Collections | Volume 7 | numéro 3

Biographie

Premiers pas de personnages d’exception.

Tous se souviennent des premiers pas sur la lune de Neil Armstrong. S’il s’agit probablement là de la « première fois » la plus marquante pour l’humanité au XXe siècle, l’Histoire est néanmoins parsemée d’événements dont l’importance est de tout autre envergure mais qu’il importe de se rappeler.

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Les biographies sont un lieu particulièrement privilégié pour se remémorer certaines étapes initiatiques importantes ou certains gestes inauguraux marquants. Très populaires en librairie, ces récits, souvent à cheval entre les livres d’histoire et l’essai, offrent aux lecteurs la chance de découvrir des destins uniques, de manière intime et documentée. Qu’ils soient auteurs, politiciens, sportifs ou intellectuels, tous participent, à leur manière et selon leur aventure propre, à l’élaboration du grand récit national.

Suggestions de livres

François-Xavier Garneau, poète, historien et patriote.

Patrice Groulx

FX Garneau. Ce nom résonne pour beaucoup d’entre nous sans que nous sachions toujours exactement pourquoi. On lui doit pourtant la première histoire de notre nation. Si la majorité des grandes villes du Québec possèdent une place, une rue ou un monument du nom de François-Xavier Garneau, c’est bien parce qu’il a combattu à la fois le clergé et les élites anglophones de son époque pour publier son Histoire du Canada, en 1845. L’œuvre monumentale est une réaction directe à la publication du rapport Durham, quelques années plus tôt, où il est dit que le peuple canadien-français sera facile à assimiler, car il ne possède ni culture ni histoire propre. Dans un style au moins aussi passionné que vivant, l’historien Patrice Groulx raconte le récit méconnu de celui qui incarne le destin de tout un peuple à un moment charnière de son évolution. François-Xavier Garneau, poète, historien et patriote, aux Éditions du Boréal, a le mérite de bien expliquer le contexte historique qui a vu naitre et grandir notre héros. On y voit comment celui qui naviguait entre les communautés anglophone et francophone, qui étaient à ce moment à peu près égales démographiquement, a profité de ses voyages en Europe pour bien comprendre les différences entre les systèmes anglais et français, et comment il est devenu un des acteurs majeurs de l’émancipation du fait français en Amérique.

Boréal, 2020, 282 p. 29,95 $

Une maudite belle histoire. Les premières années d’Unibroue

Pierre Paquin

Pour beaucoup de Québécois, Unibroue est synonyme de première dégustation d’une bière qui ne provient pas d’une grande brasserie industrielle. En effet, jusqu’à l’arrivée d’André Dion, fondateur d’Unibroue, le marché brassicole d’ici était contrôlé par les géants comme Molson et Labatt. Progressivement, avec des produits tels que la Blanche de Chambly, la Fin du monde et la Maudite, les amateurs d’ici se sont initiés à un nouvel art de boire la bière, ce qui a pavé la voie à toute une myriade de microbrasseurs. Dans Une maudite belle histoire. Les premières années d’Unibroue, aux Éditions de l’Homme, Pierre Paquin, qui fut vice-président de la compagnie, raconte comment la petite brasserie de Chambly est devenue un joueur majeur de l’industrie, jusqu’à sa vente à des intérêts ontariens en 2003. Le livre est enrichi des témoignages d’André Dion et de l’artiste Robert Charlebois, qui fut l’un des acteurs important de cette saga. L’histoire d’Unibroue, c’est l’aventure d’une première gorgée de bière qui aura, à terme, révolutionné le marché du houblon en terre d’Amérique.

Les Éditions de l’Homme, 2020, 232 p. 29,95 $

Félix D’Hérelle, trop rebelle pour le Nobel

Raymond Lemieux

Il fut tour à tour distillateur de whisky en Beauce, chocolatier à Longueuil, chercheur scientifique à l’Institut Pasteur de Paris, entomologue en Argentine, bactériologiste en Égypte et en Inde, professeur d’université à Yale et cofondateur d’un prestigieux institut de recherche soviétique dans les années 1930, mais son nom est à peu près inconnu. Du moins tant que l’on n’a pas lu la passionnante biographie Félix D’Hérelle, trop rebelle pour le Nobel, que publient les Éditions MultiMondes. C’est sous la plume du journaliste scientifique Raymond Lemieux que nous apprenons la fascinante épopée de ce chercheur autodidacte qui a découvert l’existence des bactériophages, des organismes microscopiques qui s’attaquent aux bactéries, ce qui le placera en lice pour le prix Nobel (qu’il ne remportera jamais). La publication de ce livre arrive à point nommé, car si sa découverte de l’époque a rapidement été surclassée par l’invention des antibiotiques, elle fait aujourd’hui l’objet de nouvelles recherches qui se veulent très prometteuses pour vaincre les bactéries multi résistantes.

