Collections | Volume 8 | numéro 3

Littérature

Des livres pour libérer la culotte

Samuel Larochelle

Si les notions de plaisir au féminin et de consentement ont longtemps été méconnues et tenues sous silence, la dernière décennie a permis aux femmes de faire éclater bien des tabous.

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Portées par le mouvement féministe et par les différentes vagues de dénonciations en matière d’inconduites sexuelles (#AgressionsNonDénoncées, #BalanceTonPorc, #Metoo, #MoiAussi), plusieurs autrices ont publié romans, essais ou collectifs pour mettre des mots sur leurs réalités, leurs désirs, leurs aspirations et leurs limites.

Suggestions de livres

Libérer la culotte

Nathalie-Ann Roy et Geneviève Morand

Le titre de cet article est directement inspiré d’une très récente offrande littéraire sur la sexualité des femmes : Libérer la culotte, un réjouissant collectif dirigé par Nathalie-Ann Roy et Geneviève Morand, qui avaient déjà publié le collectif Libérer la colère en 2017. Construit autour de tabous sexuels avec lesquels plusieurs femmes doivent composer, le livre est constitué de textes signés par une impressionnante brochette de plumes, dont Caroline Dawson, Maya Cousineau-Mollen, Caroline Allard, Julie Artacho, Pascale Bérubé, Rose-Aimée Automne T. Morin et Fanny Britt. Démontrant que la révolution sexuelle est loin d’avoir libéré la sexualité des femmes, elles réfléchissent au sexe en dehors du couple traditionnel, à la notion du devoir conjugal qui n’appartient pas totalement à l’époque de leurs grands-mères, au polyamour, au BDSM, à l’asexualité et aux multiples nuances de l’intimité. Si dans Libérer la colère, les plumes se réappropriaient l’expression « féministes frustré·e·s », elles s’autoproclament « mal baisé·e·s » dans ce collectif. Page après page, elles militent pour la jouissance au cœur de l’existence et partagent des tranches de vécu avec une grande transparence. Si leur but ultime n’est pas de choquer, il n’en demeure pas moins que leur franchise est décoiffante !

Éditions du remue-ménage, 240 p., 2021 24,95 $

Fontaines. Histoire de l’éjaculation féminine de la Chine ancienne à nos jours.

Stephanie Haerdle

Un peu plus tôt en 2021 est arrivé sur les tablettes un ouvrage dont le titre a fait tourner bien des têtes, Fontaines. Histoire de l’éjaculation féminine de la Chine ancienne à nos jours. Écrit par Stephanie Haerdle, diplômée en études de genre et en littérature allemande moderne à l’Université de Berlin, et traduit par Stéphanie Lux éditeur, cet essai est ni plus ni moins qu’une célébra- tion des fluides féminins, selon les différentes cultures et les époques. Établissant d’entrée de jeu que l’éjaculation féminine a été révérée pendant des siècles, l’ouvrage tente ensuite de décortiquer pourquoi ce phénomène naturel a été conspué, voire relégué dans le giron des fantasmes purement masculins à partir du XIXe siècle. Au terme d’une recherche exhaustive menée durant près de vingt ans, l’autrice livre les fruits de ses trouvailles, allant des traités érotiques de la Chine ancienne aux écrits des mouvements féministes de la troisième vague, en passant par les théories de Freud et les perceptions de l’ère préchrétienne. Bref, en s’intéressant à un sujet en apparence niché comme l’éjaculation féminine, elle nous offre un cours d’histoire culturelle et politique, qui s’avère instructif, ludique et fascinant.

Lux Éditeur, 312 p., 2021 26,95 $

Orgasmes à la carte. Aventures érotiques interactives pour lectrices intrépides

Anne-Marie Dupras

La fiction s’intéresse elle aussi à la jouis- sance des femmes. Dans Orgasmes à la carte. Aventures érotiques interactives pour lectrices intrépides, l’autrice québécoise Anne-Marie Dupras, à qui l’on doit Ma vie amoureuse de marde, Moments de maman et Une fois c’t’une fille, propose la version sexy d’un livre dont vous êtes l’héroïne. Afin que lectrices puissent s’identifier en grand nombre à l’histoire dans laquelle elles doivent s’impliquer, le personnage du roman ne porte pas de prénom, n’a pas d’âge précis et son physique n’est pas décrit dans le détail. Tout au long de cette aventure où les personnages sont chaque fois consentants, la créatrice explore d’innombrables avenues de la sexualité et de la séduction, incluant des rapports hétérosexuels, des relations avec une autre femme, des moments en solo et d’autres à plusieurs. De page en page, l’héroïne – pour ne pas dire chaque lectrice – plongera dans une suite d’anecdotes coquines à des années-lumière de ce qui est véhiculé dans la porno majoritairement pensée par et pour les hommes.

