La femme cent couleurs

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Cent couleurs ? Ou sans couleur ? Le titre du premier recueil de poèmes de Lorrie Jean-Louis, La femme cent couleurs, prend littéralement le contrepied de l’expression « gens de couleur », jugée trop limitée et étriquée pour désigner les communautés ethniques et la multiplicité d’expériences tant positives que négatives qu’elles vivent. Pour l’auteure, ce titre frondeur constitue une façon détournée et beaucoup plus productive d’aborder des enjeux liés à la diversité et à l’ethnicité. Dans une poésie désarmante par sa simplicité, mais jamais simpliste ou mièvre, Jean-Louis invoque toute une lignée de femmes immémorielles qui ont traversé les époques et les continents. Ce faisant, elle prend la parole de toutes celles qui, au cours de l’histoire de l’humanité, ont été ostracisées en raison de la couleur de leur peau, de leur sexe et de leur genre : « J’ai le cœur boréal / en océan indien / un souffle d’aigle / un pas d’outarde / je chante en créole / bifurque en espagnol / j’ai un chaos d’étoiles / dysharmonie des lèvres ». Critique de la blanchité du monde occidental moderne – le livre renferme d’ailleurs une réplique au célèbre Speak White, de Michèle Lalonde –, La femme cent couleurs s’impose comme une grande œuvre féministe et incite à dépasser la couleur de la peau (et toute forme de marquage identitaire réducteur) pour comprendre l’Autre et le saisir dans son entièreté.