Statut relationnel avec le web

Si le concept de dépendance a longtemps été associé à l’alcool, aux drogues, au jeu et à la nourriture, dans une vision dramatique qui donne la fausse impression que cela n’arrive qu’aux autres, la dépendance au monde virtuel est beaucoup plus fréquente qu’on pourrait l’imaginer. La journaliste Manon R. Guérin, qui dit entretenir une relation amour-haine avec le numérique, a décidé de creuser la question. Avec le livre Flirtez-vous avec la cyberdépendance ? elle ne propose pas aux gens de bannir les écrans de leur vie, mais plutôt d’identifier les éléments positifs et d’éliminer tout ce qui peut s’avérer toxique. Grâce à de courts chapitres simples, rythmés et parfois ludiques, elle explore l’influence du numérique sur notre identité, nos relations avec nos proches, nos enfants, nos amours et notre travail. Pour soutenir ses propres recherches, ses observations et ses tranches de vie, elle a rencontré un docteur en neurosciences, une mère de famille, une psychologue, une intervenante sociale et une blogueuse. Elle pimente le tout d’humour et de sympathiques clins d’œil. Par exemple, dans sa liste de défis à relever, elle suggère d’embrasser son chum ou sa blonde chaque fois qu’on pense à consulter ses textos !

En Amérique du Nord, 89,4 % de la population utilisait Internet en 2019. De ce nombre, de plus en plus d’usagers ont développé une relation trouble avec le Web. Qui de mieux pour en parler que la psychologue et experte en cyberdépendance Marie-Anne Sergerie ? Passionnée de la question depuis les années 1990, elle écrivait sur le sujet avant même l’apparition des téléphones intelligents et des tablettes dans nos vies. Ainsi, son livre Cyberdépendance. Quand l’usage des technologies devient un problème décortique l’historique du phénomène, ses différents visages et ses symptômes. Elle évoque les questions à se poser pour savoir si cela nous concerne. Elle expose certains moyens pour s’autotraiter et sortir du cycle de la cyberdépendance, en plus d’expliquer comment prévenir les rechutes. On a ici affaire à une spécialiste qui sait se faire comprendre. Bien que ses écrits soient composés de chiffres, d’études et d’analyses scientifiques, on navigue à travers le sujet avec grande aisance, grâce à son talent de vulgarisatrice.

Bien que le livre Cyberdépendance. Enjeux criminologiques date de 2015 et que tout ce qui entoure les nouvelles technologies évolue à un rythme fou, il est pertinent et éclairant de plonger dans les écrits de Jacques-Louis Colombani, avocat et chercheur. Misant sur une expertise incontestable, il arrive à nous faire comprendre ce qui peut pousser certains individus à adopter des comportements liés à la cyberdépendance, comme ce qui tombe dans le giron des pratiques dites déviantes et des actes répréhensibles aux yeux de la loi. Avec lui, on réfléchit aux concepts de punition, de réhabilitation, de prévention et d’éducation, qui sont sous la responsabilité des pouvoirs publics. C’est fascinant.

Les ados d’aujourd’hui sont nés avec un téléphone intelligent dans les mains : cette image un brin exagérée illustre à quel point les enfants des années 2000 naviguent quasi les yeux fermés dans l’océan du virtuel, quitte à ne pas se méfier des obstacles qui se dressent à l’horizon. Alors que leurs communications interpersonnelles — surnommées ici la « socialisation numérique » — se déroulent en majeure partie grâce aux différentes technologies, comment guider et encadrer leurs pratiques ? Pour répondre à ces questions, des psychologues, des sociologues et des anthropologues, aussi bien québécois que français, ont réuni leurs plumes afin d’analyser le sujet et de proposer des solutions dans l’ouvrage Accompagner les ados à l’ère du numérique. Il faut le dire d’emblée : l’ouvrage est un cran plus complexe que les titres évoqués ci-haut, mais les spécialistes ont un souci évident de compréhension. Le livre est un incontournable pour quiconque veut pousser sa connaissance de cet enjeu central dans la vie et l’éducation des jeunes.

Changement de registre total ici avec L’envers des réseaux sociaux, un livre écrit par Cassandre Bouchard, une influenceuse qui possède une chaîne YouTube depuis trois ans et qui en vit exclusivement depuis un an. Écrivant sur le ton de la confidence à propos de son enfance, de ses difficultés à l’école, de son envie d’une existence non habituelle, de sa relation conflictuelle avec son père et la façon dont elle en est venue à gagner sa vie avec les réseaux sociaux, elle affirme ne pas être une spécialiste du numérique ni la meilleure youtubeuse. Par contre, elle connaît le phénomène de l’intérieur et a envie de dire les vraies affaires pour faire découvrir aux lecteurs le côté extraordinairement fascinant et incroyablement laid des réseaux sociaux. Comment ? En parlant des revenus qu’on peut en tirer, du besoin de valorisation malsain, de l’impact qu’on peut avoir sur la société, des influenceurs imposteurs, de la vie transformée par les filtres, de la solitude et plus encore. Par ailleurs, elle donne la parole à treize influenceurs québécois qui partagent eux aussi des tranches de vie.

