Les écrans prennent de plus en plus de place dans la vie des tout-petits et c’est pourquoi les éditions Fonfon et Alaska souhaitent ramener ces derniers vers les livres. Comment faire ? Adopter la tactique du cheval de Troie en utilisant les mêmes appareils qui les en détournent…
Chez Fonfon, cela se traduit par la création d’applications pour iPad permettant aux enfants de trois à huit ans de découvrir une histoire adaptée au médium et même ensuite d’en créer une eux-mêmes, et ce, en français comme en anglais. À ce jour, trois de ces « livres numériques enrichis » (texte, musique, animation, sons, narration, etc.) ont été développés comme autant d’applications téléchargeables que l’on peut se procurer dans l’univers iOS au coût de 3,99$ chacune.
Le mode « histoire » de l’application comporte de la musique, des effets sonores, une narration préenregistrée et des éléments générateurs d’interactivité qui activent des sons et des animations. Mais il y a plus! Chaque application contient sa propre plateforme de création. Car tout au long de leur lecture, les enfants sont amenés à collectionner des objets et des personnages en les déposant dans un coffre pour ensuite créer leur propre livre via l’interface de création de l’application. Celle-ci propose également des décors, des personnages et des objets. Tout cela est disponible dans une banque d’éléments visuels tirés des illustrations originales. Ce mode « création » contient également un outil d’enregistrement de la voix, pour que l’enfant puisse narrer sa propre histoire, de même qu’une zone de texte, pour les écrivains en herbe.
Ce projet de « livres numériques » a été rendu possible grâce à une subvention du Programme d’innovation et d’expérimentation du volet expérimental du Fonds des médias du Canada. Pour l’instant, l’application est disponible seulement dans l’univers iOS, mais bientôt, il y aura plus, assure la directrice générale de Fonfon, Véronique Fontaine, qui planche ces jours-ci sur une version web qui sera offerte gratuitement.
Pour le moment, du propre aveu de l’éditrice, l’initiative est plus coûteuse que génératrice de revenus. Cependant, ce n’est pas grave puisqu’elle vise d’abord le recrutement d’un nouveau lectorat. « Ce qui me motive, c’est le désir que ce que l’on crée se déploie de toutes sortes de façons pour aller rejoindre au maximum le jeune public et lui donner envie de la lecture, explique Mme Fontaine. Ce n’est pas exactement une décision commerciale intelligente, mais on fait le pari d’offrir une expérience qui rejoindra de nouveaux enfants, des lecteurs et lectrices qui nous suivront sans doute par la suite. C’est d’ailleurs pour ça qu’on publie peu de livres : pour que les jeunes puissent les collectionner! »
Animée par le même objectif de susciter la passion du livre chez des enfants bien absorbés par leurs écrans, l’équipe de la maison d’édition Alaska propose de son côté une application gratuite, en complément à ses livres, pour les « faire bouger ». L’achat de chaque livre vient avec des animations 2D en bonus et du contenu supplémentaire, comme de la musique ou de la narration. Pour y accéder, il suffit de positionner l’appareil au-dessus de certaines des pages.
Si l’application d’Alaska fonctionne avec les téléphones intelligents (Android comme iPhone), elle s’utilise encore mieux avec une tablette, explique Isabelle Froment, cofondatrice de la maison d’édition. Elle ajoute que les contenus peuvent aussi être téléchargés pour ensuite être consultés hors ligne, ce qui est pratique pour occuper les enfants en voiture.
Alaska offre ainsi 19 albums jeunesse animés dès la couverture en plus de compter de 7 à 9 animations à l’intérieur des pages. La maison d’édition offre aussi un volet scolaire incluant des PDF animés gratuits pour utilisation en classe par les enseignants, qui ne requièrent pas, là non plus, de réseau Internet.
À l’instar de Fonfon, Alaska doit ramer fort pour offrir à son jeune lectorat cet outil susceptible de l’intéresser à l’univers de la lecture, car l’initiative est à ses frais. « Nos livres se vendent le même prix que les autres, explique Mme Froment. Pour le même prix, nous devons composer avec toutes sortes de coûts en extra, comme ceux liés à l’embauche de sous-contractants, aux frais de maintenance de l’application et au soutien technique pour celles et ceux qui en ont besoin pour l’utiliser. Alors évidemment que c’est difficile pour nous d’y arriver, mais on y croit vraiment. »
Potentielle lueur au bout du tunnel : la cofondatrice assure être à la recherche de financement et épluche les différentes sources de subventions…
La caravane du livre
Autre initiative innovante : les Éditions de la Pastèque ont lancé cet été leur projet de caravane, une tournée pour aller à la rencontre des lecteurs et des libraires partout au Québec.
Un peu à la manière des groupes rock et des humoristes qui prennent la route des festivals chaque été, des auteurs de la maison – créateurs de livres jeunesse ou de BD pour adultes – ont à différents moments de l’été pris la route d’assaut. En tout, une quinzaine d’événements ont eu lieu, notamment à Sherbrooke, à Trois-Rivières, à Saguenay et à Rimouski, le tout en partenariat avec le distributeur Flammarion.
Cofondateur des Éditions de la Pastèque, Frédéric Gauthier souligne la « collaboration extraordinaire » des libraires et des auteurs qui ont participé à la tournée, dont chaque événement a été publicisé sur les réseaux sociaux. Les gens ayant assisté aux activités de la caravane ont en plus eu accès à un cadeau tout spécial : des ex-libris au tirage limité, fruits du travail de six auteurs – Michel Rabagliati, Cécile Gariépy, Guillaume Perreault, Jean-Paul Eid, Jacques Goldstyn et Catherine Lepage –, qui ont croisé leur création pour l’occasion. Par exemple, Michel Rabagliati a dessiné « Le facteur de l’espace » de Guillaume Perrault, qui lui a dessiné les personnages de l’album « Le petit astronaute » de Jean-Paul Eid.
La Pastèque a reçu une subvention du Conseil des arts du Canada pour mener à bien ce projet et les sommes reçues ont notamment servi à couvrir les coûts pour l’embauche d’un chargé de projet. Car après l’enthousiasme délirant de la part des libraires en réponse à un sondage préalable de l’éditeur, il a fallu tout coordonner, composer avec les horaires, les braderies, les dates anniversaires – alouette ! –, et ce, sans compter les plages de disponibilité des auteurs eux-mêmes ainsi que leur rémunération.
« L’idée à la base de la caravane est assez simple, explique M. Gauthier. Il s’agit de contrecarrer le fait que la plupart des activités dans le monde du livre se déroulent dans les grands centres, à Montréal ou à Québec. » Est-ce que l’initiative sera de retour l’an prochain? Trop tôt pour le dire, car il n’y a pas encore eu d’évaluation des retombées. À suivre !