Collections | Volume 9 | numéro européen

Littérature

Points de vue de libraires

Des libraires européens partagent leurs coups de cœur québécois !

Cet article a été rédigé pour le public européen.

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Suggestions de livres

Poisson à pattes

Blonk

Olivier Verschueren

Librairie Livre aux Trésors, Liège, Belgique

C’est étrange, cette bande dessinée, émaillée de québécismes, avec ces personnages en forme de boudin qui évoluent dans un Moyen Âge européen et obscurantiste. Bastien ostracisé à cause de sa prodigieuse intelligence ; le père fragile, mais aimant ; la mère tyrannique ; Ubalde le simple, l’ami ; Sidonie la sorcière ­solitaire, l’amoureuse ; Clovis le con, le fourbe.

On commence à lire, intrigué, et puis on se laisse emporter à dévorer cette belle histoire d’amour et de lutte désespérée contre la bêtise du monde.

Pow Pow 20 € / 29,95 $

L'Agenda des femmes

Collectif

Ariane Herman

Librairie TULITU, Bruxelles, Belgique

Tous les ans, L’Agenda des femmes des Éditions du remue-ménage aborde une thématique sous l’angle féministe, et ce, dans un ­format maniable et pratique. Cette année, l’agenda est consacré à la crise du logement et son impact sur les femmes cis et trans. Il est illustré par Charlotte Gosselin et accompagné de textes d’autrices. Longue vie à L’Agenda des femmes, un objet militant qui nous accompagne au quotidien !

Éditions du remue-ménage 11 € / 14,95 $

Les marins ne savent pas nager

Dominique Scali

Juliette Pelletier

Librairie Quai des brumes,
Strasbourg, France

Avec une écriture inventive, lyrique et géniale, Dominique Scali nous embarque dans l’histoire de l’héroïne Danaé Poussin et de ses comparses. Un roman d’aventures doublé d’une invitation à la révolte, qui nous emporte loin d’ici et de maintenant, mais éclaire avec justesse notre époque !

La Peuplade 24 € / 32,95 $

Marche à voix basse

Nelly Desmarais

Alexis Argyroglo

Librairie Petite Égypte, Paris, France

J’ai trinqué avec Nelly le jeudi 21 juillet 2022 dans le parc Hochelaga où m’avait donné ­rendez-vous Félix, son collègue au Quartanier. Elle sortait de la piscine serviette sur les épaules, le temps était à l’orage, le verre, c’était du whisky Laphroaig ramené d’un duty-free par une amie de Félix, mes enfants se trempaient, extatiques, aux jeux d’eau pendant qu’on faisait, les adultes, honneur à l’amitié et au luxe d’un single malt providentiel. Vacances de juillet 2022 à Montréal chez Catherine, rue Préfontaine, dans Hochelaga qu’on a arpenté avec les enfants en détectives, en particulier rue Ontario dont on a exploré les commerces fragilisés par la pandémie : Tissus Hajaly, Papeterie de l’Est, La Pataterie, Librairie Z, etc. L’incendie du cinéma Laurier Palace, rue Sainte-Catherine (« Sur cet emplacement 78 enfants ont péri dans l’incendie du Laurier Palace le 9 janvier 1927 », dit une plaque), appelle le souvenir d’un autre désastre qui a donné ­naissance à l’art de la mémoire, une ­mnémotechnique décrite par Frances A. Yates (1966) : au cours d’un banquet donné par un noble de Thessalie, le poète Simonide chanta un poème en l’honneur de son hôte, incluant un passage à la gloire de Castor et Pollux. L’hôte mesquinement dit au poète qu’il ne lui paierait que la moitié de la somme convenue pour le panégyrique et qu’il devait demander la différence aux dieux jumeaux auxquels il avait dédié la moitié du poème. Un peu plus tard, on avertit Simonide qu’il était attendu à l’extérieur par deux jeunes gens.  « Pendant son absence le toit de la salle de banquet s’écroula, écrasant l’hôte et tous ses invités ; les cadavres étaient à ce point broyés que les parents venus pour les emporter et leur faire des funérailles étaient incapables de les identifier. Mais Simonide se rappelait les places qu’ils occupaient à table et il put ainsi indiquer aux parents quels étaient leurs morts. Castor et Pollux, les jeunes gens invisibles qui avaient appelé Simonide, avaient généreusement payé leur part du panégyrique en attirant Simonide hors du banquet juste avant l’effondrement du toit. Et cette aventure suggéra au poète les principes de l’art de la mémoire, dont on dit qu’il fut l’inventeur. Remarquant que c’était grâce au souvenir des places où les invités s’étaient installés qu’il avait pu identifier les corps, il comprit qu’une disposition ordonnée est essentielle à une bonne mémoire. » Une disposition ordonnée est aussi ce qui caractérise les poèmes de Marche à voix basse, le très beau livre de Nelly Desmarais, qui inscrit la mémoire d’un événement traumatique, vécu par l’autrice, dans la mémoire d’un quartier de Montréal hanté, Hochelaga, quartier habité aussi par la mémoire des liens qui ­émancipent : « De nombreuses filatures de coton se sont implantées dans Hochelaga aux XIXe et XXe siècles. Les femmes tisserandes œuvraient dans des conditions difficiles et ont contribué à l’amélioration des conditions de travail en initiant des mouvements de grève », dit une autre plaque. Et mes enfants d’attirer mon attention sur une très belle affiche Carnaval contre les évictions au marché Maisonneuve. Le livre de Nelly est traversé, tissé, ainsi, de matières vives qui disent la solidarité, la reconnaissance, la mémoire, le travail de justice, et la présence à ce qui vient.

