Collections | Volume 7 | numéro 1

Essai

Penser et vivre la  maladie

Essais et témoignages

La maladie. Pour ceux qui en sont atteints de même que pour leurs proches, il s’agit bien souvent d’une tragédie à laquelle nul n’est préparé. Qu’il soit question de pathologie physique ou mentale, l’épreuve est souvent analogue et une des voies pour la traverser réside dans la documentation.

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C’est bien connu, le fait de connaître un phénomène, d’apprendre à son sujet, permet de relativiser et de mieux intégrer ce qui se produit en nous, ou près de nous. Il existe une vaste panoplie d’outils permettant de se renseigner, tant dans les publications universitaires que dans les témoignages populaires. Nous proposons ici quelques publications récentes qui seront à même d’orienter le lecteur curieux et soucieux de s’armer contre l’inévitable. On ne souhaite de malheur à personne, mais lorsqu’il frappe, il importe d’avoir à portée de soi ce qu’il faut pour s’en prémunir, et les livres sont parfois des alliés inestimables.

Suggestions de livres

L’appareil digestif. Des sciences fondamentales à la clinique.

Pierre Poitras

Rédigée par le gastroentérologue Pierre Poitras, qui est affilié au Centre de recherches universitaires de l’Université de Montréal (CHUM) et qui enseigne également au département de médecine de la même université, la troisième édition de L’appareil digestif. Des sciences fondamentales à la clinique s’adresse à la fois aux étudiants de premier cycle et aux médecins généralistes. Celui qui a maintes fois été honoré pour ses qualités de pédagogue propose un ouvrage qui doit servir de pont entre la recherche fondamentale et la pratique clinique concrète. Tenant compte des plus récentes découvertes en génétique et en biologie cellulaire et moléculaire, le livre se concentre sur les applications possibles, dans le champ de la santé gastrique, afin de mieux outiller les médecins généralistes et les étudiants qui ont à faire face à des pathologies de ce type. L’ouvrage est résolument axé sur une application pratique concrète, faisant fi des références scientifiques qui alourdiraient inutilement le texte, afin d’offrir un accès rapide à une pensée critique devant la documentation scientifique.

Presses de l’Université de Montréal, 440 p., 2020 96 $

Psychiatrie mortelle et déni organisé

Peter Gotzsche

Les liens entre l’industrie pharmaceutique et le corps médical sont de plus en plus critiqués. Pour certains, l’influence des fabricants de médicaments sur les médecins serait telle que ces derniers auraient souvent plus à cœur les multiples bonus (tournois de golf, voyages et autres gratuités) dont ils bénéficient que la guérison des patients. Bien que tenant un discours plus nuancé, le médecin et chercheur danois Peter Gotzsche prétend que les directeurs de services psychiatriques, soutenus par les pharmaceutiques, ont largement nié les échecs de la psychiatrie biologique et ont ainsi participé à répandre des faussetés au sujet de l’efficacité des molécules dans le traitement des maladies du cerveau. Traduit par le docteur Fernand Turcotte, Psychiatrie mortelle et déni organisé, aux Presses de l’Université Laval, entend démontrer que la surutilisation des médicaments psychiatriques entraine la mort d’un nombre démesuré de patients. On y explique qu’une réduction de 90 % de l’utilisation des psychotropes serait non seulement salutaire, mais améliorerait grandement le traitement d’une vaste proportion des pathologies psychiques.

Presses de l’Université Laval, 430 p., 2017 49,95 $

Le silence sur nos maux

Katharine Larose-Hébert

De prime abord, on peut penser que l’accès aux services de santé mentale est universel et que la discrimination fondée sur les enjeux identitaires en est absente. Or, comme l’analyse la travailleuse sociale et professeure adjointe à l’Université Laval Katharine Larose-Hébert dans son essai Le silence sur nos maux, les choses ne sont pas aussi simples qu’il y parait. En s’appuyant sur une étude ethnographique qui porte sur l’expérience des patients qui utilisent le réseau public québécois, la chercheuse a réalisé que l’organisation même du système ainsi que le discours dominant qui y est tenu sont susceptibles d’engendrer un régime de pouvoir qui a un impact certain sur le rapport à soi et à la société, chez le patient psychiatrisé. L’ouvrage se veut une dénonciation des relations de pouvoir indues qui peuvent survenir au cours du traitement et qui aspirent davantage à maintenir en place une certaine hiérarchie qu’à améliorer le bien-être des malades.

