Collections | Volume 7 | numéro spécial

Littérature

Une épopée surréaliste

Josianne Létourneau

« La Vérité est plus étrange que la fiction, mais c’est parce que la Fiction doit s’en tenir aux possibilités ; et que la Vérité ne le doit pas. » Cette traduction libre d’une phrase bien connue de Mark Twain ne pouvait trouver année plus propice pour être citée. Comme partout ailleurs, la trajectoire de l’année 2020 au Québec a défié tous les scénarios possibles et imaginables, rivalisant sans aucun doute avec les œuvres de nos plus visionnaires créatrices et créateurs de romans dystopiques (si l’on omet Émily St. John Mandell et son Station Eleven…).

Partager

Fermeture des librairies de la fin mars à la fin mai, événements en présentiel contraints, voire, quasi impossibles, visibilité des livres parus au printemps considérablement réduite : les conséquences sur l’activité trépidante du milieu littéraire québécois furent nombreuses… Mais ! La volonté, la résilience et l’inventivité se révélèrent plus puissantes encore, rallumant chez tous les maillons de la chaîne du livre une lueur d’espoir fébrile, celle de réussir à traverser ces mois particulièrement exigeants.   

En parallèle avec l’inévitable chute des ventes du mois d’avril, conséquence directe de la fermeture des commerces considérés alors comme non essentiels, les libraires indépendants du Québec purent assister à l’impressionnante démonstration de soutien de leur clientèle avec l’augmentation de 1297 % de leurs ventes en ligne versus la même période l’année précédente. Des initiatives furent rapidement mises en place  dans le but de stimuler la découverte et la visibilité du livre québécois, de soutenir les libraires locaux, initiatives provoquant l’action collégiale d’acteurs majeurs du milieu du livre.

D’admirables alternatives aux formats habituels des différents événements littéraires majeurs de l’année sont nées, palliant avec grande inventivité les limites variables imposées par les cadres sanitaires entourant les rencontres en présence. Cette épopée singulière, aussi surréaliste qu’elle le fut, ne put entacher la qualité, la diversité et la reconnaissance des livres parus en 2020 au Québec. Car au-delà de toutes contraintes physiques, la transmission, en 2020, fut aussi littéraire et les prochaines pages de ce numéro de Collections témoignent, de façon fragmentaire, bien sûr, de la richesse non confinée de la production québécoise.

Voix des origines

Les autrices et auteurs issus de l’immigration et des Premières Nations du Canada font partie du paysage littéraire québécois depuis plusieurs décennies. Récipiendaires, au fil des années, de prix importants, leurs œuvres vitales contribuent à changer le regard que nous portons sur notre société un peu homogène, sur le monde au sens large et à affronter nos préjugés. C’est d’ailleurs par le travail de maisons d’édition comme Mémoire d’encrier et Hannenorak que la littérature des Premières Nations, quasi invisible avant le succès sans précédent du recueil Bâton à message de la poétesse innue Joséphine Bacon (publié chez Mémoire d’encrier en 2009), reçoit maintenant, au Québec, davantage l’attention qu’elle mérite. Les titres mentionnés dans les recensions qui suivent ajoutent des œuvres de grande valeur à ce paysage littéraire inestimable.

Suggestions de livres

Mère à mère

SINDIWE MAGONA

Bouleversant dès les premières pages, le puissant Mère à mère de SINDIWE MAGONA, originalement paru en anglais en 1998, est (enfin !) traduit en français pour la première fois chez Mémoire d’encrier. Un ajout extraordinaire à leur catalogue et une belle opportunité pour le lectorat francophone de découvrir celle qui est considérée comme la première écrivaine sud-africaine noire de sa génération. Récit des circonstances entourant le meurtre d’une jeune femme américaine blanche par un jeune homme noir du township de Gugulethu, c’est par la voix de la mère du meurtrier, s’adressant à la mère de la victime, que cette histoire nous est racontée. Une narration toute en nuances et qui pose, sans manquer d’empathie, un constat sur l’Histoire et des questions profondément légitimes.