Le Quartanier 17 € / 22,95 $

Migrations

Sonia Shah

Julien Tardif

Librairie La Fleur qui pousse à l’intérieur, Dijon, France  

Dans Migrations, Sonia Shah s’attaque aux clichés fréquemment véhiculés par les médias et les courants d’extrême droite, à savoir que les migrations sont un phénomène nouveau ­susceptible de précipiter l’Occident, et plus ­globalement l’humanité, dans un gouffre sans précédent d’uniformisation génétique et de maladies. En interrogeant l’histoire des migrations, celles des humains et celles des animaux, elle montre que celles-ci sont avant tout un mécanisme naturel de défense des espèces face aux famines, aux réchauffements, et qu’elles sont à la source de la richesse et de la diversité biologique de ces mêmes espèces, nous compris. Avec une écriture claire et truffée d’anecdotes, Sonia Shah signe ici un essai revigorant et replace ce sujet brûlant au cœur de notre patrimoine commun  !  

Écosociété 22 € / 30 $

La nuit sans ZZZzzzz

Marianne Pasquet; Marianne Ferrer

Catherine Mangez

Librairie Papyrus, Namur, Belgique

La nuit sans ZZZzzzz est un album plein de justesse qui aborde le thème de l’insomnie, de la difficulté à s’endormir pour un enfant. Grâce à des illustrations chatoyantes qui évoquent la nuit sans effrayer, les autrices Marianne Pasquet et Marianne Ferrer nous entraînent dans la tête d’une petite fille qui n’arrive pas à trouver le sommeil, une idée lui trottant dans la tête. Comment s’apaiser? Un album brillant qui met en avant le pouvoir de la créativité et qui nous rappelle que chacun peut trouver en soi les ressources nécessaires pour affronter un problème.

Les 400 coups 12 € / 16,95 $

Quand je ne dis rien je pense encore

Camille Readman Prud'homme

Philippe Marczewski

Dans le cadre du festival Rapailler

Certains livres ont un tranchant de lame. Ils imposent sur-le-champ une voix si pénétrante qu’elle débusque l’animal sous nos carapaces humaines et nous laisse ébahis. Ainsi en est-il de Quand je ne dis rien je pense encore. Qui sommes-nous sous nos apparences ? Sommes-nous nous-mêmes dans nos prises de paroles et nos silences publics ? Poète du théâtre social et du paraître quotidien, l’autrice Camille Readman Prud’homme trouve les mots et les formules qui s’insinuent dans les failles de notre comédie et nous désapent.

L'Oie de Cravan 14 € / 19 $

Le mal du nord

Pierre Perrault

Philippe Marczewski

Dans le cadre du festival Rapailler

Dans Le mal du nord, Pierre Perrault raconte une remontée en brise-glace vers les eaux du Grand Nord. Il est question du fleuve, d’explorateurs, de poésie et du besoin de nommer un territoire afin d’orienter sa mémoire et de s’y identifier. Dans Toutes isles, on retrouve la fascination de l’auteur pour le quotidien des humbles, des pêcheurs de Tête-à-la-Baleine, des chasseurs de loups-marins de L’Anse-Tabatière et de ce peuple nomade que sont les Innus.

Lux Éditeur 18 € / 29,95 $

Maestra Evarista et son orchestre

Raquel Bonita

Julie Remy

La cour des grands et Le Préau, Metz, France

Comment apprendre à compter en découvrant tous les instruments de musique? Grâce à Maestra Evarista, une cheffe d’orchestre pugnace qui, pour recruter ses artistes, n’hésite pas à les laisser choisir leurs instruments en les transportant jusqu’à eux. Un magnifique leporello haut en couleurs vives sur fond noir, coup de cœur de la librairie Le Préau !

La Montagne secrète 19,50 € / 24,95 $

Confessions d'une femme normale

Éloïse Marseille

Clarence Collinge-Loysel

La chouette librairie, Lille, France

Humour expressif, dessin coloré et chatoyant, récit dynamique et trépidant. Roman d’aventures? Presque, puisque la première BD d’Éloïse Marseille explore, en autant d’aventures que d’observations cruciales sur l’état de notre éducation sexuelle, les méandres d’une sexualité ampoulée – celle qui fut la sienne, mais qui pourrait aussi être la nôtre. Et c’est un véritable rafraîchissement que d’assister à une franchise rare et une langue décomplexée, à cette chute des tabous sur un sujet encore trop polarisant. Un livre qui conjugue les verbes rire et réfléchir au même temps.

Pow Pow 19 € / 24,95 $