Elle est dans la jeune trentaine, mais déjà, la poétesse et romancière danoise Olga Ravn tend à s’imposer comme une voix très influente de la nouvelle fiction. Dans son roman Les employés, traduit et publié à la Peuplade, elle propose un univers futuriste angoissant et éclaté. La trame pourrait rappeler beaucoup de récits d’anticipation futuristes : société peuplée d’humains et d’êtres de synthèse aux prises avec un régime totalitaire dont l’ordre établi se voit perturbé par un étrange objet qui vient stimuler l’imagination des habitants. Si le synopsis ne fait pas preuve d’une grande originalité, la narration, elle, est particulièrement originale et confère au roman un caractère expérimental tout à fait unique dans le champ du récit dystopique. Loin de suivre un récit linéaire classique, le lecteur découvre l’œuvre à travers les témoignages laissés par l’équipage et récupérés par un comité chargé d’évaluer les conditions de productivité à bord du vaisseau spatial où se déroule l’action. Il en résulte un fil narratif qui progresse lentement, mais intelligemment, d’un chaos apparent vers une cohérence étonnante qui ne pourra que charmer les lecteurs les plus exigeants en matière d’inventivité stylistique. Une œuvre particulièrement forte, qui risque d’enfanter une vaste descendance, tant il s’agit d’une technique diégétique originale.