Mémoire d’encrier, 2019, 282 p. Harmonia Mundi Livre 19 €

La course de Rose

DAWN DUMONT

Avocate, actrice et humoriste, DAWN DUMONT a grandi au sud de la Saskatchewan au cœur de la Première Nation Okanese. C’est d’ailleurs cette enfance qui fait l’objet du premier roman de l’autrice, On pleure pas au bingo, publié en langue originale anglaise en 2011 et traduit en français chez Hannenorak en 2019. Heureusement pour nous, l’éditeur ne tardera pas à récidiver avec le deuxième roman, La course de Rose. Déployant à nouveau son impeccable et irrésistible humour, l’autrice nous plonge dans le quotidien de Rose, mère de deux filles devenues assez grandes pour comprendre que leur père volage a fini par faire l’erreur de trop. Celle qu’il fallait pour que Rose prenne enfin la décision de s’occuper de la personne la plus importante : elle-même. Roman de comédie humaine, La course de Rose confirme avec brio la grande profondeur que sous-tend l’humour vibrant de résilience déjà présent dans le premier livre de l’autrice.

Éditions Hannenorak, 2020, 488 p. DNM 24,60 €

Rayonnements

YING CHEN

Deuxième volet d’un projet de YING CHEN qui en comptera trois ou quatre (le nombre est encore indéfini pour l’autrice), Rayonnements assume, dans sa forme, une façon différente d’aborder l’Histoire. À l’instar du précédent roman de cette série, Blessures, tournant autour du fantôme de Norman Bethune, ce sont cette fois-ci les spectres de Marie et d’Irène Curie qui se retrouvent au centre de l’œuvre de l’écrivaine sino-canadienne. Par la voix d’Irène, rejoignant sa mère chez les morts, mais dont l’esprit explore toujours les lieux des vivants, s’ouvre la brèche intime de l’histoire des Curie, abordant leur relation presque symbiotique, mais, aussi, le récit des combats ayant marqué le parcours de l’illustre famille. Quatorzième livre de Ying Chen, Rayonnements, avec ses grandes qualités oniriques, illustre l’audace et la maturité littéraire de celle qui a su nous éblouir avec le déchirant L’Ingratitude, immense roman lauréat du prix Québec-Paris en 1995 ainsi que du Prix des libraires du Québec en 1996.

Leméac, 2020, 96 p. DNM 18 €

Je suis une maudite sauvagesse

AN ANTANE KAPESH

« Ce livre, c’est le cadeau précieux qu’on offre à l’Histoire » écrit l’autrice Naomi Fontaine dans la préface de cette nouvelle édition du texte incon-tournable de AN ANTANE KAPESH, Je suis une maudite sauvagesse. Publié pour la première fois aux éditions Leméac en 1976, et réédité aujourd’hui chez Mémoire d’encrier, le réquisitoire de celle qui se plie à l’écriture dans l’urgence et la nécessité de faire entendre sa voix par les Blancs arrive à un moment clé de l’histoire du Québec. En pleine montée nationaliste, le Québec multiplie les projets de développement et d’exploitation des ressources de son territoire, au détriment absolu du mode de vie nomade des Premières Nations. Finaliste du prix Mémorable 2020 des Librairies Initiales, ce livre est davantage qu’un manifeste : il est celui que tout Blanc doit lire afin de comprendre l’impact irréparable de la colonisation d’un territoire. Un livre majeur et fondamental.

Mémoire d’encrier, 2019, 216 p. Harmonia Mundi Livre 19 €

Les lois du jour et de la nuit

EMMANUELLE CARON

Après avoir écrit plusieurs romans pour la jeunesse (dont l’estimé Gladys et Vova, publié à l’école des loisirs et finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général en 2013), un recueil de poésie ainsi qu’un premier roman aux éditions Grasset (Tous les âges me diront bienheureuse, 2017), l’écrivaine EMMANUELLE CARON récidive avec Les lois du jour et de la nuit, œuvre enracinée au cœur d’une forêt envoûtée. Lorsque son Armand la déserte pour s’engager comme soldat dans le conflit qui oppose la France et l’Indochine, Marguerite décide de retourner vivre près de sa mère, dans le discret pavillon des bois de son enfance. Mais, de jour en jour, la certitude d’une présence magique, voire d’un combat de puissances occultes, s’affirme dans l’esprit de la jeune femme, se manifestant de plus en plus puissamment. D’une beauté classique, l’écriture d’Emmanuelle Caron captive le lecteur jusqu’au bout de cette histoire cruelle et hypnotique.

