Collections | Volume 8 | numéro 4

Jeunesse

Élargir les horizons des jeunes

Pierre-Alexandre Bonin

Le Québec est une terre d’accueil, que ce soit pour les immigrants, les migrants ou les réfugiés. Cette diversité culturelle se rencontre partout : à l’école, dans la rue, à la garderie, et les enfants en sont conscients, même s’ils ne portent pas le même regard que les adultes sur la question.

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De leur côté, ces nouveaux arrivants ont leur propre vécu, qu’ils souhaitent parfois partager, alors qu’à d’autres occasions, c’est plutôt un passé douloureux qu’ils ne veulent pas nécessairement revivre. Ce métissage culturel donne donc lieu à des rencontres et à des échanges souvent fructueux et porteurs de nouvelles amitiés.   

Les suggestions de livres qui suivent se veulent le reflet de cette diversité, de cette volonté d’ouverture et de la curiosité propre aux enfants. Les albums, romans et documentaires proposés font tous, à leur manière, la promotion du vivre-ensemble, des vécus autres et de l’apport des différentes cultures à celle du Québec. Espérons que ces suggestions vous permettront d’élargir les horizons des jeunes… un livre à la fois !

Suggestions de livres

La dame aux livres

Kathy Stinson et Marie Lafrance

Anneliese ne comprend pas pourquoi les gens font l’effort de nettoyer les rues et d’en retirer les débris. Après tout, comment les choses pourraient revenir telles qu’elles étaient avant la guerre ? Il lui faut trouver à manger pour elle et son frère Peter, au-delà des maigres rations que leur mère parvient à obtenir en faisant du troc. Lorsqu’Anneliese amène son frère avec elle dans un grand bâtiment où les gens font la file pour entrer, elle ne sait pas que leur vie est sur le point de changer, et tout ça à cause d’un livre… et d’un taureau ! Kathy Stinson et Marie Lafrance reviennent sur la vie et l’œuvre de Jella Lepman dans La dame aux livres, un magnifique album sur le pouvoir de la lecture et de la littérature jeunesse. Cette touchante histoire, inspirée d’événements réels, montre bien que les livres peuvent tisser des ponts entre les communautés, et qu’ils peuvent même servir d’antidote aux horreurs de la guerre. Une œuvre poignante qui met en lumière une femme méconnue, dont l’héritage continue de venir en aide aux enfants du monde entier.

Les 400 coups, coll. « Carré blanc », 2021, 32 p. 20,95 $

Dessine-moi un traîneau

Louise-Michelle Sauriol et Karen Hibard

Émile a un secret. Le matin, il passe au parc avec son grand-père pour ramasser les bouteilles et les canettes laissées par les gens. Mais un jour, il se rend compte qu’une vieille dame l’a devancé dans sa chasse au trésor. Curieux, il essaie de discuter avec elle, mais la drôle de grand-mère ne semble pas parler le français. Par contre, elle dessine un ours polaire sur une banquise. C’est alors le début d’une amitié étonnante entre Émile et Iti, faite de dessins, de froid et de traditions qui n’ont pas été oubliées, malgré la distance. Louise-Michelle Sauriol et Karen Hibard proposent, avec Dessine-moi un traîneau, une touchante histoire d’amitié intergénérationnelle, mais posent aussi un regard empli de compassion sur une situation qui prend de l’ampleur dans les grandes villes canadiennes, soit les autochtones en situation d’itinérance. Le texte, en français et en inuktitut, est simple et accessible. Les illustrations, aux traits à la fois vifs et brouillons, donnent vie à cette histoire douce-amère. Un album qui permet de découvrir la réalité des autochtones en milieu urbain, loin des préjugés et des stéréotypes.