Docteure en sciences de l’éducation et en psychologie, Catherine L’écuyer est considérée comme l’une des voix du monde de l’éducation les plus respectées et une sommité internationale dans le domaine. Après avoir publié Cultiver l’émerveillement, qui a été traduit en huit langues dans près de 60 pays,elle revient à la charge avec Pour un retour à la réalité. Pourquoi les écrans absorbent tant nos enfants ?, un deuxième ouvrage visant à déboulonner plusieurs mythes sur les écrans, la technologie et les réseaux sociaux. Sans détour, elle nomme le danger pour les enfants et les ados de se retrouver dans un espace où les écrans sont plus nombreux que les fenêtres, d’avoir accès à tous les contenus possibles et inimaginables sur le Web, d’être dépassés par les stimuli, étouffés dans leur créativité et déconnectés de leur sensibilité. Le ton n’est pas alarmiste, mais le livre se veut lucide et très évocateur sur les dérives d’une trop grande exposition aux écrans durant l’enfance et l’adolescence. Alors que le contact humain est désormais perçu comme un luxe, Catherine L’écuyer plaide pour un retour au monde réel.

On pourrait résumer la démarche du livre On vous voit. Comment déjouer les malveillants sur Internet comme un recueil de conseils et d’explications d’un groupe de geeks qui vous veulent du bien. Depuis cinq ans, les bénévoles de l’organisme à but non lucratif Crypto.Québec réalisent des conférences en entreprises, des formations et un podcast, en plus d’avoir élaboré cet ouvrage pour aider le grand public à développer une meilleure hygiène de vie numérique. Ratissant très large, les superhéros du Web viennent à la rescousse des internautes en vulgarisant les pratiques de sécurité numérique, les stratégies méconnues des plateformes populaires, les fraudes et autres arnaques, la surveillance passive et active et la collecte de métadonnées. Ils vous instruisent sur un sujet complexe avec un parti pris pour la simplicité, en plus de faire naître une série de questions qu’il vaut mieux se poser avant de retourner dans le monde, pas toujours bienveillant, du numérique.

La pédopsychiatre Victoria Dunckley partage une anecdote criante de vérité dans son livre Enfants difficiles, la faute aux écrans ?. Une maman de son entourage lui a un jour confié que son fils devenait de plus en plus irritable, dépressif et replié sur lui-même. Accumulant les échecs scolaires, délaissant ses amis et se vouant entièrement à son cellulaire, il a été tour à tour diagnostiqué d’un trouble du déficit de l’attention, d’autisme avec un haut niveau de fonctionnement et d’un trouble bipolaire. Les choses ont changé lorsque la docteure Dunckley a suggéré un sevrage électronique de trois semaines. Au bout de 21 jours, les résultats étaient magistraux et le jeune homme allait de mieux en mieux. Bref, la spécialiste raconte avec une expertise redoutable les effets des écrans dans la vie des jeunes, ses impacts sur l’activité cognitive et la charge de stress sur des cerveaux en construction, ainsi que les symptômes potentiels de ce qu’elle appelle le syndrome de l’écran électronique. Par la suite, elle expose les bienfaits d’un programme de « réinitialisation », une façon d’utiliser un terme numérique pour se guérir des effets des écrans. Captivant du début à la fin !

Les écrans. Usages et effets, de l’enfance à l’âge adulte est un tout petit livre qui va droit au but pour répondre à une question : quelles sont les conséquences — potentiellement graves — de la surexposition aux écrans pour les enfants, les adolescents et les adultes ? Les nombreuses réponses à ce sujet touffu sont transmises par Stéphane Labbé, un chercheur postdoctoral en culture et en communications à l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui travaille comme conseiller stratégique et qui enseigne dans plusieurs universités québécoises. Conscient du clivage entre les protechnologies, qui vantent les nouveaux outils de communication en parlant d’une quatrième révolution industrielle, et leurs détracteurs, qui vont parfois très loin pour illustrer les dérives du phénomène, l’auteur prêche pour les faits, la science et la rationalité. Il aborde non seulement l’influence des écrans sur le cerveau et le bien-être, mais également son impact sur le sommeil, le développement, la violence et la sexualité. Très loin des ouvrages foisonnants, élitistes et souvent trop longs, son livre est une plaquette qui va à l’essentiel.

Les parents qui veulent démarrer une discussion sur Internet avec leurs enfants auraient intérêt à utiliser le livre documentaire Et si on parlait d’Internet ?. Le court ouvrage, structuré sous forme de questions et réponses, a été imaginé par Dre Jillian Roberts, enseignante, pédopsychologue et professeure de psychologie éducationnelle à l’Université de Victoria, ainsi que Jane Heinrichs, autrice et illustratrice de livres pour enfants. À titre d’exemple, on pose une question comme celle-ci : « Mes parents ne veulent pas que j’aille sur Internet s’il n’y a pas d’adulte à proximité pour me superviser. Comment le Web peut-il être un danger alors qu’il n’existe que dans mon ordinateur ?. » C’est alors l’occasion pour le duo de parler de contrôle parental et de ce qui peut être perçu comme du contenu inapproprié. Un livre simple et efficace.