Héliotrope, 2020, 256 p.DNM 25 €

Faire les sucres

FANNY BRITT

Si FANNY BRITT a longtemps privilégié l’écriture théâtrale, autant pour un public adulte que pour la jeunesse, sa polyvalence n’est plus à prouver. Essais, romans graphiques, scénario pour la télévision et, finalement, un premier roman en 2015 sous le titre Les Maisons (finaliste au Prix littéraire des collégiens, 2017), la plume de l’autrice ne se tarit pas. Dans Faire les sucres, où elle déploie une seconde fois son souffle vif de romancière, c’est le thème de la crise qu’elle aborde sous plusieurs angles. Crise d’Adam qui, malgré sa réussite professionnelle, cherche un sens à sa vie dans une érablière achetée sur un coup de tête. Crise du couple modèle qu’il forme avec la douce Marion, alors que tous s’entendent pour dire qu’ils ont tout pour être heureux. Douée pour le doux- amer, saisissante d’humour même au cœur du drame, Fanny Britt poursuit, avec ce deuxième roman, son irrésistible exploration des oscillations de l’âme.

Le Cheval d’août, 2020, 304 p. DNM 27,95 €

Avec un poignard

MATHIEU LEROUX

Tantôt père, tantôt ex-amant, le « toi » insaisissable à qui le narrateur d’Avec un poignard s’adresse dans les premières pages du livre de MATHIEU LEROUX n’est pas sans évoquer le destinataire d’une certaine Lettre connue d’un dénommé Kafka. Mais contrairement à Franz, notre narrateur n’en reste pas là… Et dans un Las Vegas plus plastique que nature, une lutte contre la bête qui ne sommeille pas tant en lui s’amorce, irrépressible. Nuits frénétiques, consommations multiformes, exploration des corps et du corps de la ville, notre narrateur tente de devenir le maître du jeu dans une ville où, loin de sa fuite, certains s’efforcent de vivre malgré tout. Dramaturge, comédien, metteur en scène, essayiste, Mathieu Leroux poursuit avec cette deuxième œuvre de fiction la construction d’un univers littéraire où le roman n’est jamais dépourvu de théâtre.

Héliotrope, 2020, 256 p. DNM 22 €

Ta mort à moi

David Goudreault

David Goudreault a obtenu un succès phénoménal avec ses trois premiers romans qui forment le cycle de la Bête, réédité en un tome, La Bête intégrale. Avec Ta mort à moi, le poète devenu romancier réussit son retour à la prose en nous offrant une œuvre puissante et grave, lucide et mélancolique. Marie-Maude Pranesh-Lopez, née en 1980, surdouée, dépressive, « la nouvelle Nelligan », « une Gaston Miron réincarnée », née d’une mère et d’un père immigrants et vivant à Saint-Éphrem-de-Beauce, a le mal de vivre. Ce « trou blanc » qu’elle charrie l’affuble de trop grandes ailes, comme l’albatros de Baudelaire, pour ne pas ruer dans les brancards, s’exaspérant des « imbéciles ». Son destin extraordinaire la mène jusqu’au Laos, ou encore à commettre un scandale chez Bernard Pivot. Un roman noir et ambitieux qui traite de la vie furieuse et sans peur d’une mésadaptée exceptionnelle.

Stanké, 338 p., 2019 24,95 $

Nos forêts intérieures

JULIE DUGAL

Il faut parfois remonter à la source pour se retrouver. Ou faut-il, plutôt, retrouver ses racines, les explorer en profondeur, jusqu’aux plus infimes ramifications ? Mère de deux filles, en couple depuis plusieurs années, Nathalie se questionne sur les modèles de bonheur et de réussite imposés par les consensus arbitraires de la vie moderne. Sans cesse confrontée à un sentiment d’échec amoureux et aux multiples frustrations provoquées par les réactions de son entourage face à ses tentatives d’émancipation, Nathalie cherche des réponses. L’enfance. La famille. Les souvenirs. Les rêves. Les amitiés. Les amours. Aucun territoire n’est trop vaste pour échapper à la quête. Avec Nos forêts intérieures, la primo-romancière JULIE DUGAL confronte, avec beaucoup de sensibilité, d’aplomb et d’humour, et une bonne dose de bleuets, les constructions artificielles et fragiles de nos existences.