Éditions du Soleil de minuit, coll. « Album du crépuscule », 2021, 24 p. 12,95 $

Le grain de sable. Olivier Le Jeune, premier esclave au Canada

Webster

Olivier Le Jeune. Ce n’est pas son vrai nom, mais celui qu’on lui a donné. On l’a arraché à son île natale de Madagascar pour l’amener de force en Europe, puis en Nouvelle-France. Déraciné, il était considéré comme un objet, pas comme un être humain. Il fut le premier esclave au Canada, mais l’Histoire a tout fait pour l’oublier. Le grain de sable. Olivier Le Jeune, premier esclave au Canada, de Webster, avec des illustrations de Valmo, témoigne pourtant du parcours de cet homme au destin tragique, qui ne fait pourtant pas partie des livres d’histoire officiels et dont la vie n’est pas enseignée à l’école. Webster met ici sa poésie au service d’Olivier Le Jeune afin de raconter et de faire connaître son histoire et celle de l’esclavage en Nouvelle-France. Les illustrations de Valmo, aux couleurs tantôt froides, tantôt chaudes, et aux traits volontairement flous, complémentent avec force les mots du poète et chanteur, et donnent vie à Olivier. Un livre poignant, mais essentiel, pour lever le voile sur un pan de notre histoire qui mérite d’être connu.

Éditions du Septentrion, 2019, 80 p. 19,95 $

La guerre des bébés

Carole Tremblay illustrations Élodie Duhameau

Violette et Lilou ne pensaient pas déclencher une guerre lorsqu’elles ont voulu savoir d’où venait le nouveau bébé de madame Hachida ! Mais entre Andréas, Tom, Fatou, Medhi, Cyril, les jumelles Sara et Mira, et Ana Maria, personne n’a la même réponse, et les esprits s’échauffent ! Heureusement, monsieur Samir et madame Hachida sont là pour répondre aux questions de tout ce petit monde ! Dans La guerre des bébés, on explore avec humour les différentes manières dont les bébés viennent au monde. Le texte vif et intelligent de Carole Tremblay, et les illustrations expressives d’Élodie Duhameau se combinent pour offrir un album à la fois ludique et éducatif. Outre la diversité des points de vue, souvent défendus vigoureusement, on retiendra également celle dans la représentation des personnages, provenant de divers pays, sans que ce soit pourtant le sujet du livre. Un album à mettre entre toutes les mains, et à lire avec les grands et les enfants !

La courte échelle, 2021, 32 p. 18,95 $

La vache qui voulait faire sa place

Carine Paquin illustré par Laurence Dechassey

Les animaux de la ferme de la Haute-Cour sont catastrophés lorsqu’ils apprennent que la ferme de la Cour-Arrière a été dévastée par un incendie. Plusieurs y ont des amis ou de la famille. Mais lorsque le fermier revient avec une nouvelle pensionnaire, une vache Highland, originaire d’Écosse, tout ne se déroule pas pour le mieux. Est-ce que Bridget saura faire sa place dans le pâturage ? La vache qui voulait faire sa place est un album écrit par Carine Paquin et illustré par Laurence Dechassey qui aborde avec humour les différences culturelles. Le « drôle » d’accent, l’apparence physique différente, même les gestes les plus banals de Bridget, la vache écossaise, sont prétextes à la discrimination de la part des autres vaches. Sans jamais être moralisatrice, l’histoire parvient à montrer à quel point l’ouverture à la différence est une valeur fondamentale. Un album vachement sympathique !

Éditions Michel Quintin, 2021, 32 p. 14,95 $

Les amis

Paule Brière et illustré par Amélie Montplaisir

Les amis, c’est fait pour rire, pour s’amuser, pour se déguiser, pour avoir du plaisir, pour jouer et même pour se faire des câlins ! L’album Les amis, écrit par Paule Brière et illustré par Amélie Montplaisir est tout simple, et mise sur une poésie du quotidien douce et réconfortante. On y retrouve des situations de tous les jours, mais avec une volonté assumée de présenter des réalités et des corps différents. Les illustrations sont un kaléidoscope de la diversité alors que le texte fait l’éloge de l’amitié, au-delà des différences. Un beau livre pour faire découvrir la poésie aux tout-petits.

Éditions de l’Isatis, coll. « Clin d’œil », 2021, 24 p. 13,95 $

Où tu vas, Emma ?

