Collections | Volume 11 | numéro 2

Jeunesse

Titre lauréat – Poésie

Samuel Larochelle

Marie-Andrée Arsenault berce son anxiété

Remporter le Prix littéraire des enseignant·e·s de français (catégorie « Poésie ») quand on est soi-même professeure et autrice, c’est bien. Mais être récompensée pour un livre témoignant d’un de ses plus grands défis de vie, c’est encore mieux. C’est ce qu’a réussi Marie-Andrée Arsenault en plongeant au cœur de l’anxiété dans Le piège de soie (Héritage jeunesse).

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Marie-Andrée Arsenault est loin d’en être à son premier prix littéraire, mais celui-ci est spécial à ses yeux. « Il a une grande valeur, surtout parce que je ne voulais pas écrire ce livre-là. Je trouvais le sujet trop difficile. » Il faut savoir que Le piège de soie est publié dans la collection Unik, qui demande aux autrices et aux auteurs de puiser dans leur vécu pour y trouver la matière première.

L’écrivaine a donc replongé dans ses années au secondaire pour entreprendre la création. « La première moitié du livre se déroule à l’école. La descente aux enfers, c’est ce que j’ai vécu : beaucoup d’isolement, de plus en plus d’anxiété et de gens qui s’éloignent à cause de ça. »

Si on parle de plus en plus d’anxiété de nos jours, il en allait autrement à l’époque. « On ne mettait pas de mots là-dessus, alors mon anxiété a continué de grandir. Puis, à 33 ans, elle m’a rattrapée et j’ai eu un gros arrêt de travail. C’est à ce moment que je suis partie chez ma tante. » Dans le livre, les deux époques, l’une à l’école et l’autre, des années plus tard, ont été rapprochées pour créer une temporalité en continu. « Au lieu d’être une élève qui a manqué des classes, j’ai été une prof qui a manqué l’école. »

Lasse des récits d’anxiété qui se contentent de gratter le bobo, Marie-Andrée Arsenault a pris le temps d’illustrer les moments très sombres des épisodes anxieux, avant d’émerger vers la lumière.

Marie-Andrée Arsenault
Marie-Andrée Arsenault

« L’anxiété ne s’en va pas, mais on apprend à l’apprivoiser. Un jour, j’ai compris que je pouvais la comparer à des araignées : tout le monde les déteste, mais peut-être qu’elles ont juste besoin d’être bercées, elles aussi, et apaisées. Ce filon m’a enfin permis d’écrire »

Elle avait néanmoins un autre défi de taille à relever : tous les livres de la collection Unik doivent être écrits dans une forme de poésie narrative… destinée à un jeune lectorat. « Mes premières versions étaient beaucoup plus hermétiques. Il a fallu que je fasse beaucoup de réécriture. »

Les mains pleines de fragments d’idées, elle a sorti de grands cartons pour les écrire et les coller dans le long couloir de son appartement montréalais. « À l’époque, je cohabitais avec SophieLit. On a passé beaucoup de temps dans le couloir à changer les cartons de place. À un certain moment, j’ai été capable d’élaguer et de garder seulement les morceaux qui pouvaient être bien saisis par les jeunes. »

Ainsi, elle a fait confiance en son instinct d’autrice et d’enseignante qui côtoie des adolescentes et adolescents jour après jour pour offrir un livre qui leur parle et qui parle d’elle et eux.

Le piège de soie, Marie-Andrée Arsenault

L’anxiété est un trouble dont souffre beaucoup d’adultes et tout autant de jeunes.
La poésie permet de mettre des mots sur ces émotions tellement difficiles à décrire.
Avec des vers touchants et une mise en page originale, l’autrice donne de l’espoir aux angoissé·e·s qui se reconnaîtront.

Héritage jeunesse, coll. UNIK, 120 p., 14,95 $, 9782898124693.