Marchand de feuilles, 2020, 398 p. DNM 26 €

Zéro douze

Marie Chouinard

En 2008 avec Chantiers des extases, Marie Chouinard, d’emblée connue comme danseuse et chorégraphe, faisait paraître le fruit de son premier travail de création avec un tout nouveau matériau pour elle : le langage poétique. Onze ans plus tard, elle récidive avec le substantiel Zéro douze, récit de soi racontant sous forme de courts poèmes la multitude de découvertes douces et brutales amères des premières années de sa vie. Un amour d’enfance, une dent cassée, un voisin pervers, une première « commission » au dépanneur, des moments qui révèlent le monde dans son banal quotidien, ses aberrations et sa complexité. Lentement, au fil des années, l’expérience sensorielle devient observation et interprétation, des époques défilent à travers la vie de la narratrice mais aussi celles de son entourage, dont les victoires et les déceptions s’entremêlent à ceux de la poète. Zéro douze se révèle comme un recueil qui suspend parfois sa respiration, face aux exigences brutales de la vie, sur la pointe des pieds.

Éditions du passage, 2019, 380 pages 32,95 $

Lola et les filles

MARISOL DROUIN

L’autrice MARISOL DROUIN semble se réinventer, ou s’amuser à nous confondre, à chaque œuvre publiée. Après le dystopique Quai 31 (2011) et l’intime Je ne sais pas penser ma mort (2017), tous deux parus aux éditions La Peuplade, elle offre l’audacieux Lola et les filles, œuvre-charge armée d’une poésie percutante et crue. Dès les premiers poèmes, Marisol Drouin est de front sur tous les fronts. Relations amoureuses, désir de sororité, mépris masculin, mesquinerie féminine : sa poésie crie et s’inscrit dans une prise de pouvoir face au paradoxal désintéressement masculin devant la puissance féminine. Avec, en filigrane, Nelly Arcan comme figure absolue de l’impasse, cette œuvre explosive fait le constat de l’impossibilité pour la femme, et pour l’écrivaine, d’être dissociée de son corps. Comme un désir de littérature à jamais lié aux sexes. Et la poésie de Marisol Drouin s’approprie l’un et l’autre, sans s’excuser.

La Peuplade, 2020, 112 p. CDE / Sodis 15 €

Corps étranger

CATHERINE LALONDE

Publié à l’origine en 2008 chez Québec- Amérique (avec une préface de Nancy Huston !), Corps étranger de CATHERINE LALONDE est réédité en 2020 au Quartanier. Récipiendaire du prix Émile-Nelligan récompensant le recueil de l’année d’un poète de moins de 35 ans, cette troisième œuvre de Catherine Lalonde mérite amplement cet honneur. Foudroyants, d’une désarmante musicalité, les vers de la poétesse exultent. Poésie de la rencontre, de la langue tue, d’un amour pour ce corps étranger trouvé et perdu, l’œuvre offre une brillante intertextualité. L’« épormyable » de Gauvreau et l’amour organique de Miron se retrouvent judicieusement tissés à même la poésie sauvage, lyrique et revendicatrice de Lalonde. Journaliste pour le quotidien Le Devoir depuis 2008, Catherine Lalonde a réussi à imposer sa voix non seulement par son travail de critique, mais, aussi, par la force unique de sa poésie.

Le Quartanier, 2020, 128 p. Harmonia Mundi Livre 15 €

Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne

MARC-ANTOINE K. PHANEUF

Plonger dans l’univers de MARC-ANTOINE K. PHANEUF réserve, disons-le, un merveilleux lot de surprises. Formé en histoire de l’art, l’auteur, également artiste et commissaire d’exposition, publie trois recueils de poésie au Quartanier avant d’offrir à ses lectrices et lecteurs ce Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne. Habilement publié dans une sélection « Hors-collection » chez La Peuplade, ce Carrousel unique rassemble des aphorismes, parfois aux allures de syllogismes, écrits sur une période de dix ans. Dix ans pendant lesquels l’auteur alliera, entre autres, observations, vérités, préjugés, idées reçues et références à la culture populaire pour former 368 modestes pages consacrées à cette spirale littéraire qui provoque à la fois le rire, la stupéfaction et, sans contredit, une inévitable réflexion formelle sur notre monde.