Hélène Devarennes illustrations Omar Al-Hafidh

Le papa d’Emma voudrait bien savoir où elle va, le soir, quand la lune éclaire le ciel et qu’elle est en pyjama. Est-ce qu’elle danse dans la rue ? Est-ce qu’elle hurle avec les loups ? Est-ce qu’elle devient un papillon ? Même si Emma voudrait bien lui répondre, il y a un tout petit problème, son papa est déjà endormi ! Où tu vas, Emma ? est un album d’Hélène Devarennes, avec des illustrations d’Omar Al-Hafidh. On y célèbre le pouvoir de l’imagination et des rêves, mais aussi la diversité, avec Emma, ses cheveux bouclés et son teint basané, tout comme son papa. Tous les enfants devraient pouvoir s’identifier aux héros et héroïnes de leurs livres préférés, et la jeune Emma est aux premières loges pour promouvoir cette ouverture à la différence. Une jolie histoire à lire avant le dodo, en espérant que papa ou maman ne s’endorme pas avant la fin !

Bouton d’or Acadie, 2021, coll. « Étagère Poussette », 32 p. 14,95 $

Voyages autour de mon cœur

Gilles Tibo illustrations Geneviève Després

Une étoile filante tombée dans un verre de lait, un cheval de bois qui emmène une petite fille en voyage, une école pour les vieux clowns ou un voyage dans les bras de son papa, tout est propice à la poésie, pour peu qu’on s’attarde aux mots et à leur musique. C’est ce que nous proposent Gilles Tibo aux textes et Geneviève Després aux illustrations, dans Voyages autour de mon cœur. Ce recueil de poèmes est empreint de magie et d’émerveillement. Notons également l’importance d’avoir un personnage racisé sur la couverture. On ne soulignera jamais assez à quel point les enfants ont besoin de pouvoir s’identifier à des personnages qui leur ressemblent. La douceur des illustrations est un bonus supplémentaire, tout comme les textes qui s’adressent directement à l’imaginaire des enfants. C’est assurément un album incontournable !

Éditions de La Bagnole, 2020, 36 p. 29,95 $

Dounia

Marya Zarif

Dounia adore se promener dans les rues d’Alep, sa ville natale. Mais un jour, la guerre l’oblige à quitter son pays, avec ses grands-parents. Commence alors un long voyage pour la petite fille, qui ne sait pas ce qui l’attend. Heureusement, elle a des graines magiques qui ont le pouvoir d’éloigner le mal. Avec ses longs cheveux noirs, son courage et son sourire, Dounia parviendra-t-elle à trouver une nouvelle maison pour elle et ses grands-parents ? Quel magnifique album que Dounia, écrit et illustré par Marya Zarif ! Ce récit de résilience, d’optimisme et de courage illustre bien la réalité de trop nombreux enfants, qui doivent fuir leur pays ravagé par la guerre. Heureusement, l’auteure et illustratrice insuffle une bonne dose d’espoir à son histoire. Et les magnifiques animations en réalité augmentée viennent ajouter une couche de magie à un album déjà exceptionnel. Un petit bijou à découvrir pour mieux comprendre la situation des enfants migrants et réfugiés.

Bayard Canada, 2021, 36 p. 20,95 $

Dany à la dérive

Pierre-Luc Bélanger

Dany ne parvient pas à trouver sa place. Trop ci, pas assez ça, il peine à endurer sa solitude involontaire. Seules ses passions pour la voile et le tatouage lui servent de bouée. Un jour, après un grave accident pour lequel il se sent responsable, Dany décide de tout quitter pour tenter de trouver qui il est. Ce voyage lui apportera des réponses, mais pas nécessairement celles auxquelles il s’attendait. Dany à la dérive, roman de Pierre-Luc Bélanger, met en scène un adolescent métis, dont les interrogations identitaires pourraient résonner avec plus d’un lecteur ou d’une lectrice. On croit au parcours de ce jeune homme en quête de lui-même, qui ne se sent à sa place nulle part, en partie à cause de ses doubles racines, à la fois franco-ontariennes et haïtiennes. Un roman qui fait réfléchir à mettre entre toutes les mains.

