Les livres illustrés
Le livre illustré, c’est de l’art et l’art, c’est pour tout le monde
J’ai grandi dans une maison où l’art était valorisé. Dans le salon de mon enfance, entre les toiles de ma mère et le piano à queue de mon père, se trouvait une imposante reproduction de la Vieille femme lisant de Rembrandt. Éparpillés sur les tables à café, revues d’architecture et livres de toutes sortes rendaient la tâche d’y déposer un verre de lait quasi impossible.
Adepte de musique, mon père faisait résonner la maison de ses classiques favoris tandis que ma mère, depuis son atelier d’où émanaient des effluves de térébenthine, me transmettait son amour de l’art et des grands peintres.
Mêlée aux Rubrique-à-Brac de Gotlib dans la vieille bibliothèque brune, la collection de monographies d’artistes de la Renaissance me fascinait. Je m’amusais à la feuilleter et à y découvrir avec émerveillement le sens du drame et la maîtrise du chiaroscuro caractéristique de cette période.
C’est grâce à mes parents et à ces artistes d’une autre époque que j’ai appris à laisser mes sens et mes émotions s’imprégner de l’essence d’une œuvre pour l’interpréter.
Selon moi, l’image est fluide et évolue avec celui qui la regarde. L’œuvre visuelle ne demande pas à être comprise, mais à être ressentie. L’image ne dicte pas ce qu’elle signifie, elle offre une liberté d’interprétation, relative à l’histoire et à la sensibilité de chacun. Elle permet à l’être qui l’observe de se connaître et de se reconnaître en elle sans l’intervention du mental.
C’est ce qui m’attire dans le livre illustré, cette connexion directe et sensible avec l’œuvre littéraire par le biais de l’image. Que ce soit par la bande dessinée, le roman graphique ou l’album jeunesse, j’aime me plonger dans cette expérience immersive tissée par le dialogue entre les mots et les illustrations. J’aime me laisser submerger par les formes et les couleurs de ces mondes miniatures, y voir la douceur, la force ou l’humour de ses créateurs incarnés dans un coup de crayon.
Chaque livre est pour moi une œuvre d’art; chaque image, un tableau. Je les collectionne avec passion, je les montre à mon entourage en soulignant la beauté d’un trait ou d’un détail, une expression faciale ou un mouvement. Ces œuvres me remplissent de la même joie et de la même fascination que le faisaient quand j’étais jeune les toiles des grands maîtres.
Je parle surtout de l’image dans le livre illustré, car c’est grâce à elle que cette forme d’art diffère du livre tout court. Bien sûr, le texte et ses mélodies ont aussi leurs forces et opèrent leur propre magie.
Dans un monde où nous sommes de plus en plus attirés par la satisfaction immédiate et la rapidité dans la consommation, le livre illustré permet de ralentir et de se connecter à soi-même pour aborder le monde.
C’est pour ces raisons qu’il est à mon avis primordial d’offrir aux jeunes lecteurs et lectrices la possibilité d’être exposés, à travers le livre illustré, à une multitude de styles visuels et d’interprétations de l’univers que nous partageons.
Certains pensent que le livre illustré, la bande dessinée ou encore le livre jeunesse, ce n’est pas sérieux et surtout, que ce n’est pas de la vraie littérature. À mon avis, ce sont des formes d’expressions artistiques et littéraires uniques, complètes, qui ont leur propre langage, voilà tout!
Depuis que je suis éditrice, je ne compte plus les fois où l’on m’a confié en secret, presque avec une certaine gêne: « Je n’ai pas d’enfants. Ce livre, je l’achète pour moi, il est trop beau. »
Je dis: « Allez-y, faites-vous plaisir! Le livre illustré, c’est de l’art et l’art, c’est pour tout le monde, peu importe l’âge. »
Valérie Picard
Éditrice, monsieur Ed
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