Collections | Volume 10 | numéro 1

Article de fond

Faire la courte échelle à la poésie

Pierre-Alexandre Bonin

La collection « Poésie » de La courte échelle existe depuis le début des années 2000 et s’adressait à l’origine aux adolescents. Elle regroupait à ce moment certains des grands noms de la poésie québécoise : Élise Turcotte, Carole David, Louise Dupré, Bertrand Laverdure. Au fil du temps, la collection a été quelque peu laissée de côté. Puis, lors du rachat de La courte échelle, elle a été carrément mise sur la glace, le temps d’en revoir les lignes directrices ainsi que de redéfinir la mission éditoriale de la maison.

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C’est au hasard d’une conversation avec Pierre Labrie, lors d’un événement littéraire, que l’idée de redémarrer la collection s’est concrétisée. L’auteur et poète, qui a publié plusieurs recueils de poésie chez Soulières éditeur, a raconté à Carole Tremblay, directrice éditoriale à La courte échelle, à quel point il y avait une demande pour les ateliers de poésie dans les écoles, et qu’il n’y avait pas tellement de livres disponibles.

Avec l’aide de Sébastien Dulude, éditeur à La Mèche (maison d’édition appartenant au groupe de La courte échelle) et poète, Carole Tremblay s’est attelée à la reconstruction de la collection « Poésie ». Leur souhait était de proposer des œuvres qui privilégient la forme courte et une langue proche de l’oralité, pour rejoindre les jeunes.

Ils ont conservé le format original de la collection, mais en ont profité pour retravailler l’objet livre afin de le rendre plus attrayant. De la maquette de couverture au papier, en passant par la mise en page et la typographie, tout a été réfléchi pour que les recueils de la collection servent d’écrins aux mots des auteurs et autrices qui rejoindraient celle-ci.

La nouvelle mouture de la collection s’adresse à un public de 9 à 13 ans. En effet, pour Carole Tremblay, au moment de relancer la collection, il lui semblait que c’était le groupe d’âge où les besoins de nouveaux textes étaient les plus grands. La collection se décline donc en trois « volets » : 9 ans et plus  ; 11 ans et plus  ; et 13 ans et plus.

La collection « Poésie » de La courte échelle propose des textes d’auteurs et d’autrices qui sont des poètes établis et qui ont déjà publié chez des maisons d’édition pour la clientèle adulte ou encore dans des revues littéraires. Ils font partie des nouvelles voix de la poésie québécoise. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas ouverts à découvrir de nouveaux auteurs ou de nouvelles autrices !

Quand on lui demande quel genre d’œuvres elle souhaite publier dans cette collection, Carole Tremblay répond : « Des textes contemporains, qui montrent que la poésie, c’est autre chose que des vers et des rimes. Que c’est une forme littéraire très libre, qui peut prendre différentes formes, que chaque auteur peut personnaliser et qui permet de dire les choses autrement que de façon descriptive et linéaire. Des textes qui abordent des sujets qui touchent les jeunes, qui font écho à leur réalité. (Ça prend un sujet, pas juste de jolis mots mis ensemble pour créer des images !) »

Pour la directrice éditoriale, il est primordial non seulement que les textes soient accessibles aux lecteurs et lectrices, mais aussi que les images soient à la fois fortes et suffisamment claires pour être décodées par le jeune public. Elle ajoute qu’elle trouve intéressant de « proposer des textes qui passent outre certaines règles traditionnelles de la grammaire (absence de ponctuation, de majuscules, phrases incorrectement formées), qui donnent le signal à ceux et celles qui maîtrisent mal la langue parce qu’ils et elles ont des problèmes d’apprentissage ou qu’ils ne parlent pas français qu’il est possible de jouer librement avec les mots et de leur donner du sens ».

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de mouvement dans les idées ou les images invoquées, mais il doit y avoir des personnages, un fil conducteur, auxquels les lecteurs et lectrices peuvent se raccrocher. Elle insiste d’ailleurs sur ce point : « Je ne veux pas qu’on me raconte une histoire qui va du point A au point B, mais que les mots fassent danser les idées, que le sens émane de leurs mouvements, que l’émotion éclate devant leur association incongrue. Je veux que le rythme et la musique des mots m’emportent et me permettent de découvrir un nouvel univers, mais aussi que la langue est un outil beaucoup plus riche qu’on ne le croit. »

Voilà donc les ingrédients qui expliquent le succès sans cesse grandissant de cette nouvelle mouture de la collection « Poésie », aux éditions La courte échelle, qui propose des textes forts, audacieux, et à la hauteur de leur public.

Suggestions de livres

Il faut partir, Casimir

VIRGINIE BEAUREGARD D. et DELPHIE CÔTÉ-LACROIX

Casimir, dix ans et demi, habite le même quartier depuis sa naissance, avec sa mère et sa petite sœur, et il en connaît tous les recoins et les habitants. Lorsque sa mère reçoit un avis d’éviction de la part du propriétaire de l’immeuble, son univers vole en éclats. Inventeur infatigable, Casimir décide alors de trouver un moyen de transformer la tristesse en bonheur. Il faut partir, Casimir est un roman en vers libres écrit par VIRGINIE BEAUREGARD D. et illustré par DELPHIE CÔTÉ-LACROIX. L’histoire presque banale et pourtant tragique de Casimir et sa famille est tout à fait servie par le choix de l’écriture poétique et la structure en vers libres de l’autrice. Les images invoquées nous vont droit au cœur et les illustrations, qui sont plus près du croquis, font du roman un carnet où Casimir semble avoir noté des idées au fil de ses réflexions. Bref, c’est un livre doux et poignant, qui fait du bien à l’âme.

La courte échelle 14.95

Le plancher de la lune

JEAN-CHRISTOPHE RÉHEL

Dans Le plancher de la lune, le narrateur raconte sa vie de tous les jours, vie ponctuée par ses problèmes d’apprentissage, et particulièrement sa dyslexie, qui rendent la lecture si difficile pour lui. Même s’il veut garder les deux pieds sur Terre, le narrateur se sent mieux sur la Lune, où il passe beaucoup de temps dans son imagination. Heureusement qu’il y a son chien pour le ramener à la réalité. JEAN-CHRISTOPHE RÉHEL signe un livre de poésie empreint de douceur et d’un brin de folie avec Le plancher de la lune. Il aborde la dyslexie avec délicatesse, et on sent tout l’amour que l’auteur porte à son narrateur, ainsi que son désir de montrer à tout le monde que la valeur d’un enfant ne se résume pas à ses capacités de lecture. Voilà un recueil en forme de baume sur le cœur, pour ceux qui, comme le narrateur, se battent avec les mots, avec les lettres, et voudraient plutôt aller sur la Lune que d’avoir à faire de l’épellation.

La courte échelle 13.95