UNIVERS BD
Depuis vingt ans, les lectrices et lecteurs d’ici ont développé un indéniable appétit pour la bande dessinée. Une grande partie de notre lectorat est curieux et intéressé par le neuvième art d’ici et d’ailleurs. Il n’est, en effet, pas rare de voir des mangas, des comics ou des BD du Québec figurer dans le haut des palmarès de ventes en librairie.
Au-delà de l’engouement général pour un médium de plus en plus populaire partout sur la planète, le milieu de la BD faite au Québec a aussi acquis ses lettres de noblesse depuis quelques années. Plusieurs séries sont devenues des incontournables de notre littérature nationale, comme Paul de Michel Rabagliati ou L’Agent Jean d’Alex A. Un fait moins connu du grand public a aussi contribué à la crédibilité du neuvième art québécois : plusieurs artistes d’ici sont reconnus à l’international. La remise du Grand Prix de la ville d’Angoulême à Julie Doucet au Festival International de la BD d’Angoulême, en 2022, est un exemple de cette reconnaissance, mais les faits d’armes des bédéistes québécois ne datent pas d’hier ! Denis Rodier, qui a récolté les honneurs avec le magistral ouvrage La bombe, est aussi reconnu pour avoir dessiné un des épisodes les plus célèbres de Superman. Yanick Paquette, fier résident d’Hochelaga-Maisonneuve, a été nommé six fois au prix Joe-Shuster, en plus d’avoir été récipiendaire de cette plus haute distinction en BD aux États-Unis. Wes Craig, le dessinateur de Deadly Class, une BD adaptée en série télévisée par SyFy, est lui aussi montréalais. Eh oui ! La BD québécoise a ses Céline Dion, ses Guy Laliberté et ses Denis Villeneuve !
D’un point de vue commercial et critique, tant du côté du lectorat que de celui des artistes, la bande dessinée au Québec se porte donc bien. Il serait présomptueux pour les contemporains de notre milieu de parler d’« âge d’or », mais il est bien loin le temps où la bande dessinée se limitait aux quelques classiques franco-belges cordés sur un rayon de la bibliothèque municipale.
Malgré ce constat encourageant, le neuvième art doit encore convaincre certains irréductibles qu’il ne s’adresse pas qu’aux enfants. C’est d’ailleurs une mission que les professionnelles et professionnels du livre ont prise à bras-le-corps. Une recommandation, une mise en place ou une conférence à la fois, les esprits s’ouvrent et les horizons s’élargissent. On comprend maintenant que la BD peut être un outil redoutable de littératie et d’alphabétisation, chez les plus jeunes comme chez les adultes.
À une époque où le coût de la vie croît plus rapidement que le salaire médian, le public doit toutefois faire des choix déchirants en matière de consommation culturelle. L’augmentation des prix – causée en grande partie par l’inflation et la concentration dans le secteur du papier – a un effet délétère sur les éditrices et éditeurs de BD, qui impriment souvent en couleur et sur du papier plus épais que la moyenne. Bien que le marché semble encore tolérer ces augmentations, il serait bien dommage que ce médium en pleine effervescence, véritable porte d’entrée vers la littérature, soit condamné à devenir un objet de luxe.
Gautier Langevin
Éditeur, Front Froid/Nouvelle adresse
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