations de ses lecteurs et lectrices.

Suggestions de livres

Adieu, Jacoby

Renée Guimond-Plourde, Danielle Guimond et Mélanie Plourde

Jacoby, le chien thérapeute, est devenu vieux. La douleur et la maladie sont devenues insupportables. Madame Ève, sa propriétaire et amie, décide de mettre fin à ses souffrances. Lors d’une rencontre à la bibliothèque pour rendre hommage à Jacoby, les enfants ont beaucoup de questions. Où est rendu Jacoby ? Peut-il encore les voir et les entendre ? Grâce aux nombreux souvenirs, Madame Ève et les enfants parviennent à faire leur deuil, tout doucement. Puis, quelques mois plus tard, une surprise attend Madame Ève… Adieu, Jacoby est le troisième livre des aventures de Jacoby, signé par Renée Guimond-Plourde, Danielle Guimond et Mélanie Plourde, avec des illustrations de Camille Perron-Cormier. Cet album, empreint de douceur, permet d’aborder avec délicatesse la mort d’un animal, souvent le premier contact que les enfants ont avec la mort. Le deuil animalier est un sujet qui touche les petits et les grands et il est traité ici d’une manière sensible et lumineuse. Un bel album à découvrir.

Bouton d’or Acadie, coll. « Étagère trottinette », 2020, 32 p. 10,95 $

Clovis a peur des nuages

Guylaine Guay et Orbie

Pauvre Clovis, qui a peur des nuages ! Les petits, les gros, les ronds, les longs, les blancs, les gris, en forme de chien ou de dinosaure ! C’est tout un problème, parce que les journées sans nuages sont rares. Est-ce que sa maman pourra trouver une solution magique pour rassurer Clovis ? Clovis a peur des nuages est le deuxième album du duo formé de Guylaine Guay aux textes et d’Orbie aux illustrations. On retrouve donc Clovis, un garçon autiste, et sa maman dans une nouvelle aventure. Guylaine Guay s’inspire de sa propre expérience de mère de deux enfants autistes, maintenant adultes, pour nous offrir une histoire remplie de tendresse, de compassion et d’ouverture aux autres. De son côté, Orbie donne vie à Clovis et à sa maman, ainsi qu’à une galerie de situations parfois touchantes ou tristes, mais souvent rigolotes (le troupeau d’hippopotames qui mange une glace à la pistache et aux vers de terre !). Bien que les troubles du spectre de l’autisme ne soient jamais mentionnés explicitement dans l’histoire, c’est un album qui permet de s’ouvrir à cette réalité tout en mettant de l’avant l’amour d’une mère pour son fils.

Les Éditions de la Bagnole, coll. « La vie devant toi », 2020, 32 p. 19,95 $

La doudou et les émotions

Claudia Larochelle, Maïra Chiodi

La doudou tape dans ses mains très fort. Elle se roule en boule sous ses couvertures. Elle rougit. Elle sursaute. Les yeux de la doudou se remplissent d’eau. Elle peut même faire la moue ou faire un sourire en forme de banane ! Mais pourquoi ? Claudia Larochelle ramène son personnage de la doudou dans un tout nouveau format cartonné qui s’adresse aux tout-petits, avec La doudou et les émotions. Assistée de Maïra Chiodi aux illustrations, l’autrice explique aux enfants les nombreuses émotions qu’il est possible de ressentir, ainsi que leur manifestation physique. De son côté, l’illustratrice donne vie à la doudou et montre l’étendue de ses réactions, tantôt drôles, tantôt tristes, mais toujours vives et colorées. Un album cartonné idéal pour amener les jeunes enfants à reconnaître et nommer leurs émotions, dans l’humour.

Les Éditions de la Bagnole, Coll. « Tout-carton albums », 24 p. 12,95 $

Joyeux ou triste ?