Éditions David, coll. « 14/18 », 2021, 216 p. 15,95 $

Ces grands procès qui ont changé le monde

Francesca Trop

Qu’est-ce que la justice ? Qui a des droits, et quels sont-ils ? Comment maintenir la cohésion sociale et punir les comportements répréhensibles ? Qui dicte les lois ? Ce sont là quelques-unes des questions qui sont abordées par Francesca Trop, dans Ces grands procès qui ont changé le monde, un documentaire fascinant qui revient sur des causes judiciaires qui ont eu un impact durable sur les sociétés occidentales. Antisémitisme, génocide, apartheid, droits des minorités, plusieurs causes sociales ont été défendues devant les tribunaux par des procureurs, des juges ou de simples citoyens qui se sont levés pour combattre les injustices. Les présentations des procès, agrémentées de dessins crayonnés, permettent de remettre ceux-ci dans leur contexte historique et s’accompagnent d’un bref commentaire sur leur impact dans les sociétés occidentales. De plus, on y explique comment certains groupes comme les juifs, les enfants, les femmes, les esclaves, ont dû compter sur les tribunaux pour réaffirmer leurs droits les plus élémentaires. À la fin de cet ouvrage très instructif, on retrouve un glossaire des termes judiciaires ainsi que des peintures réalisées par l’autrice. Un livre étonnant qui suscitera bien des discussions.

Les Éditions du passage, coll. « Album illustré », 2021, 128 p. 32,95 $

Le  Nord et le Sud

Isabelle Picard

Léon et Éloïse, deux jumeaux adoles- cents, vivent dans la communauté innue de Matimekush, au nord du Québec. Léon voudrait pouvoir intégrer une équipe de hockey de haut niveau pour s’épanouir et perfectionner la pratique de son sport fétiche. De son côté, Éloïse fait une découverte troublante et lève ainsi le voile sur un pan de l’histoire de son peuple. Lorsqu’une nouvelle vient bouleverser le quotidien des jumeaux, chacun devra puiser dans ses ressources intérieures pour y faire face. Heureusement, leur collectivité est tissée serré et amis comme membres de la famille seront là pour les épauler dans l’épreuve. Le  Nord et le Sud est le premier tome de la trilogie « Nish », écrite par Isabelle Picard. On y découvre la réalité des peuples autochtones du nord du Québec, où les familles vivent entassées dans des maisons trop petites ou insalubres, où les projets miniers menacent l’équilibre des écosystèmes, mais où les traditions sont bien vivantes et où l’esprit de communauté est fort et ancré dans les mœurs. L’autrice déconstruit les préjugés et les stéréotypes, tout en invitant les habitants du Sud à découvrir toute la richesse des populations du Nord. Un premier roman prometteur qui donne envie de lire la suite des aventures de Léon et Éloïse.

Éditions Les Malins, 2021, 304 p. 16,95 $

Nin auass. Moi, l’enfant

Joséphine Bacon et Laure Morali illustrations Lydia Mestokosho-Paradi

Quels sont les rêves des enfants et des adolescents et adolescentes innus ? Quelles sont leurs craintes, leurs aspirations ? Qu’est-ce que cette jeunesse a à dire ? Pendant quatre ans, Joséphine Bacon et Laure Morali ont parcouru les dix communautés innues du Québec pour le découvrir. Avec l’aide de l’illustratrice Lydia Mestokosho-Paradi, elles ont regroupé ces milliers de poèmes dans un seul recueil : Nin auass. Moi, l’enfant. Écrit en français et en innu-aimun, avec parfois un amalgame entre les deux langues, ce livre est puissant et évocateur. Il nous permet d’aller à la rencontre d’une jeunesse qu’on n’entend nulle part dans les médias traditionnels et dont la voix devrait pourtant porter autant que celle des allochtones. Il est temps de (re)découvrir ces communautés, et quoi de mieux que la poésie pour y parvenir ? Voilà un livre touchant, émouvant, à la fois grave et naïf, qui parle directement au cœur.

Mémoire d’encrier, coll. « Contes et légendes », 2021, 360 p. 39,95 $