Collections Volume 8 | numéro spécial

Entrevues et portraits

Fanny Britt et Isabelle Arsenault

fusain et ROCK’N’ROLL

Josianne Desloges

L’autrice Fanny Britt et l’illustratrice Isabelle Arsenault conçoivent des albums sensibles, évocateurs et hors-normes qui traversent les frontières et les océans. Après Jane, le renard et moi et Louis parmi les spectres, couronnés de plusieurs prix prestigieux, l’incomparable tandem a fait paraître cet automne au Québec et en Europe francophone, Truffe, trois lumineuses histoires de rock’n’roll, d’amour et de deuil où leur talent ne se dément pas.

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En parcourant le pimpant livre carré portant la bouille d’un souriant rouquin en couverture, le lecteur accède à un monde de passions et de questions. Les phrases soigneusement composées par Fanny Britt nous portent d’une page à l’autre, nous incitant souvent à nous arrêter pour savourer une formule particulièrement bien tournée.

« Ce qui me plaît le plus dans l’écriture de Fanny est qu’elle est ouverte et imagée, ce qui facilite beaucoup mon travail », nomme Isabelle. L’autrice, quant à elle, louange le pouvoir d’évocation des dessins de sa complice : « Il y a une attention aux détails, une musicalité, une part de mystère. C’est comme si elle prenait la phrase que j’avais écrite et qu’elle la déployait pour que ça devienne lyrique. C’est très difficile de dire quelque chose de simple et de virtuose en même temps, mais Isabelle y arrive toujours. »

« Il y a une attention aux détails, une musicalité, une part de mystère. C’est comme si elle prenait la phrase que j’avais écrite et qu’elle la déployait pour que ça devienne lyrique. »

Fanny Britt

Travaillant à la mine et au fusain, l’illustratrice fait les dessins en noir en blanc puis colore les différentes couches à l’ordinateur, ce qui donne une texture à la fois dynamique et empreinte de légèreté. « Tous les décors sont évoqués simplement, avec des formes géométriques », indique-t-elle. Le noir et blanc combiné à l’effet collage de certains décors sont un bel écho au côté rétro du personnage de Truffe, qui aime les Beatles, David Bowie et Kiss, dont les affiches – détaillées et immédiatement reconnaissables – ponctuent les pages.

Le personnage est inspiré d’Hippolyte, le fils cadet de Fanny Britt, et avait déjà conquis les cœurs des lecteurs en tant que personnage secondaire dans Louis parmi les spectres, où chacune de ses apparitions est comme une éclaircie. « À Toronto, les gens voulaient nos macarons de Truffe ! raconte l’autrice. Il y avait un attachement pour cet archétype d’enfant candide, qui veut découvrir le monde, qui est amusant, joyeux et en mouvement. »

Cette énergie concordait avec le désir du duo Britt-Arsenault de concocter un album « franchement jeunesse », alors que ses collaborations précédentes – des livres illustrés qui présentent des enfants ou des adolescents, mais qui résonnent fortement chez les adultes – ont été qualifiées d’inclassables.

« On a souvent une idée préconçue de ce que devrait être un livre jeunesse, mais ça prend toutes sortes de types de livres pour tous les types de lecteurs, souligne Isabelle. Je ne pense pas à un groupe en particulier quand je dessine, j’ai juste le goût de suivre mes inspirations et de voir où ça mène. Et en matière de livre jeunesse, y a plein de voies à explorer. »

Fanny, qui écrit du théâtre, de la fiction et des essais, compare l’écriture pour les albums à un travail de dentelle. « Je travaille davantage en précision, c’est plus succinct, plus épuré, alors qu’en roman ou en théâtre, c’est plutôt un torrent, expose-t-elle. Ça peut devenir aride de façonner des phrases encore et encore. Varier la forme, pour moi, on dirait que ça éveille des zones d’écriture différentes. »

Plusieurs éléments prolongent la magie du livre qui sera éventuellement publié en anglais aux États-Unis et au Canada, ainsi qu’en Chine et en Espagne. La jaquette se déplie pour révéler une affiche du groupe de Truffe et ses amis, Les plantes carnivores, et un double disque vinyle, produit par le talentueux musicien Philippe Brault et sur lequel chante le fils de Fanny Britt, a été lancé par La Pastèque.

Le premier projet du duo, Jane, le renard et moi, est toujours présent en librairie dix ans après sa publication et est mis à l’étude dans les écoles. Il a raflé une douzaine de prix littéraires, dont celui du Gouverneur général du Canada, deux Shuster, un Bédélys Québec et un Bédéis Causa, en plus d’avoir été retenu sur la liste des dix meilleurs livres illustrés du New York Times. Traduit en 13 langues, le livre a permis aux créatrices de voyager dans plusieurs pays.

« On a eu beaucoup d’invitations. Nous sommes allées en Italie, en Allemagne, à New York, raconte Fanny Britt. On a pu vivre l’impact international de Jane et je ne suis pas sûre que je mesurais à quel point nous étions chanceuses de pouvoir vivre ça. »

Truffe, Fanny Britt et Isabelle Arsenault, La Pastèque, 2021, 114 p., 19 €, 978-2-89777-108-9, MDS

Jane, le renard et moi, Fanny Britt et Isabelle Arsenault, La Pastèque, 2013, 104 p., 22,20 €, 978-2-923841-32-8, MDS

Louis parmi les spectres, Fanny Britt et Isabelle Arsenault, La Pastèque, 2021, 160 p., 24 €, 978-2-89777-000-6, MDS