Floraison de livres audio en poésie québécoise

C’est la lumineuse voix de l’artiste multidisciplinaire et metteuse en scène pekuakamiulnu Soleil Launière qui nous accueille dans la version audio du magnifique recueil de VIRGINIA PESEMAPEO BORDELEAU Poésie en marche pour Sindy. Neuvième livre de l’autrice, artiste et poète, cette œuvre poignante, véritable marche versifiée, rend mémoire et s’adresse à Sindy Ruperhouse, une femme de la Première Nation Abitibiwinni de Pikogan, située tout près d’Amos, disparue depuis avril 2014. « Tu ne seras jamais grand-mère alors sois belle, sois immuable / toi, toute en douceur / et puise dans l’amour des tiens / la force de tenir la flamme dans l’obscurité du monde. » Dès les premiers mots, la lecture nous dresse vers l’immensité tout en nous gardant les pieds bien posés dans une forêt de fougères, le cœur tourné vers Sindy et vers toutes ces trop nombreuses femmes autochtones disparues comme elle. Et nichée sur un fond de chants naturels, tels le bruissement des feuilles et le murmure des eaux, la poésie de Virginia Pesemapeo Bordeleau traverse les saisons et espère le retour de ces « filles dévorées par le silence ».

Produite et réalisée par Studio Bulldog, la version audio du recueil La mémoire est une corde de bois d’allumage de l’auteur-compositeur-interprète BENOIT PINETTE (mieux connu sous le pseudonyme Tire le coyote) est une merveilleuse réussite. Habitée par la musique atmosphérique, et originale, de David Sénécal, la lecture douce, posée et vibrante que Benoit Pinette nous offre fait résonner la vulnérabilité exprimée à travers ses vers. « Je finis caché / dans un trou à même mon cœur / rêvant d’une haie de cèdres / en forme d’oiseau. » De l’enfance à la paternité, les mots du poète traversent le temps, passant d’un début de vie peuplé de refuges à une réconciliation gravée à même les branches d’un arbre généalogique nourri à l’amour et à l’espoir. Un premier recueil aux racines profondes et à la floraison finale remplie de lumière et de tendresse.

Finaliste du Grand Prix du livre de Montréal 2019, le fabuleux recueil Comment nous sommes nés de CAROLE DAVID témoigne objectivement de l’univers unique dans lequel évolue l’œuvre littéraire et poétique de l’autrice. Et dans la version audio, sans musique ni accompagnement sonore, la voix assurée et assumée de Carole David elle-même fait naître avec une aisance désarmante une multitude d’histoires dictées par l’ordre des lieux, des gestes et des images. « Tapis sous les couvertures / nous sommes des armes dangereuses / un baiser à retardement » : sous les différentes parties du recueil, les vers de la poétesse donnent naissance à l’enfant gardien d’une boule de feu, à la floraison des êtres, arpentent le territoire entre les égarés et les bien-aimés et subliment les lieux ordinaires, transformant le drame en opportunité, l’image statique en mythe. Une grande poésie à découvrir.

Comme le vent fait frémir les feuilles, J’écris peuplier fait chanter 50 ans de poésie aux éditions du Noroît. Rassemblant les poèmes de 25 femmes et de 25 hommes ayant publié des œuvres chez l’illustre maison, ce collectif à la couverture de branches ombragées dévoile une unité de ton qui témoigne de la forte vision éditoriale de l’éditeur. Et pour ceux qui veulent plonger plus profondément dans ce florilège anniversaire unique, le site du Noroît révèle, sur sa page dédiée au titre, cinq plages audio de lectures qui rassemblent les poèmes de J’écris peuplier. On peut y entendre les voix inspirées de Paul Bélanger, Monique Deland, Jonathan Lamy, Gabrielle Giasson-Dulude et Martine Audet donner vie aux vers du collectif dans une atmosphère sobre encadrée par une parenthèse musicale atmosphérique. Une expérience unique qui laisse voir toute la richesse du catalogue du Noroît. Magique !

« À cheval sur les lignes de Padoue, Saint-Octave pis Métis, j’ai l’impression de vivre dans un poème debout sur une frontière. » Du seuil de sa maison de Métis-sur-Mer, STÉPHANIE PELLETIER raconte dans Ce qui brûle bien « l’histoire réelle et rêvée de ce qui l’entoure ». Tirée du livre éponyme publié dans la collection « Livre balado » chez Planète rebelle, la version audio de ce texte disponible sur les plateformes d’écoute se distingue du livre lu traditionnel. Né d’une collaboration entre la maison d’édition et La Quadrature et réalisé par Céline Jantet, le balado Ce qui brûle bien rassemble cinq textes extraits du livre narrés par l’autrice elle-même. Ainsi, au creux d’une création sonore signée Magalie Babin, Stéphanie Pelletier livre sa « fiction cousue main » tissée à même la nature crue, dans une langue imagée, vivante et d’une littérature rieuse qui fait jaillir la poésie d’un peu partout. Car, comme elle le dit avec ravissement : « À force de vivre dans un poème, c’est moi qui en deviens un »...