Collections | Volume 8 | Numéro 1

Livres pratiques

Prescriptions littéraires

pour aller mieux

Samuel Larochelle

Il est impossible de nier la popularité des ouvrages de « croissance personnelle », une expression parapluie englobant des livres portant sur un spectre de sujets aussi large que la connaissance de soi, la spiritualité et la connexion au sacré saint moment présent. La preuve : entre 2013 et 2019, les ventes de ce genre littéraire ont augmenté de 11 % selon NPD’s BookScan.

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En cette époque pandémique marquée par une montée généralisée du stress, une disparition de nombreux repères et une redéfinition de soi, de plus en plus d’individus cherchent du soutien psychologique et des ouvrages pour s’inspirer et s’outiller, afin de conserver ou de retrouver leur équilibre.

Face à l’abondance de choix et à l’inégalité des ouvrages sur le plan de la qualité, il vaut mieux savoir vers quels livres se tourner. Collections a donc demandé à des professionnels du bien-être et de la santé mentale de partager une liste de prescriptions littéraires québécoises pour accompagner les lecteurs dans leur sélection.

Suggestions de livres

Vivre simplement. Sortir du chaos moderne et s’offrir une vie plus douce

Élisabeth Simard

Le premier livre qui est venu à l’esprit de Stéphanie Deslauriers, psychoéducatrice, écrivaine et conférencière, est Vivre simplement. Sortir du chaos moderne et s’offrir une vie plus douce d’Élisabeth Simard, une autrice et maman de trois garçons en bas âge. « Dans son livre, on est vraiment dans la parentalité empathique, la bienveillance et la douceur, dit Mme Deslauriers. Dans un contexte de pandémie et de confinement, je pense que c’est particulièrement important de rappeler aux parents de faire leur possible et que ça va être très correct. » Les mots de l’autrice convergent tous vers l’essentiel. « On est loin du parent performant qui fait tout et qui stimule tout le temps ses enfants. De page en page, Élisabeth Simard fait l’éloge de la lenteur. » Loin des publications culpabilisantes qui multiplient les choses à ne pas faire, cet ouvrage prend le parti du non-jugement et de la simplicité. L’autrice propose non seulement des réflexions en profondeur, mais également de courtes pensées inspirantes, des trucs innovateurs et même des recettes écologiques pour désencombrer la maison et le quotidien familial. « Elle illustre à quel point nos enfants n’ont pas besoin de 80 millions de jouets. Ses garçons ont seulement une petite armoire de jouets, dont beaucoup sont faits en bois, car ils durent plus longtemps, et ils adorent ça. » Le livre propose également de miser sur les jeux libres. « Elle rappelle l’importance de laisser nos enfants jouer seuls, s’ennuyer et chercher quoi faire, plutôt que de tout structurer pour eux. »

« Dans un contexte de pandémie et de confinement, je pense que c’est particulièrement important de rappeler aux parents de faire leur possible et que ça va être très correct. »

Stéphanie Deslauriers

Guy Saint-Jean Éditeur, 2018, 285 p. 24,95 $

L’art de communiquer en pleine conscience

Thich Nhât Hanh

Apôtre de la communication non violente et de la communication en pleine conscience, Thich Nhât Hanh a répandu et démocratisé ces deux concepts dans plusieurs pays du monde. « Son livre, L’art de communiquer en pleine conscience, mélange ses enseignements avec ses propres expériences en tant que personne qui enseigne la pleine conscience », révèle Noémie Crépeau, professeure de yoga et de littérature. Avec humanité et simplicité, il explique comment la communication est à la fois un concept interrelationnel, entre nous et les autres, ainsi qu’intra-relationnel, lorsque nous entrons en dialogue avec nous-mêmes, en tournant notre regard vers l’intérieur. « Ça rejoint ma vision du yoga, qui est pour moi une relation à soi et au reste du monde. Son livre est une forme de philosophie de la communication qui vient inspirer les lecteurs et leur donner des outils vraiment clairs et simples. » Au-delà de la non-violence, l’ouvrage invite à la bienveillance. « Il nous fait comprendre que souvent, les gens qui vivent avec beaucoup de jugement et d’animosité à l’intérieur d’eux-mêmes vont être durs à la fois envers eux et envers les autres. Et tout cela, c’est souvent propre à des personnes à l’esprit très rapide et à des gens qui vont vite. » À l’inverse, la communication en pleine conscience encourage la simple présence et l’écoute, plutôt qu’une chaîne ininterrompue d’accomplissements. « Le livre permet à ceux qui sont trop dans la critique de trouver une manière, plus sereine et plus douce, d’entrer en relation avec l’autre et avec soi. »