MultiMondes, 2019, 246 p. 24,95 $

Anne Hébert, vivre pour écrire

Marie-Andrée Lamontagne

Anne Hébert est la première écrivaine québécoise publiée dans une grande maison d’édition française à y avoir connu beaucoup de succès. Bien qu’elle passera l’essentiel de sa vie dans l’Hexagone, elle ne cessera d’écrire au sujet du Québec, comme s’il s’agissait de s’éloigner de chez soi pour en être au plus proche. C’est un peu la réalité que décrit la journaliste et écrivaine Marie-Andrée Lamontagne dans son essai biographique Anne Hébert, vivre pour écrire, publié au Boréal. L’œuvre d’Hébert s’échelonne sur plus de cinquante ans et comporte parmi les plus belles pages de notre littérature, mais l’auteure derrière tant de beauté constitue un mystère, tant elle s’est toujours montrée discrète sur sa vie personnelle. Voilà particulièrement ce à quoi s’attarde la biographe dans cet ouvrage exceptionnel, qui deviendra la pierre d’assise de la majorité des études qui seront consacrées à l’écrivaine dans les prochaines années. Plus qu’une biographie, c’est à une véritable enquête journalistique que nous avons à faire. Témoignages de proches, archives, correspondances inédites et documents personnels de l’auteur sont tour à tour convoqués afin de nous offrir un portrait comme il ne s’en est jamais fait de ce monument de la culture québécoise.

Boréal, 2019, 504 p. 39,95 $

Pauline Marois. Au-delà du pouvoir

Élyse André Héroux

Peu de politiciens, tous sexes confondus, auront aussi bien connu la machine étatique québécoise que Pauline Marois. Celle qui aura occupé un nombre impressionnant de ministères terminera sa carrière politique au sommet en devenant la première première ministre de notre histoire. Si les faits d’armes politiques de la dame sont connus, l’on en sait très peu sur la femme derrière une aussi impressionnante aventure dans l’administration publique. Disposant du recul nécessaire, après quelques années loin des caméras, Pauline Marois a eu envie de se confier à la rédactrice et directrice littéraire Élyse André Héroux, ce qui a mené à la publication, par les éditions Québec-Amérique, de Pauline Marois. Au-delà du pouvoir. Il s’agit d’un livre passionnant, où l’on est invité à suivre le parcours de cette femme d’exception, de ses origines modestes jusqu’au sommet de l’Assemblée nationale, en passant par son expérience en travail social et les multiples postes qu’elle a occupés dans la fonction publique. L’ouvrage est une invitation à aller au-delà de l’image de la bourgeoise déconnectée qui lui colle malheu- reusement à la peau pour découvrir une femme extraordinaire qui aura, à terme, consacré sa vie au service public.

Québec-Amérique, 2020, 376 p. 29,95 $

Le Géant Ferré. La huitième merveille du monde.

Bertrand Hébert et Pat Laprade

D’une taille de 2,44 mètres, André Rossimoff méritait bien le surnom de Géant Ferré, selon lequel le connaissent les Québécois. Personnage central de l’univers de la lutte professionnelle d’ici, il sera l’un des pionniers de la fondation de la WWF, la ligue professionnelle de catch aux États-Unis. Dans Le Géant Ferré. La huitième merveille du monde, les historiens du sport Bertrand Hébert et Pat Laprade racontent le destin bref mais intense de ce personnage hors-norme. Atteint d’acromégalie, la maladie à l’origine de sa taille exceptionnelle, qui le mènera également à sa mort prématurée, il fera sa place dans la lutte, mais également sur les plateaux de tournage américains, mexicains et même japonais. Cette biographie exhaustive a bénéficié des témoignages de ses proches, mais ne fait pas l’impasse sur les côtés sombres du personnage pour autant. En effet, si l’on y célèbre ses exploits dans le domaine du sport et du spectacle, on fait également état de sa relation difficile avec sa fille ou de ses rapports parfois tendus avec les autres.

Hurtubise, 2020, 600 p. 38,95 $

Mon Octobre 70. La crise et ses suites

Louis Gill

La crise d’octobre 1970 est l’un des événements marquants du XXe siècle au Québec. L’historien Robert Comeau, aujourd’hui retraité de l’enseignement, revient pour la première fois sur cette période, moins pour tenter de justifier sa participation que pour clarifier certaines choses que l’histoire ne raconte pas, selon lui, avec exactitude. Pour ce faire, il s’est adjoint les services de son ami, l’économiste Louis Gill. Considéré comme l’intellectuel du FLQ, auquel il adhèrera, séduit par l’esprit romantico-révolutionnaire du groupe, mais dont il condamne aujourd’hui la violence, il y servira surtout comme rédacteur et penseur. Truffé d’anecdotes épatantes, le livre met en lumière l’attitude tordue des forces de l’ordre qui avaient non seulement infiltré le mouvement, mais qui iront jusqu’à créer de toute pièce une fausse cellule du FLQ et même perpétrer des attentats en son nom pour le discréditer. Mon Octobre 70. La crise et ses suites, chez VLB éditeur, se lit comme un roman policier haletant tout en offrant un regard neuf sur cette période trouble de notre histoire collective.

VLB éditeur, 240 p, 2020 26,95 $