Littérature
« La vie trouve toujours un chemin »*
Josianne Létourneau
Active, la littérature québécoise le fut en 2021. Alors que nos lieux littéraires retrouvaient une vie presque normale, qu’un Salon du livre se nichait vaillamment dans un véritable espace non virtuel grouillant de vie, où tous pouvaient ENFIN se retrouver dans une célébration matérielle, tangible et physique du livre, la littérature québécoise n’avait cessé de proposer autant de grands retours que de belles découvertes. Et plus encore…
Car lorsque tombe sur nous l’impression, un peu glauque, que tout a maintenant été fait et, qu’en littérature, plus rien ne peut plus nous surprendre, surgissent des œuvres qui solidifient de nouvelles ramifications. Entre nos mains, nous tenons soudain, vibrantes et audacieuses, des créations qui explorent de nouveaux genres et questionnent l’espace de la fiction sans chercher à la démystifier, ou, à arbitrairement la nommer. Une sorte de vitalité-métissage, jaillissant telle l’expression même de la vie qui trouve son chemin. Inexorablement.
Dans son Journal d’un bibliothécaire de survie, Charles Sagalane cite une leçon qu’il attribue à l’écrivain Henry David Thoreau : « Ce qui me fait plaisir à écrire, c’est à moi de l’écrire »***. Cette phrase libératrice a certainement inspiré l’écriture de plusieurs des œuvres qui vous seront présentées dans les pages qui suivent. Et si la liste pouvait être plus longue encore, il est heureux de voir ces créations étonnantes occuper une place de plus en plus remarquée dans les palmarès de vente et sur les listes de prix littéraires.
Suggestions de livres
Ferdinand je suis à Paris
JEAN-CLAUDE CHARLES
JEAN-CLAUDE CHARLES. L’académicien Dany Laferrière dit de lui qu’il est le meilleur écrivain de sa génération. Une affirmation que la lecture de la récente réédition de Ferdinand je suis à Paris, œuvre miroir du célébré Manhattan Blues, justifie sans aucun doute. Alors que ce dernier relatait les aventures amoureuses de Ferdinand et Jenny dans le plus célèbre quartier new-yorkais, Ferdinand je suis à Paris, c’est la voix de Jenny sur le répondeur qui annonce à Ferdinand son arrivée dans la capitale française… Et le début d’une folle déambulation pour la retrouver. Brillamment préfacé par l’immense écrivain Patrick Chamoiseau, ce roman fabuleux de Jean-Claude Charles est une invention, une narration épique, une succession de gestes, de clartés et de banalités transcendées par une cadence absolument irrésistible. Sans oublier Cassegrain, le lapin amateur de Serge Gainsbourg.
Mémoire d’encrier, 2022, 224 p. Harmonia Mundi Livre 19 €Sauvagines
GABRIELLE FILTEAU-CHIBA
« Dans la vie, quand t’as les yeux bleus, tu pars avec une longueur d’avance. Même dans une vie de chien, comprennent vite les vilains petits canards ».Ça commence avec l’adoption d’une petite chienne pas comme les autres. De celles qui ne seront jamais à la hauteur des exigences de leurs races et en qui Raphaëlle, la narratrice de Sauvagines, se reconnaît. Vivant au creux des bois, sur les terres de la Couronne du Haut-Kamouraska, l’agente de la protection de la faune se lancera sur la piste de trois pêcheurs disparus puis sur les traces sanglantes d’un braconnier sans scrupules. Une entreprise qui vient ébranler le fragile équilibre qu’elle lutte à préserver. Faisant suite au roman Encabanée, qui nous présentait le personnage d’Anouk Baumstark, Sauvagines de GABRIELLE FILTEAU-CHIBA poursuit la belle construction d’un univers accessible, enraciné dans une nature fragilisée.