« Le livre permet à ceux qui sont trop dans la critique de trouver une manière, plus sereine et plus douce, d’entrer en relation avec l’autre et avec soi. »

Noémie Crépeau

Le Jour, 2014, 176 p. 19,95 $

L’art de se réinventer

Nicole Bordeleau

En ces temps particuliers où le concept de « réinvention de soi » a souvent été propagé maladroitement par certains politiciens, une des figures de proue du bien-être, Nicole Bordeleau, invite les lecteurs à suivre cette direction avec doigté dans son livre L’art de se réinventer. Lorsqu’elle est expliquée par l’autrice, la démarche semble sentie et sincère, selon Nathalie-France Forest, professeure de chant, massothérapeute et sonothérapeute. « Le livre ressemble beaucoup à ce qu’elle est en personne. J’ai acheté ce livre après l’avoir vue en conférence. Elle émanait une grande générosité et une douceur qui, comme ses écrits, poussent les gens à être dans leur cœur, pas nécessairement dans l’émotion, mais dans le calme du cœur et la sérénité. » Accessible à tous les âges, le livre de Mme Bordeleau prône l’importance de l’acceptation, du non-jugement, du lâcher-prise, de la capacité à relativiser et à entrer en relation avec sa sensibilité. « Elle part d’où se trouvent les gens et elle avance graduellement pour nous amener dans une réflexion. C’est un livre qui coule. Ses mots nous amènent à réfléchir sur la vie et la simplicité d’être. Quand on le lit, on a envie de remercier beaucoup et d’être dans la gratitude. » Autre fait appréciable pour Mme Forest : le livre n’est pas une suite ininterrompue d’exercices et d’étapes à franchir. « L’exercice peut être simplement la réflexion en elle-même : apprendre à voir différemment, à relâcher et à te concentrer sur le léger dans la vie. »

« Elle part d’où se trouvent les gens et elle avance graduellement pour nous amener dans une réflexion. C’est un livre qui coule. Ses mots nous amènent à réfléchir sur la vie et la simplicité d’être. »

Nathalie-France Forest

Les Éditions de l’Homme, 2015, 256 p. 29,95 $

Le burnout amoureux

François St-Père

Sujet intemporel s’il en est un, le couple a été mis à mal par les derniers mois de la pandémie. Aux yeux de Jenny Fourcaudot, une travailleuse sociale, le livre Le burnout amoureux, de François St-Père, peut s’avérer salvateur pour bien des amoureux sur la corde raide. « Si ce livre pouvait être lu par les couples qui sont sur le point de questionner leur désir de continuer, je suis persuadée que plusieurs d’entre eux pourraient éclaircir quelques points et peut-être sauver les meubles », explique-t-elle. De page en page, le psychologue explore les différentes sphères d’une relation amoureuse : les débuts quand on idéalise l’autre, l’arrivée des enfants, la parentalité qui vient tout absorber ce qu’était le couple et l’état des choses après dix ans, lorsque les défauts du conjoint ou de la conjointe finissent par peser. « Il offre des moyens pour ralentir l’escalade, faire cesser les conflits et ramener une communication plus positive. Il aborde aussi le concept de la deuxième chance, quand on est un couple sur le point de se séparer. Il aide à réfléchir à ces grandes décisions. » La travailleuse est même d’avis que les membres d’un couple qui va bien auraient intérêt, eux aussi, à lire cet ouvrage sur le burnout amoureux. « Ça aide beaucoup de gens à éviter des pièges, avant de basculer dans la crise. La vie va tellement vite aujourd’hui, avec le travail, les enfants et nos 12 000 activités. On laisse trop souvent le couple de côté, alors qu’on devrait prendre temps d’établir de bonnes bases. »

« Si ce livre pouvait être lu par les couples qui sont sur le point de questionner leur désir de continuer, je suis persuadée que plusieurs d’entre eux pourraient éclaircir quelques points et peut-être sauver les meubles . »