Presses de l’Université du Québec, 304 p., 2020 48 $,

Savoirs créoles

Viviane Namaste

L’accès aux soins de santé mentale n’est pas le seul endroit où les enjeux identitaires semblent s’inscrire sous le signe de l’inégalité au sein de la société. Selon Viviane Namaste, professeure titulaire de la chaire Simone de Beauvoir de l’Université Concordia et spécialisée en études féministes, la crise du sida, qui a sévi dans les années 1980, a été le théâtre d’une discrimination systémique dont la communauté haïtienne a largement fait les frais. En revisitant dans une perspective critique l’histoire de Montréal, elle a observé que les Haïtiens ont injustement été associés au sida, ce qui a généré un régime d’exclusion sociale qui a notamment nui à leur accès au logement, à l’emploi et aux soins de santé. Dans Savoirs créoles, chez Mémoire d’encrier, l’auteure fait appel à une documentation riche et variée, alliant études universitaires, journaux et entrevues dans la communauté, pour tirer un portait sombre de cette période. Elle souligne, en revanche, les efforts de mobilisation extraordinaires déployés pour contrer cette stratégie et en quoi ils ont été les fondements d’un nouveau rapport à son identité culturelle au sein de la communauté haïtienne.

Mémoire d’encrier, 352 p., 2019 29,95 $

Emmanuel Persiller-Lachapelle. Un précurseur de la santé publique (1845-1918)

Benoît Gaumer et George Desrosiers

Les Québécois d’aujourd’hui ont tendance à le tenir pour acquis, mais le système de santé publique, malgré tous ses défauts et ses engorgements réguliers, ne s’est pas fait par magie. Il est l’œuvre d’hommes et de femmes dévoués qui ont voulu rendre les soins de santé accessibles à tous. Parmi ces pionniers, Emmanuel Persillier-Lachapelle est bien connu des gens qui travaillent dans le système québécois puisqu’un important prix, qui porte son nom, est décerné tous les ans à quelqu’un qui s’est démarqué par son engagement en santé publique. Au tournant du siècle dernier, alors qu’il est diplômé de l’École de médecine et de chirurgie de Montréal, Emmanuel Persillier-Lachapelle devient le premier président du Conseil d’hygiène de la province de Québec, qui est en quelque sorte l’ancêtre lointain du notre ministère de la Santé actuel. Il a également été le président du Collège des médecins, un organisme visant la protection du public, où il s’est engagé dans l’élaboration de structures permettant un accès plus facile, pour des milliers de citoyens, aux services de santé. Avec Emmanuel Persiller-Lachapelle. Un précurseur de la santé publique (1845-1918) de Benoît Gaumer et George Desrosiers, l’histoire de la santé au Québec peut compter une nouvelle pierre, d’importance, à son édifice.

Presses de l’Université Laval, 160 p., 2019 25 $

Maestria. Le récit d’une violoniste et son chirurgien

Anne Robert

Le parcours artistique du premier violon à l’Orchestre symphonique de Montréal et professeure de musique au très réputé Conservatoire de musique de Montréal, Anne Robert, s’inscrit sous le signe de la réussite. Alors que tout semblait lui sourire, elle reçoit un diagnostic de cancer du sein, aggravé d’une prédisposition génétique qui ouvre la porte à d’autres apparitions tumorales. Maestria. Le récit d’une violoniste et son chirurgien, aux éditions du passage, raconte l’expérience d’une survivante du cancer, de manière à la fois émouvante et enrichissante. La perfectionniste que l’on devine à la seule évocation du poste qu’elle occupe au sein de l’orchestre sera à la hauteur de sa réputation tout au long de son chemin vers la guérison. Témoignage de la musicienne, le livre est ponctué d’explications scientifiques fournies par son médecin. L’humoriste bien connu Claude Meunier signe une préface engageante et bouleversante.