Bertrand Gauthier et Sabrina Gendron

Un garçon est joyeux lorsque monsieur Fado joue du banjo, quand il fait un pique-nique avec sa tante Annick ou quand il rattrape son ami Adam qui file en fauteuil roulant. Mais il est triste lorsqu’il trouve un chaton qui grelotte sous son perron, quand ses parents se séparent, ou quand sa grand-mère ne se souvient plus de son nom. Malgré tout, il se trouve chanceux de vivre toutes sortes de jeux ! Bertrand Gauthier et Sabrina Gendron explorent les émotions des enfants dans leur très bel album Joyeux ou triste ? À travers des situations de la vie de tous les jours, Bertrand Gauthier met en lumière les nombreuses raisons qui font qu’on peut être joyeux, ou triste, avec des mots simples, à hauteur d’enfant. De son côté, Sabrina Gendron utilise sa palette de couleurs vives et des traits expressifs pour donner un élan au narrateur et à ceux qui l’entourent. Un album qui ouvre la porte à des discussions enrichissantes entre parents et enfants, ou même dans la classe, avec les amis, au sujet de la façon dont on se sent au fil des jours.

Druide, Coll. « Petite marmite », 2020, 32 p. 19,95 $

Entre ici et là-bas

Valérie Fontaine et Ninon Pelletier

Vincent n’a pas connu son grand-père maternel, décédé peu de temps avant sa naissance. Pourtant, il lui parle dans sa tête. Pour lui confier ses secrets, pour s’imaginer de quoi il avait l’air et même le genre d’activités qu’ils auraient pu faire ensemble. Il s’interroge sur la mort, sur ce qu’il y a après, mais aussi sur la vie et ce qui l’attend quand il sera grand. Valérie Fontaine et Ninon Pelletier abordent la délicate question du deuil et le tabou de la mort dans Entre ici et là-bas, un magnifique album. Valérie Fontaine donne une voix à Vincent, qui se pose bien des questions, comme tous les enfants de son âge. De son côté, Ninon Pelletier met sa palette de couleurs au service de l’histoire, alors qu’on voit le passage des saisons, au fil de la discussion entre Vincent et son grand-père. Les livres pour enfants sur le thème du deuil sont relativement nombreux, mais celui-ci se démarque, non seulement parce qu’il aborde une forme particulière de deuil, celui d’une personne qu’on n’a jamais connue, mais aussi dans la sensibilité que l’autrice et l’illustratrice démontrent tout au long de l’histoire. Un album pour les parents qui voudraient parler de proches décédés avant la naissance de leurs enfants, et pour les enfants qui veulent en savoir plus sur ces disparus qu’ils n’ont pas connus.

Fonfon, Coll. « Histoires de vivre », 2020, 32 p. 19,95 $

Ça ira mieux demain

Gilles Tibo et Oussama Mezher

Juliette ne comprend pas ce qui se passe. Ses parents passent leur temps à se crier après et, entre les crises, ils ne se parlent plus et ne se regardent plus. Un jour, son papa s’en va de la maison et ne revient pas. Juliette est bouleversée par la situation, surtout lorsque sa mère lui explique qu’elle et son papa ne s’aiment plus et qu’ils n’habiteront plus ensemble. Ses parents ont beau lui dire qu’ils l’aiment encore tous les deux, la fillette a perdu l’envie de sourire. Et si son ourson avait raison ? Et si c’est vrai que ça ira mieux demain ? Gilles Tibo et Oussama Mezher signent Ça ira mieux demain, un court roman qui aborde le divorce du point de vue d’une enfant. Avec une écriture sensible et compatissante, Gilles Tibo propose une histoire qui rejoindra le vécu des enfants dont les parents se sont séparés et qui ont dû apprendre à gérer les émotions causées par cette situation dont ils sont les témoins parfois impuissants. De son côté, Oussama Mezher met en image le monde intérieur de Juliette, dont les journées pleines de tristesse sont entrecoupées de nuits aux nombreux cauchemars, jusqu’au jour où le soleil revient enfin. Un roman qui peut sembler dur, mais qui permettra aux enfants de mettre des mots sur leurs émotions, parfois conflictuelles.