La Peuplade, 2020, 368 p. CDE / Sodis 20 €

Désormais, ma demeure

NICHOLAS DAWSON

Publié dans la collection Queer des éditions Triptyque, Désormais, ma demeure de l’auteur d’origine chilienne NICHOLAS DAWSON est un récit de soi à la croisée de l’autofiction, de la poésie, de l’essai et du livre d’art. Plaçant le sujet de la dépression au cœur de l’œuvre, Dawson réussit, à travers les différentes formes littéraires utilisées, à varier l’angle de traitement, passant du plus intime au plus cartésien, alternant chapitres appartenant à l’essai, photographies, poèmes et passages autofictionnels où son alter ego navigue de psychologue en psychologue, réalisant, non sans heurts, que la sensation d’être un étranger, même au cœur de ses communautés, est peut-être l’une des sources de son mal-être. Riche d’intertextualité, abordant de front la maladie à travers les mots des autres qu’il se sent « habiter », cette œuvre hybride de Nicholas Dawson est une construction ingénieuse et éloquente.

Triptyque, 2020, 178 p. DNM 24 €

Méduse

MARTINE DESJARDINS

Méduse, l’héroïne extraordinaire du sixième roman de MARTINE DESJARDINS, apprend dès son plus jeune âge qu’elle n’est pas comme les autres. Loin de là. Ainsi, lorsque son indigne père, heureux de se décharger d’elle au profit du mystérieux Athenaeum, l’y abandonne sans aucun remords, la jeune fille réalise que cette échappatoire n’est peut-être qu’une prison de plus. Passée maître dans l’art du roman gothique, double récipiendaire du prix Jacques-Brossard de la science-fiction et du fantastique pour ses précédents romans Maleficium (2009) et La Chambre verte (2016), Martine Desjardins offre, encore une fois, une œuvre sublime et monstrueuse. Loin de s’enliser en territoire connu, l’écrivaine, forte de sa plume de dentellière aux intonations ultra-classiques, fait de sa Méduse son œuvre la plus féministe et revendicatrice au cœur d’un parcours créateur qui n’a jamais eu froid aux yeux.

Alto, 2020, 216 p. DNM 24 €

À train perdu

JOCELYNE SAUCIER

Il pleuvait des oiseaux, roman huit fois lauréat d’importantes récompenses dont le Prix des cinq continents de la Francophonie 2011 et récemment adapté au cinéma, fut un point tournant dans le parcours de JOCELYNE SAUCIER. Huit ans plus tard, elle publie À train perdu, fiction aux allures d’enquête abordant à nouveau des thèmes chers à l’autrice : la vieillesse et l’amitié. Au terme d’une recherche minutieuse menée durant quatre ans afin de retrouver la trace d’une certaine Gladys Comeau, le narrateur, un homme de Senneterre (localité située en Abitibi, une région du nord-ouest du Québec), déroule le fil des conversations menées avec des proches et moins proches de la disparue. Afin de comprendre comment « la femme de Swastika », ville où celle-ci résidait, a pu se volatiliser, laissant derrière sa fille Lisana, dépressive et suicidaire multirécidiviste, la voix masculine, posée et tenace du roman refait avec nous, pas à pas, le récit de tous les liens tranquilles qui mènent, malgré eux, à la vérité.

Éditions XYZ, 2020, 264 p. DNM 22 €

Sam

FRANÇOIS BLAIS

La prémisse est abracadabrante. Mais pas impossible. Et surtout hilarante. Dans ce roman numéro huit de l’écrivain FRANÇOIS BLAIS, réédité récemment en format poche, le narrateur trouve, dans la brocante d’un organisme de charité, une boîte de livres contenant une œuvre qu’il avait renoncé à chercher… Et une autre, qu’il n’avait jamais cherchée mais qui maintenant l’obsède : le journal de celle qu’il appelera Sam. Savoureuse mise en abîme, le roman Sam est en fait un document que le narrateur n’écrit, au départ, que pour lui-même, y entremêlant par extraits le journal rédigé de la main de celle qui, par le pouvoir singulier de l’écriture, deviendra « la femme de sa vie ». Intertextuel, drôle et brillant, François Blais est un maître dans son genre, un écrivain unique qui, de livre en livre, ne cesse d’étonner par la finesse de son humour. Pour notre plus grand bonheur.

