Collections | Volume 9 | numéro européen

Entrevues et portraits

Une nouvelle aventure dans la forêt boréale

Juliana Léveillé-Trudel et Andrew Katz

Josianne Desloges

Cet article a été rédigé pour le public européen.

Juliana Léveillé-Trudel et Andrew Katz ont une façon bien particulière d’écrire à quatre mains. Elle écrit en français, lui en anglais, et ils tricotent leurs histoires en les traduisant au fur et à mesure. À la fin du processus, ils obtiennent deux textes au vocabulaire riche, où chaque mot est soigneusement choisi.

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Nourris par leur imaginaire et leur bagage culturel respectif, leurs livres jeunesse mettent de l’avant le plaisir de la lecture et l’amour des deux auteurs pour la nature. Comment attraper un ours qui aime lire, publié en 2018, met en scène Julia, une jeune aventurière amie des animaux. Rêvant d’attraper un ours, elle fait la connaissance de Bertrand, un bibliophile à fourrure qui se laissera appâter par un livre.

On retrouve Bertrand, Julia et ses amis de la forêt dans le deuxième livre du duo, Voyage de nuit à la bibli, publié en 2022. L’histoire raconte une soirée de camping et un voyage en radeau ayant pour but d’aller pêcher les précieux objets de convoitise de l’ours.

«L’idée de l’album Comment attraper un ours qui aime lire vient de Juliana qui, voyant son complice se ­lancer vivement sur un ouvrage qui l’enthousiasmait, a dit à la blague que le meilleur appât pour attraper Andrew pourrait être un livre. « On s’est dit que ça ferait une bonne histoire pour enfants, note l’autrice. Je suis celle qui ouvre le chemin, je fais les grands traits, alors qu’Andrew, qui est très patient, est plutôt le jardinier qui peaufine les phrases et les détails. »

Enseignant la littérature anglaise et la ­création littéraire, son partenaire a toujours cultivé le désir d’écrire des livres jeunesse. Il en avait déjà écrit quelques-uns pour ses neveux et nièces lorsqu’il a rencontré Juliana, qui a écrit les romans Nirliit et On a tout l’automne, publiés à La Peuplade. L’écriture est rapidement devenue un projet commun pour les amoureux.

Cultiver l’amour des livres

« Ma mère disait qu’il fallait toujours avoir un livre avec soi parce que ça transforme tous les moments d’attente en moments heureux », note Juliana, qui a grandi dans une fermette de la région des Cantons de l’Est, au Québec, entourée de bêtes à plumes et à poils.

Andrew, de son côté, a vécu les étés de sa jeunesse au chalet de son grand-père, dans la forêt du nord de l’Ontario. Il allait de soi, pour eux, d’associer la lecture avec le plein air et l’aventure. Andrew aime particulièrement un poème d’Emily Dickinson qui dit qu’aucun bateau n’est plus efficace qu’un livre pour nous faire voyager. « Quand on lit, on aborde la vie avec davantage de curiosité, d’ouverture d’esprit et d’imagination, expose-t-il. Dans nos histoires, on voulait mettre de l’avant que la lecture influence la vie et vice-versa. »

Les possibilités de représentations d’une forêt de jour et de nuit ont permis à l’illustrateur Joseph Sherman de créer des décors aux ambiances et aux teintes différentes. Le prochain livre de la série se déroulera en plein hiver, dans des bois parés d’un manteau de neige blanche.

Conjuguer deux héritages

Juliana a toujours eu une affection particulière pour l’ours, le roi de la forêt boréale. Elle se souvient d’avoir usé à la corde un petit album baptisé Les bons amis, de Paul François, qui fait partie des albums du Père Castor publiés par Flammarion, et où différents ­animaux de la forêt s’entraident.

Les histoires de Winnie the Pooh imaginées par A. A. Milne ont beaucoup influencé Andrew.  « Ma grand-mère nous les lisait et j’entends encore sa voix, ses intonations, son rire. Il y avait quelque chose de magique, de léger. J’imaginais Julia dans ce type de forêt très sûre où l’imagination peut jouer librement. » Voyage de nuit à la bibli contient une comptine en guise de finale, un autre trait typiquement anglo-saxon.

Cet héritage se conjugue, dans les livres du couple, avec un humour et une légèreté qui caractérisent plusieurs classiques de l’Hexagone. « En France, la littérature jeunesse peut être très libre, sans tabou, et je crois qu’on est influencés par ça au Québec, expose Juliana. Quand le premier livre est sorti en anglais, il y a eu des commentaires comme quoi le concours de pets qu’on y évoque était inapproprié, alors que chez le lectorat francophone, personne n’a même haussé un sourcil. »

L’amalgame unique que constitue Comment attraper un ours qui aime lire, disponible également en arabe, en arménien, en népalais et en russe, a charmé de jeunes lecteurs issus de cultures bien différentes. Le second livre de Juliana Léveillé-Trudel et Andrew Katz semble engagé sur la même voie.

Voyage de nuit à la bibli, Juliana Léveillé-Trudel et Andrew Katz, CrackBoom !, 2023, 36 p., 11.90 €, 9782898023224.