– Jenny Fourcaudot

Les Éditions de l’Homme, 2015, 272 p. 24,95 $

L’autorité au quotidien

Brigitte Racine

La psychologue Ariane Hébert est autrice de plusieurs ouvrages sur la santé mentale et sur l’éducation, dont Être parent. Bien au fait des publications de ses collègues, elle n’hésite pas à recommander le livre L’autorité au quotidien, de Brigitte Racine, dans l’espoir que les parents n’abandonnent pas certains principes de base avec leur progéniture. « Le livre est un début de démarche pour apprendre à mettre des limites avec nos enfants », résume-t-elle. En effet, le livre de Brigitte Racine identifie les fondements du cadre, pourquoi il est sécurisant et ce qu’il apporte aux enfants. « Tout parent devrait se claquer un livre semblable. Ça le motiverait à maintenir ses limites et à être conséquent dans ses conséquences. Cette lecture aide à rester motivé dans ce type d’interventions. Parfois, on les fait sans trop comprendre, alors quand on a un discours de motivation, on comprend pourquoi on fait les choses. » Le livre illustre aussi les dérives qui pourraient survenir si on n’installe aucun cadre. La psychologue Ariane Hébert propose d’ailleurs une illustration très évocatrice à ce sujet. « Imaginez que vous êtes en avion et qu’on annonce au micro que vous allez atterrir dans un pays sans loi, sans police, sans normes et sans règles. Les passagers risquent d’être craintifs à l’atterrissage, car le cadre est insécurisant. Dans un même ordre d’idée, les règles et l’autorité décrites dans le livre permettent aux enfants de gérer leurs limites. »

« Tout parent devrait se claquer un livre semblable. Ça le motiverait à maintenir ses limites et à être conséquent dans ses conséquences. »

– Ariane Hébert

Éditions du CHU Sainte-Justine, 2018, 288 p. 21,95 $

10 questions sur… L’anxiété de performance chez l’enfant et l’adolescent

Nathalie Parent

Les différentes méthodes pour bien accompagner les enfants sont au cœur de plusieurs références littéraires des spécialistes du bien-être interviewées dans ce dossier. La travailleuse sociale Jenny Fourcaudot considère que l’ouvrage 10 questions sur… L’anxiété de performance chez l’enfant et l’adolescent, de Nathalie Parent, est un outil très utile pour les parents qui doivent composer avec des jeunes aux prises avec l’anxiété. « J’ignore si c’est le fruit du hasard ou s’il y a une augmentation très palpable de l’anxiété chez les ados, mais depuis deux ans, plusieurs parents m’amènent un ado qui ne va pas bien, dit-elle. Quand je suis avec les jeunes, ils me parlent énormément de leurs résultats scolaires et des autres ados : ils sont toujours dans la comparaison et de plus en plus axés sur la performance. » Selon elle, le livre, structuré autour de dix questions de base sur l’anxiété, peut aider autant les jeunes que les parents. « C’est un livre facile d’accès qui se lit très bien. En tant qu’intervenante, je pourrais leur transmettre de méchantes grosses briques, mais quand on ne va pas bien, les lectures compliquées ne passent pas. » Le livre de Nathalie Parent permet aux lecteurs, jeunes ou moins jeunes, de savoir comment déceler l’anxiété de performance et comment l’apprivoiser. « Souvent, ce sont les adultes qui alimentent l’anxiété de performance chez leurs enfants, sans s’en rendre compte. En parallèle, les jeunes ne vont pas bien, mais ils ne savent pas comment mettre des mots là-dessus. Le livre permet de comprendre, en plus de donner plusieurs trucs. »