Éditions de l’Homme, 256 p., 2019 24,95 $

Sous la ceinture. Unis pour vaincre la culture du viol

Nancy B. Pilon

Publié à mi-chemin entre les vagues #AgressionsNonDenoncees et #MoiAussi, le collectif Sous la ceinture. Unis pour vaincre la culture du viol a frappé fort lors de sa sortie en 2016. Misant sur un amalgame de nouvelles littéraires, de témoignages intimes, de photos, d’une courte pièce de théâtre, de textes d’opinion et d’une discussion, le livre dirigé par Nancy B. Pilon explore les nuances du non-consentement et explique la culture du viol : un concept qu’on peut définir comme un ensemble de comportements, de paroles et de pensées qui mènent à la banalisation de tout ce qui existe dans le spectre des agressions sexuelles. Par exemple, le réflexe qu’ont plusieurs individus de remettre en question la parole des victimes (majoritairement des femmes), d’évoquer les conséquences qu’auront des accusations dans la vie de l’agresseur (majoritairement des hommes), de soulever plusieurs éléments sous-entendant que la victime est responsable de ce qu’elle a subi, d’entretenir l’idée voulant que le corps des femmes existe pour assouvir les besoins des hommes, etc. Dans ce collectif plus d’une fois réimprimé, on retrouve des contributions d’Aurélie Lanctôt, Véronique Grenier, Florence Longpré, Koriass, Natasha Kanapé Fontaine, Webster, Judith  Lussier et plusieurs autres.

Québec Amérique, 184 p., 2016 19,95 $

Je suis indestructible

Tanya Saint-Jean et Roxanne Guérin

Fait d’histoires courtes et percutantes, le collectif Je suis indestructible met en lumière les mots de Mélodie Nelson, Jennifer Sidney, Maïtée Labrecque-Saguanash, Isabelle Boisvert et Pascale Cormier, ainsi que les photographies de Andy Jon et les illustrations d’Odrée Laperrière. Sous la direction de Tanya Saint-Jean et de Roxanne Guérin, ces plumes retracent leurs fissures, recollent leurs morceaux et tentent de faire briller leur force plus que jamais.

Éditions Somme toute, 160 p., 2019 27,95 $

La fabrique du viol

Suzanne Zaccour

Sentant la colère des femmes gronder face à l’impunité de nombreux agresseurs, la juriste, militante féministe et doctorante en droit de l’Université d’Oxford, Suzanne Zaccour, a sérieusement analysé l’état du système de justice québécois, avant de publier La fabrique du viol. Convaincue que la problématique concerne non seulement la justice, mais également la société au sens large, elle encourage la population à déconstruire les nombreux préjugés qui teintent notre regard sur les relations. En effet, l’autrice nous invite à mener des réflexions parfois inconfortables et à nous regarder dans le miroir pour comprendre qu’on fait tous un peu partie du problème. Au programme : remise en question sur la misogynie, les jeux de pouvoir, les façons dont on protège les violeurs (parfois même sans nous en rendre compte), le consentement, les limites du droit et la crédibilité des victimes. Un livre touffu, confrontant, mais assurément nécessaire.

Leméac, 168 p., 2019 14,95 $

Mettre la hache

Pattie O’Green

À la question « Est-ce que ton père te touche ? », la protagoniste du livre Mettre la hache répond « Non, il ne me touche pas. Il me tue. Et tu fais pareil. » Dans ce livre, qui donne une nouvelle définition à l’expression « œuvre coup-de-poing », Pattie O’Green utilise l’univers western, ses références et ses images pour exposer les préjugés sur l’inceste, pour faire résonner les mots qu’on étouffe et pour mettre un projecteur sur les réalités qu’on ne veut pas regarder. Si vous voulez réfléchir sur nos travers de société et plonger dans un livre qui dénonce l’anesthésie sociale, la violence psychiatrique et ce que certains appellent le « viol doux », prenez une grande respiration et plongez. La plume aussi incisive que réparatrice de l’autrice est accompagnée des dessins de Delphine Delas.

Éditions du remue-ménage, 130 p., 2015 16,95 $

Les trois carrés de chocolat

Mélodie Vachon Boucher

Un livre sur les agressions sexuelles s’est particulièrement imposé au Québec au cours des dernières années : Les trois carrés de chocolat. Avec des mots et des dessins ô combien personnels, Mélodie Vachon Boucher fait le récit des trois viols qu’elle a vécus et elle invite ceux et celles qui la liront à l’accompagner sur le chemin de la résilience. Si le livre est bref, il n’en est pas moins riche. Si son histoire est déstabilisante, elle n’en est pas moins douce et prenante. Avec une réelle capacité à capturer l’essentiel, l’autrice nous plonge dans sa tête et dans son cœur. Son but n’est pas de régler ses comptes avec ses agresseurs, mais de mettre en mots son vécu et sa guérison.

Mécanique générale, 88 p., 2016 11,95 $

Vivre après avoir survécu . Reprendre sa vie en main après une agression sexuelle

Geneviève Parent

Peur, culpabilité et méfiance ne sont que quelques-unes des émotions qui habitent les victimes d’agressions sexuelles. Voilà pourquoi la littérature, les médias et les expert·e·s parlent souvent d’elles comme des survivantes. Dans son livre Vivre après avoir survécu . Reprendre sa vie en main après une agression sexuelle, Geneviève Parent tente de les guider pour passer de la survie à la vie. Sans prétendre que son ouvrage peut remplacer une thérapie avec un·e spécialiste, elle offre conseils, outils et pistes de réflexion pour sortir la tête de l’eau et réapprendre à respirer, avant de, peut-être un jour, refaire confiance et se retrouver dans une relation. Un ouvrage qui se veut porteur d’espoir et de lumière, après avoir vécu l’un des plus grands traumatismes que l’humain peut traverser.

Éditions de l’Homme, 192 p., 2018 24,95 $