Stock, coll. « Bleue », 2022, 368 p. Hachette Livre 20 €Western-spaghetti
SARA-ÀNANDA FLEURY
« Dans le miroir de la salle de bain, il y a nos teints d’endive fanée. Il y a nos rides naissantes de trentenaires. Il y a nos brosses à dents qui s’entrelacent dans un verre IKEA ».Aborder la vie de couple et le quotidien au temps de la charge mentale : voilà le périlleux terrain de jeu où s’épanouit la justesse littéraire de SARA-ÀNANDA FLEURY. Premier livre de l’autrice originaire du Mans, les huit nouvelles de Western-spaghetti traversent l’Amérique, de motel en motel, à l’ombre d’une centrale nucléaire, sur les rives d’un lac ontarien ou dans un parc parisien où des mères épuisées redoutent la fin du mois. Dans ce réalisme brutal qui n’épargne personne, tous les personnages de Western-spaghetti, voyageurs ou sédentaires, sont à la croisée des chemins d’une vie tissée de liens qu’ils seraient incapables de remettre en question.
Le Quartanier, coll. « Série QR », 2021, 288 p. Harmonia Mundi Livre 20 €Morel
MAXIME RAYMOND BOCK
Troisième livre mais premier roman de l’écrivain MAXIME RAYMOND BOCK, Morel est une fiction plus grande que nature dont la construction habile en fait résonner toute l’humanité. Ouvrier ayant travaillé sur les chantiers majeurs qui ont façonné le visage de Montréal, Jean-Claude Morel vieillit anonymement, la tête habitée par le doux-amer des souvenirs. À travers eux, c’est l’histoire de tout un quartier, et des vies humbles qui l’animent, qui nous est racontée, entre vermine et dénuement, violence, expropriation et résurgence obstinée. Esquissant une authentique mise en scène de la vie communautaire des quartiers ouvriers de l’est de Montréal, l’écriture de Maxime Raymond Bock utilise tous les outils narratifs pour nous amener à saisir l’ampleur du drame de sa gentrification. Et l’ironie navrante de l’embourgeoisement de ces lieux dont le cœur bat encore au rythme des efforts de ceux et celles qui se sont épuisés à les construire.
Le Cheval d’août, 2022, 284 p. Distribution du Nouveau Monde 31,30 €Em
KIM THUY
Finaliste du Nobel alternatif en 2018 et récompensée par de nombreux prix prestigieux, l’écrivaine québécoise d’origine vietnamienne KIM THUY, et son œuvre, n’ont plus besoin de présentation. Plaçant toujours au centre de ses livres la richesse de sa culture ainsi que son parcours marqué par l’exil, l’autrice revisite ces thèmes chers et inspirants dans Em, son septième livre. Roman bref marqué par la cruauté de la guerre, dont l’écriture ciselée met en relief, sans détour, la violence des gestes et les ombres dans lesquelles s’effacent parfois toute compassion humaine, Em fait aussi le récit des amours et du courage qui savent défier l’horreur. Évoquant des évènements majeurs tels que l’Opération Babylift, Em, tout comme l’a fait Ru avant lui, fait le récit révoltant des êtres à jamais déchirés par la cruauté des exils.