Les Éditions du passage, 192 p., 2018 24,95 $

Le doc des ados

Jean Wilkins

Les habitués de l’hôpital Sainte-Justine connaissent le docteur Jean Wilkins qui y a fondé, dans les années 1970, une unité destinée à la médecine des adolescents. Si on y traite différentes pathologies telles que la toxicomanie, les tentatives de suicide, les grossesses non désirées et les maladies transmises sexuellement, ce sont les troubles alimentaires qui retiennent surtout l’attention du médecin dans son livre Jean Wilkins. Le doc des ados. Et pour cause, explique Katia Gagnon, qui a dirigé la publication, parue aux Éditions La Presse : ces cas n’ont cessé d’augmenter depuis la fondation de la clinique. L’approche du Dr Wilkins face à l’anorexie est radicalement divergente de celle prônée par le milieu et qui est traditionnellement respectée par ses collègues. Alors que l’on a tendance à imposer un régime régulier à ces filles, le docteur Wilkins, lui, propose de prendre son temps et d’y aller au rythme des patientes. C’est ce genre de démarche non orthodoxe que le lecteur friand d’approches alternatives retrouvera dans ce livre rempli d’humanité et de compassion.

Les Éditions La Presse, 152 p., 2019 24,95 $

Tatouée sur le cœur

Francine Laplante

Alors que le Québec était plongé dans le célèbre verglas de 1998, c’est un drame d’une tout autre nature qui secouait l’univers de la femme d’affaires Francine Laplante. C’est à cette période qu’elle apprend que son fils, à ce moment âgé de 5 ans, est atteint d’un cancer très violent. Elle se fait alors la promesse de s’occuper d’enfants dans la même situation s’il en réchappait. Le petit Francis-Karl remis sur pied, elle tint promesse et créa deux fondations dédiées aux soins à la petite enfance. Dans Tatouée sur le cœur, aux Éditions de l’Homme, elle témoigne de son expérience d’accompagnatrice d’enfants cancéreux, parfois, malheureusement, jusqu’à la mort. Dans un ton à la fois touchant et engageant, elle raconte les rencontres extraordinaires avec les familles éprouvées et les intervenants dans le système de santé. Celle qui porte effectivement le nom de certains des enfants qu’elle a accompagnés tatoué sur le torse est un exemple d’engagement et de dévouement à la communauté. Le livre est préfacé par le fondateur du Cirque du Soleil Guy Laliberté.

Les Éditions de l’Homme, 224 p., 2019 27,95 $

Stade 4. Ma vie avec le cancer

Alyson Beauchesne-Lévesque

Qui a dit qu’un livre de témoignage sur l’expérience du cancer ne pouvait pas être amusant ? Certainement pas Alyson Beauchesne-Lévesque avec son Stade 4. Ma vie avec le cancer, aux Éditions de l’Homme, un livre plein d’humour et d’émotion. L’auteure apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein alors qu’elle a seulement 27 ans. Habitée par la crainte d’être oubliée par son enfant, elle entreprend la rédaction du livre, à la fois pour se donner du courage et pour laisser une trace après son décès. Elle y livre un témoignage sur son expérience, qu’elle illustre elle-même, tout en prenant soin de vulgariser certains termes parfois obscurs liés à un tel diagnostic. L’ouvrage s’adresse à celles qui sont atteintes de cette terrible maladie, à leurs proches, mais aussi à tous ceux qui sont désireux de mieux comprendre ce qu’il en retourne lorsque l’on apprend que son échéance approche et que l’on est résolu à profiter au mieux de tous les moments qui nous restent.

Les Éditions de l’Homme, 176 p., 2018 27,95 $

Tu n’es pas seule. L’expérience du cancer : paroles de  femmes

Dominique Lanctôt

Lorsque Dominique Lanctôt, psychologue et professeure associée au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein, elle a été interloquée : « Pourquoi moi ? », se demanda-t-elle. Mais rapidement, la question s’est transformée en « Pourquoi pas » ! Dans Tu n’es pas seule. L’expérience du cancer : paroles de  femmes, publié aux Éditions de l’Homme, elle réunit les témoignages de 18 femmes aux prises avec la maladie. On y apprend comment elles ont traversé l’épreuve sans pour autant chercher à banaliser la souffrance inhérente à leur situation. Toutes témoignent d’à quel point cette expérience a bouleversé leur existence et a fait place à une remise en question fondamentale de leur rapport au bonheur, à l’amour et à la vie. En somme, le fait de se trouver devant l’éventualité de la mort les a toutes poussées à mieux vivre le présent. Ce livre offrira un réel réconfort à ceux et celles qui font face à l’épreuve et, aussi, à ceux qui sont simplement en quête d’exemples de sérénité.