Soulières éditeur, coll. « Ma petite vache a mal aux pattes », 2020, 66 p. 9,95 $

Colle-moi

Véronique Grenier

Le narrateur tente de retrouver l’amour perdu par ses parents, qui sont maintenant divorcés. Il cherche partout dans la maison, sans rien trouver. En désespoir de cause, il passe au magasin pour acheter de la colle « pour les gens », espérant recoller la famille unie qui ne persiste que dans son album de photos. Plus que tout, il a peur que l’amour que ses parents lui portent finisse par disparaître à son tour. Avec Colle-moi, Véronique Grenier signe un long poème en prose, où un enfant nous partage ses états d’âme au fil des jours. Avec une écriture sensible et juste, la poète décrit les sentiments de son narrateur envers le divorce de ses parents, une situation vécue par de nombreux enfants. Elle prend soin d’apporter une lueur d’espoir lorsque les parents font comprendre à leur fils que leur amour pour lui ne disparaîtra jamais. Une œuvre délicate qui plaira aux amateurs et amatrices de poésie.

La courte échelle, 2020, 56 p 11,95 $

L’enfant allergique aux écrans

Camille Pomerlo

Milo a un problème très particulier : ses yeux sont carrés et il voit tout en forme de pixels. Évidemment, tout cela lui cause de nombreux désagréments, dont des notes catastrophiques à l’école. Avec l’aide de la Dr Pageur, une allergologue, Milo entre-prend une thérapie pour se sevrer des nombreux écrans qui l’entourent, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. La Dr Pageur parviendra-t-elle à aider Milo ? Camille Pomerlo signe les textes et les illustrations de L’enfant allergique aux écrans, un roman graphique qui aborde de front notre dépendance aux écrans, que nous transmettons ensuite à nos enfants. Avec son humour mordant, l’autrice-illustratrice croque le quotidien pixélisé du pauvre Milo, dont les parents l’ont initié très tôt aux écrans, avec les meilleures intentions du monde. Malgré une résolution positive, la chute finale fait grincer des dents et atteint sa cible. Un roman graphique à mettre entre toutes les mains… plutôt qu’un écran !

Les Éditions de la Bagnole, coll. « Tout-terrain », 2020, 72 p. 22,95 $

Le grand méchant loup dans ma maison

Valérie Fontaine

Une fillette raconte comment, un jour, le grand méchant loup est entré dans sa maison. Il était mielleux comme un chaton avec sa mère, mais dur et froid avec elle. Puis, au fil des jours, il a montré sa vraie nature et s’est mis à être violent. Au bout d’un moment, la mère en a eu assez et elle est partie, avec sa fille, dans une maison de briques où le grand méchant loup ne pouvait pas entrer. Valérie Fontaine signe, avec Le grand méchant loup dans ma maison, une fable coup-de-poing sur la violence conjugale. En se servant du conte du Petit Chaperon rouge, elle raconte l’histoire d’une fillette et de sa mère, victimes d’un conjoint violent. Nathalie Dion, de son côté, propose des illustrations aux contours flous, mais au trait expressif, pour mettre en image cette histoire bouleversante. Un album dur, mais essentiel, pour aider les enfants à mettre des mots sur des situations qui se déroulent, trop souvent, derrière des portes closes.

Les 400 coups, Coll. « Carré blanc », 2020, 32 p. 19,95 $

Ma maison-tête

Vigg

En classe, Vincent est incapable de réciter Le renard et le corbeau. Pourtant, plus tôt à la maison, il connaissait la fable par cœur ! Puis, lorsqu’il va voir un film au cinéma avec son père, il parvient à raconter toute l’histoire à sa mère, sans se tromper ! Comment est-ce possible ? Peut-être que la réponse se trouve à l’intérieur de Vincent ? Avec Ma maison-tête, Vigg aborde le trouble du déficit d’attention d’une manière personnelle et originale. Souffrant lui-même de ce trouble, l’auteur-illustrateur a eu l’idée de le représenter avec plusieurs images fortes. Que ce soit celle d’une masse de petits points de couleur qui représentent des choses à faire, à écouter et à comprendre et dans lesquels il faut déterminer ceux qui sont plus urgents ou importants que les autres. Ou encore celle de la « maison- tête » de Vincent, composée de nombreuses pièces où le garçon tente tant bien que mal de se retrouver. Voilà un album qui parlera particulièrement aux enfants souffrant du trouble de déficit de l’attention, mais qui s’adresse à tous les enfants, ainsi qu’aux parents et éducateurs, pour mieux comprendre un trouble de plus en plus répandu.

