Des livres à emporter avec soi

D’ANNE ARCHET, on ne connaît ni le véritable nom, ni le visage, ni même la voix. Autrice d’abord connue pour ses récits érotiques et ses écrits polémiques, elle sévit cette fois, chez Lux Éditeur, avec un recueil d’aphorismes. Le vide : mode d’emploi. Aphorismes de la vie dans les ruines regroupe des centaines de ces phrases qui résument en quelques mots une vérité ­fondamentale. Reprenant les codes du nihilisme de Nietzsche ou encore ceux du philosophe roumain Emil Cioran qui se qualifiait lui-même de plaisantin, l’écrivaine fait preuve d’un humour caustique et d’une grande dose d’autodérision. L’ouvrage est entrecoupé de collages de l’artiste visuelle SARA HÉBERT, qui par leur mordant font écho aux aphorismes qui déboulonnent les mythes de la société actuelle de façon incisive. Face à un futur incertain, l’anarchiste prend plaisir à nous rappeler qu’« on ne peut entrer dans un monde meilleur autrement que par infraction ».

Dans le but de faire découvrir les Pays-Bas et la Belgique, c’est d’abord par différentes thématiques que le collectif des GUIDES DE VOYAGE ULYSSE présente ces deux pays. On décrit, dans Fabuleux Pays-Bas et Belgique, leurs églises magnifiques, leurs remarquables musées ou encore leurs nombreux vestiges datant du Moyen Âge. Les auteurs et autrices brossent ensuite un portrait socioéconomique, géographique et historique complet des deux destinations. Enrichi de superbes photos, le guide convie les voyageurs à parcourir les Pays-Bas en proposant différents attraits par région. De la ville d’Utrecht surnommée la « petite Amsterdam » aux plus jolis moulins à vent, chaque endroit suggéré est noté par un système d’étoiles permettant d’identifier rapidement les visites « à ne pas manquer ». Du côté de la Belgique, Bruxelles est à l’honneur, aux côtés de Namur et de Liège. Des cartes détaillées accompagnent les profils des régions et les grandes villes présentées. Non seulement le guide est un excellent outil pour la planification d’un voyage, mais son format pratique en fait également un parfait compagnon à glisser dans son sac.

Fort de la poésie majestueuse de Vanessa Bell et de l’art photographique de Kéven Tremblay, Monuments est une architecture de beauté où tout, de l’amorce à l’apothéose, se met en branle pour créer non seulement le mouvement du voyage mais, aussi, ces instants parfaits de fulgurance et ceux, tout aussi justes, de contemplation. Nous transportant « de la pointe Est de la Nouvelle-Écosse jusqu’à Terre-Neuve », cet exceptionnel livre d’art, porté par un souci perceptible d’une expérience de la texture et du souffle, tant dans les mots que dans les images, explore la beauté des choses simples, la symbiose des organismes et la mouvance des corps aux rythmes variables du périple, de la respiration et des retrouvailles secrètes. « […] cueillir comme écrire comme mourir est un acte d’amour et aimer nous arrache par-delà les rochers j’avance genoux lacérés de morsures salines doigts bandés en eaux froides ». Avancée résiliente, marche végétale au cœur d’une poésie du don total, Monuments happe par la puissance sans partage de ses vers et par le récit intrinsèque de son périple photographique.

C’est sous la forme d’un élégant coffret que se présente Clairvoyantes. Un oracle littéraire. En ouvrant son boîtier, on y découvre un livret accompagné de 45 cartes séparées en 3 caté­gories : figures, lieux, objets. Envie de jouer ? Vous pouvez commencer par la méthode « classique », soit celle de poser une question aux clairvoyantes et de tirer une carte par catégorie. Chaque carte est associée à un texte dans le recueil. Ces textes présentent d’abord une partie narrative, suivie de la dimension interprétative. Il est possible de découvrir cet oracle en solo, en duo, en interrogeant le passé, le présent et le futur. Vous pourriez également créer vos propres histoires en choisissant des cartes. La romancière AUDRÉE WILHELMY (Blanc Résine) a réuni pour ce projet 15 autrices québécoises provenant de différents univers. Empreinte de nordicité, chacune des cartes peut se lire comme un petit conte. Le travail visuel de la photographe JUSTINE LATOUR enrichit remarquablement l’interprétation des cartes. À vous maintenant d’explorer la littérature autrement !

La publication de La musique qui vient du froid est l’aboutissement de près de 50 ans de recherche par le musicologue JEAN-JACQUES NATTIEZ et son équipe. L’étude de la musique des Inuit sur l’ensemble du territoire circumpolaire est un défi d’un point de vue non seulement géographique – son étendue allant du nord de la Russie au Groenland en passant par l’Alaska et le Nord canadien –, mais également historique puisque sa pratique se déploie sur des millénaires. L’ouvrage propose une approche de la musique des Inuit en quatre axes : historique, culturel, musical et iconographique. Abordant les chants de gorge, les chants de danse à tambour et l’influence qu’ont eue les Qallunaat « non inuit » sur les pratiques culturelles de ces peuples nordiques, le livre est agrémenté de nombreuses reproductions d’art représentant certaines pratiques musicales. Les propos s’accompagnent d’exemples sonores et une icône de haut-parleur renvoie à une impressionnante discographie en ligne accessible sur le site des Presses de l’Université de Montréal.

Depuis plus de 25 ans, l’aviateur photographe MARIO FAUBERT survole le Québec pour en capter toute la beauté. Le Québec vu d’en haut est le premier ouvrage à présenter l’ensemble du territoire québécois vu des airs. Des étendues nordiques aux vastes forêts, des côtes maritimes aux espaces urbains ; la province se dévoile au fil de plus de 150 images captées en plein vol, par avion ou par drone. Aux photographies s’ajoutent quelques textes de chansons d’auteurs québécois et chaque thématique est complétée par des légendes explicatives, en français et en anglais. La qualité des images sur papier glacé permet d’apprécier la beauté des glaces sur le Saint-Laurent ou encore les couleurs si caractéristiques à l’automne dans la Belle Province, tout en observant la fragilité de certains environnements.

Courbure de la terre, le plus récent recueil de poésie de JONAS FORTIER, nous offre un monde où tout semble flotter – « il pleut contre nos sens/l’eau coule vers le haut soleil » –, où ­l’espace et le temps semblent s’entremêler – « la nuit vient du nord quand je sors dans la rue/je suis bien/dans deux pays différents et lointains ». Voilà un monde où le rêve n’est jamais bien loin : « un agent littéraire rencontré la veille/me dit tu as l’air de rêver ! / mais ce n’est pas ­exactement ça/je ne rêve pas, j’écris/furtivement dans ma tête ». Au cœur des mots du poète, la nostalgie se berce alors que souffle un espoir d’un temps qu’on souhaite plus heureux comme « le bonheur où sont rangées nos prochaines vies ».