Éditions Midi Trente, 2020, 144 p. 17,95 $

Comprendre la douance

Kim Nunès et Julie Rivard

Pour en finir avec le mythe du génie à qui tout réussit, les enseignantes Kim Nunès et Julie Rivard ont élaboré Comprendre la douance, un ouvrage très apprécié d’Ariane Hébert, psychologue spécialiste en douance, qui travaille activement dans l’évaluation de la santé mentale. « La douance n’est pas juste un potentiel intellectuel plus élevé, c’est aussi une façon différente de réfléchir, d’interagir avec les gens et de comprendre le monde, explique Mme Hébert. Le livre explique bien le concept. Il donne de bons exemples concrets sur ce qui peut se passer au quotidien avec une personne qu’on dit douée, sur-efficiente intellectuellement ou avec un haut potentiel. » Fait à noter, les ouvrages sur le sujet sont généralement écrits par des spécialistes français, et pas toujours avec une approche prônant la vulgarisation. « Même moi qui connaîs bien le sujet et qui suis équipée en vocabulaire, j’ai souvent du mal à suivre la plupart de ces livres. À l’inverse, Comprendre la douance, écrit par deux Québécoises, est un livre accessible et super intéressant. » Bien que la douance ne concerne pas plus que 2 % de la population, si le système et les parents « échappent » les personnes concernées, les conséquences peuvent être dramatiques. « Les écoles me réfèrent des enfants pour évaluer un déficit de l’attention ou de l’anxiété. Parfois, quand on creuse, c’est la douance qu’on découvre. L’élève n’est pas distrait ou incapable de se concentrer : il a compris les explications dès la première phrase. »

« La douance n’est pas juste un potentiel intellectuel plus élevé, c’est aussi une façon différente de réfléchir, d’interagir avec les gens et de comprendre le monde. »

– Ariane Hébert

Les Éditions de l’Homme, 2019, 256 p 27,95 $

Et si on les laissait vivre ?

Joël Monzée

Docteur en neurosciences, Joël Monzée vient à la rescousse de plusieurs parents dépassés et d’enfants écrasés par le poids des attentes. « Il croit fondamentalement que la meilleure façon d’aider les jeunes, c’est d’aider les parents, précise Nathalie-France Forest. Son livre Et si on les laissait vivre ? amène les gens à redécouvrir leur enfant intérieur, à revisiter leur passé et à reconnecter avec ce qu’ils vivaient à l’époque pour mieux se comprendre eux-mêmes, afin de mieux comprendre leurs jeunes. » Elle croit elle aussi que les parents, les enseignants, les entraîneurs et toutes personnes susceptibles de contribuer au développement des jeunes ont parfois tendance à oublier leur propre enfance. « On s’attend souvent à ce que les enfants autour de nous aient des comportements d’adultes, alors que ce n’est pas ça qu’on aurait voulu quand on était petit et que ce n’est pas ça qu’on vivait. Le livre de Joël Monzée nous ramène à ce qu’on était et à lâcher certaines attentes. » Il invite les lecteurs à être aussi souples que fermes avec les petits qui les entourent, mais aux bons moments. « Il faut faire preuve d’amour inconditionnel, en établissant des limites claires en fonction d’une meilleure compréhension de ce qui est vraiment en train de se passer. » Le spécialiste considère entre autres que ce ne sont pas les paroles, mais les gestes qui priment dans la façon d’éduquer les enfants. « On est plus contagieux avec ce qu’on fait qu’avec ce qu’on dit, illustre la professeure de chant et thérapeute. Plutôt que faire toutes nos demandes d’un point de vue langagier ou intellectuel, il propose qu’on s’intéresse davantage à l’être physique et à l’être émotif pour qu’ils s’accordent mieux. » En d’autres mots, le livre a comme objectif de faire évoluer l’intelligence émotionnelle de ceux qui côtoient les enfants pour les amener dans l’écoute. « C’est un concept qui m’interpelle beaucoup. Dans mes cours et mes ateliers, je dis souvent que si on écoute vraiment bien, on va pouvoir se faire entendre. L’écoute des autres passe d’abord par l’écoute qu’on s’offre à soi. Inévitablement, on va ensuite améliorer notre capacité à écouter les autres. » Bien que le livre ait été écrit par un grand spécialiste en neurosciences, il n’en est pas moins accessible. « Il offre des réponses scientifiques précises à des situations très concrètes. C’est pratico-pratique. Le livre nous amène à réfléchir et nous offre beaucoup d’images claires et d’outils simples. » Nathalie-France Forest apprécie tout particulièrement la bienveillance qu’elle perçoit à travers les mots de l’auteur. « En gros, on découvre comment revisiter sa propre enfance pour mieux comprendre l’enfant qui est devant nous et qui se cherche un modèle pour se comprendre lui-même. »

« Son livre amène les gens à redécouvrir leur enfant intérieur, à revisiter leur passé et à reconnecter avec ce qu’ils vivaient à l’époque pour mieux se comprendre eux-mêmes, afin de mieux comprendre leurs jeunes. »

Nathalie-France Forest

Le Dauphin Blanc, 2018, 200 p 22,95 $