Les Éditions de l’Homme, 288 p., 2015 26,95 $

Histoire d’une vie trop courte. Une battante au pays de Lou Gehrig

Marie-Josée Duquette

Au registre des horreurs liées à la maladie, celles relatives à la maladie de Lou Gehrig occupent une place toute particulière, au sommet de la hiérarchie. La sclérose latérale amyotrophique est cette maladie neurodégénérative où le patient perd, les unes après les autres, toutes ses facultés motrices, jusqu’à la mort. La seule chose qui demeure intacte au fil du développement de la maladie est la conscience, d’où l’analogie souvent entendue d’être « enfermé dans son corps ». Histoire d’une vie trop courte. Une battante au pays de Lou Gehrig, aux Éditions La Presse, raconte l’histoire d’un couple que la vie avait séparé, mais qui a été réuni par le diagnostic qui a poussé la femme à revenir prêter main-forte à son ex-conjoint. L’ouvrage est surtout un témoignage, co-écrit par Marie-Josée Duquette et son amie la journaliste Michèle Ouimet, sur les conditions de vie d’un proche aidant devant une maladie qui n’offre aucun répit et encore moins d’espoir. Le livre est brutal, comme l’est cette maladie, mais il y a fort à parier que cette expérience aux portes de l’enfer saura émouvoir et faire grandir ceux qui s’y aventureront.

Les Éditions La Presse, 208 p., 2015 24,95 $

Laisser sa trace. Parler de la mort pour mieux goûter à la vie.

Geneviève Landry

Si la finalité de la vie est inévitablement le décès, il arrive que la maladie rapproche malheureusement cette échéance. Directrice d’un organisme communautaire, conférencière et intervenante, Geneviève Landry a voulu aller auprès de personnes mourantes, ou atteintes d’une maladie incurable, pour recueillir leurs témoignages. Elle s’est entretenue avec eux, et leurs proches, pour les écouter et pour aborder le sujet sensible de la mort. Il en résulte un florilège tout à fait touchant, empreint de sagesse et de résolutions positives. On y parle de la mort afin de mieux célébrer la vie. Une des leçons principales du livre est de bien profiter du temps qu’il reste. Magnifiquement illustré par les photographies d’Emmanuelle Brière, le livre est bouleversant de sincérité et d’authenticité. Celle qui nous avait déjà donné Enquête de paternité nous offre avec Laisser sa trace. Parler de la mort pour mieux goûter à la vie, publié aux Éditions Druide, une source inépuisable de sensibilité et de profondeur.

Druide, 272 p., 2019 24,95 $

Ma tête, mon amie, mon ennemie. Visages inspirants de la santé mentale

Florence Meney, Alain Labonté

S’il existe une catégorie de malades qui est souvent stigmatisée, ou pire, qui n’est pas prise au sérieux, c’est bien celle de la maladie mentale. Que ce soit par incompréhension ou, plus simplement, par peur, il arrive que les gens rejettent ceux atteints de maladie mentale, ce qui n’aide en rien à leur condition. La responsable des communications au CHU Sainte-Justine Florence Meney et l’attaché de presse bien connu, notamment pour son livre sur les traitements aux électrochocs, Alain Labonté proposent Ma tête, mon amie, mon ennemie. Visages inspirants de la santé mentale, chez Trécarré. Dans ce recueil de témoignages, on se voit réconforté par la voix d’une douzaine de gens qui subissent ou qui ont subi la maladie mentale, mais également par celle de professionnels aguerris qui œuvrent dans le domaine. Le lecteur curieux des conditions liées aux troubles psychiques y trouvera à la fois des témoignages touchants et éclairants, mais également tout un appareil scientifique venant démystifier les mécanismes à l’œuvre dans ces pathologies. Un ouvrage à la fois informatif et émouvant qui prouve que la maladie mentale nous touche tous à un degré ou à un autre.

Trécarré, 169 p., 2019 24,95 $