L’instant même, 2020, 228 p. DNM 15 €

L’avenir

CATHERINE LEROUX

Quatrième roman de l’écrivaine CATHERINE LEROUX, L’avenir déjoue les attentes en ce qui a trait aux canevas convenus de l’œuvre post-apocalyptique. Dépeignant un Détroit où l’on parle un français qui n’est pas sans rappeler celui d’un Québec antérieur, l’autrice prend, au cœur d’une ville exsangue, le pari d’imaginer une vie qui s’organise. Une vie communautaire qui, entre jardins et solidarités, résiste à tous les manques. Ainsi, lorsque Gloria s’installe dans la maison muette de sa fille assassinée et désertée par ses deux petites-filles, les gestes de soutien à sa quête de vérité ne tardent pas à venir…parfois de sources inattendues. Plusieurs fois primée, tant pour son œuvre (prix France-Québec en 2013 pour Le mur mitoyen, prix Adrienne-Choquette en 2015 pour Madame Victoria), que pour son travail de traductrice (Prix du Gouverneur général pour Nous qui n’étions rien de Madeleine Thien), Catherine Leroux poursuit son parcours sans faille avec rigueur et talent.

Alto, 2020, 380 p. DNM 29 €

L’Absente de tous bouquets

CATHERINE MAVRIKAKIS

De la tombe de la mère au parcours de la ville, la narratrice de L’Absente de tous bouquets de CATHERINE MAVRIKAKIS relate la vie de la disparue et la disparition des lieux ayant offert un écrin aux scènes d’une vie devenues souvenirs. À travers les évocations se tisse un parcours floral, jaillit un monde végétal sur lequel semble reposer tout le roman, opposant à la mort la vie incoercible des fleurs. Essayiste et romancière, Catherine Mavrikakis est devenue une écrivaine incontournable de la littérature québécoise, tant pour son œuvre littéraire que pour son parcours intellectuel. Sélectionnée pour le Femina en 2012 pour Les derniers jours de Smokey Nelson et lauréate du Prix des libraires du Québec et du Prix littéraire des collégiens en 2009 pour Le ciel de Bay City, l’autrice offre avec son dixième roman une ode au jardin à cultiver et une déclaration d’amour absolu.

Héliotrope, 2020, 184 p. DNM 20 €

Jenny Sauro

MARC SÉGUIN

Jenny Sauro était la plus belle fille de North Nation. Tout le monde le pensait. Et tout le monde se demandait aussi pourquoi une femme un peu sorcière comme elle n’avait pas d’homme dans sa vie. Pourtant, elle en avait deux : son père Émile et son fils Arthur. Avec eux, le quotidien, rythmé par son boulot de serveuse et le changement des saisons, ne souffrait d’aucun manque. Ils étaient tout son univers. Jusqu’à ce que le drame frappe. Le matin du 29 décembre, alors que la glace du lac des Onze milles cède sous les pieds d’Arthur, Jenny Sauro sauve la vie de son fils en perdant tragiquement la sienne. Artiste-peintre et romancier, MARC SÉGUIN, dans son quatrième roman Jenny Sauro, s’attarde à la beauté des choses simples et aux secrets qui jalonnent la vie d’une femme. Et par le regard des gens qui l’ont connue, l’auteur raconte non seulement la vie d’une personne aimée, mais celle de toute une communauté.

Leméac, 2020, 280 p. DNM 32,45 €

Mon (jeune) amant français

JOSÉE BLANCHETTE

JOSÉE BLANCHETTE est une figure polyvalente et appréciée de la presse québécoise. Animatrice, chroniqueuse, journaliste, elle collabore au quotidien Le Devoir depuis 1984, mais c’est en 1993 que sa voix de chroniqueuse s’y construit et s’y installe. Son approche des enjeux de société, que l’on peut lire chaque semaine, marque le monde médiatique par son humour, sa vivacité et sa démarche intellectuelle unique. La transparence qui la distingue est particulièrement perceptible dans son septième livre, Mon (jeune) amant français, roman où l’on sent chez Jeanne, l’héroïne, un peu (beaucoup) de la verve et de l’expérience de sa créatrice. Larguée par un mari quinquagénaire en quête de jouvence existentielle, la narratrice rebondit en plongeant dans une relation passionnée avec un homme beaucoup plus jeune. Mais loin de s’isoler dans une perspective consommatrice, Jeanne, à l’instar de Blanchette, va plus loin que les gestes et pose un constat extrêmement pertinent sur la vie amoureuse possible des femmes de 50 ans... et plus !

Druide, 2020, 232 p. DNM 21 €