Fonfon, Coll. « Histoires de vivre », 2020, 72 p. 22,95 $

C’est quoi l’amour ?

Lucile de Pesloüan et Geneviève Darling

L’amour est un sentiment universel. Pourtant, les scientifiques ne comprennent pas encore complètement son fonctionnement. Certaines personnes le réduisent à des échanges chimiques dans notre cerveau, alors que pour d’autres, il chamboule tout sur son passage et il peut autant soulever des montagnes que rendre aveugle. On dit même qu’il n’a pas d’âge. Mais au fond, c’est quoi, l’amour ? Lucile de Pesloüan et Geneviève Darling sont de retour, avec leur nouvel album C’est quoi l’amour ? Le duo qui nous avait offert le percutant J’ai mal, et pourtant ça ne se voit pas, qui portait sur les troubles mentaux et l’anxiété, s’intéresse cette fois à une question plus légère, mais en même temps tout aussi grave. Elles explorent le sentiment amoureux sous toutes ses formes et ses manifestations, sans offrir de réponses définitives, mais sans porter de jugement non plus. La plume engagée de Lucile de Pesloüan est parfois accompagnée de citations, alors que les illustrations de Geneviève Darling sont un florilège de diversité corporelle, socio-économique, de genre et de religion. Un album qui fait réfléchir et qu’il fera bon relire au fil du temps, pour continuer de grandir.

Éditions de l’Isatis, Coll. « Griff », 2020, 56 p. 21,95 $

Corde raide

Stéphanie Perron

Depuis qu’elle est déménagée à Montréal avec son jumeau et ses parents, Fay souffre d’anxiété. Elle s’ennuie de ses amis de son ancienne école à Val-d’Or. Heureusement, elle rencontre Catherine, qui devient rapidement sa nouvelle meilleure amie. Mais l’anxiété prend de plus en plus de place dans la vie de Fay, et la colère gronde constamment, comme un volcan intérieur. L’adolescente refuse de chercher de l’aide, de peur qu’on la prenne pour une folle. Mais ses émotions menacent de la submerger et elle risque d’en payer le prix. Saura-t-elle s’arrêter à temps ? Corde raide, de Stéphanie Perron, traite du trouble de personnalité limite, aussi connu sous le nom de « personnalité borderline. » Le personnage de Fay est totalement crédible, avec ses peurs, ses espoirs et ses doutes. Ceux qui l’entourent, de ses parents à ses amis, en passant par les intervenants sociaux et le personnel médical, sont bien développés et l’autrice rend l’histoire de Fay comme si elle existait réellement. Les adolescents ayant des traits de personnalité limite se reconnaîtront tout à fait dans le parcours de la protagoniste, alors que les autres y reconnaîtront peut-être des signes vus chez des amis. Un roman percutant et pertinent, qui se dévore d’une traite.

Éditions de Mortagne, coll. « Tabou », 2019, 408 p. 16,95 $

Le long silence

Sylvie Desrosiers

Mathieu est au chevet de sa meilleure amie Alice et il remonte ses souvenirs pour tenter de comprendre comment elle a pu en arriver là. De leur rencontre quand ils étaient tout-petits à leur entrée au cégep, en passant par leur relation particulière, Mathieu examine l’ensemble de leur relation, dans l’espoir de trouver des indices qu’il n’a pas su voir avant. Il en profite également pour livrer certains secrets qu’il n’a jamais osé dire à son amie. Le long silence, de Sylvie Desrosiers, a d’abord été publié en 1995, puis réédité deux fois, dont la dernière en 2020. Ce roman aborde la question du suicide, mais aussi ses impacts sur ceux qui restent et la détresse que le geste peut causer aux survivants. Finaliste au Prix du Gouverneur général, ce long monologue parvient à capter les angoisses, les doutes et les rêves de son narrateur. Même si le rapport à l’homosexualité a moins bien vieilli, ce roman demeure une œuvre forte et incontournable de la littérature québécoise pour adolescents.

La courte échelle, 2020 [Rééd.], 148 p. 13,95 $