Liana Levi, 2021, 176 p. Sodis 15 €Les Enragé.e.s
VALÉRIE BAH
Les Enragé.e.s, premier livre publié de VALÉRIE BAH, est un absolu bijou de maîtrise et d’efficacité. Alors qu’elle y propose treize récits percutants autour des thèmes du racisme et du privilège, l’artiste multidisciplinaire passe les évènements au couperet de son regard, ne pardonnant aucune hypocrisie. Au centre de ces histoires, on retrouve Les Enragé.e.s, filles et femmes, à l’école, dans des ateliers, dans le secret de leurs familles ou dans la mécanique épuisante des milieux de travail qui perpétuent les faux-semblants, elles sont là. Lucides, rebelles. En colère mais toujours aimantes telles que présentées par l’éditrice Stéphane Martelly dans sa préface : « Nous voici, elleux et nous, donnant à lire dans le corps même du texte des récits où nous dévorons nos ennemis et chérissons nos mères, tant de fois dépouillées, qui ont tenu à nous. »
Éditions du remue-ménage, coll. « Martiales », 2021, 216 p. Hobo Diffusion / Makassar 16 €J’ai montré toutes mes pattes blanches je n’en ai plus
SYLVIE LALIBERTÉ
Si vous n’avez jamais lu l’artiste et autrice SYLVIE LALIBERTÉ, son quatrième livre, J’ai montré toutes mes pattes blanches je n’en ai plus, donne envie de découvrir tout ce qu’elle a écrit précédemment… Publiée sous forme de microrécits, cette autofiction bouleversante est une longue lettre que l’autrice adresse à son frère cadet décédé en 2018. Une lettre qui dévoile l’inimaginable cauchemar que l’apparent vernis d’une famille de bungalow avait, jusque-là, réussit à cacher : l’impact irréparable de la maladie mentale du père sur leur propre bien-être. « Il y avait toujours cette petite musique de film d’horreur qui accompagnait nos charmants moments de famille normale. Il y avait toujours cette petite musique pour nous rappeler que ça clochait, que quelque chose ne tournait pas rond, que d’une seconde à l’autre tout pouvait tomber [...] ». Et au centre de ce chaos, deux enfants qui s’aiment au-delà de tout et ne cesseront d’être la vérité l’un de l’autre.
Éditions Somme toute, 2021, 200 p. Hobo Diffusion / Makassar 15 €Journal d’un bibliothécaire de survie
CHARLES SAGALANE
« Comment résumer une entreprise qui me déborde de tous les côtés ? Je n’ai pas envie d’invoquer un genre littéraire. Mes écrits sont littérairement non genrés – et cette révolution reste à mener ». Premier récit d’un parcours littéraire peuplé de recueils aux chiffres impairs, ce Journal d’un bibliothécaire de survie du poète CHARLES SAGALANE s’amorce avec un livre déposé sur l’île aux Petits Atocas : Un thé dans la toundra de Joséphine Bacon. Premier livre, première bibliothèque de survie destinée, comme les 16 autres qui suivront, à fleurir le paysage et à tromper l’ennui. Entre haïku et langue innue, accompagné dans son projet par son « coureur des bois culturel » Diego Audet, Charles Sagalane tresse un récit parsemé d’œuvres offertes, entre autres, aux îles de Pekuakami (sur le lac Saint-Jean), une exploration brodée de lettres et de panoramas mais aussi d’une Histoire revisitée au fil de la route.
La Peuplade, coll. « Récit », 2021, 432 p. CDE / Sodis 20 €La seule chose qui intéresse tout le monde
FRANÇOIS BLAIS
Dominée par la forme romanesque, l’œuvre de FRANÇOIS BLAIS nous a habitués à cet humour caustique et à des fictions inventives qui courtisent l’étrange sans jamais trop s’éloigner du réel. Notre monde, et la nature humaine, s’y révèlent des terrains de jeu suffisamment inspirants. Mais avec La seule chose qui intéresse tout le monde, le romancier plonge tête première dans un univers dominé par la question de l’intelligence articifielle et de la conscience des machines. Aussi, si les premières pages nous transportent dans un hybride littéraire complètement dépaysant, François Blais prend le parti d’éclairer notre lanterne, faisant, au fil de son écriture, la lumière sur une fascinante histoire qui mélange avec habileté uchronie et science-fiction. Quelque chose comme Blade Runner mais pas tout à fait non plus. Et à la manière inimitable de François Blais.
L’instant même, coll. « Romans et récits », 2021, 174 p. Distribution du Nouveau Monde 19 €Valide
CHRIS BERGERON
« Le présent roman, s’il s’inspire librement d’évènements vécus par l’autrice, est une œuvre de fiction, et même de science-fiction ». Cet avertissement, qui précède les premières pages de Valide, singulier premier roman de CHRIS BERGERON, donne la pleine mesure de l’audace de son autrice. Campant l’action de ce « roman autobiographique de science-fiction » dans le Montréal de 2045, Chris Bergeron met en scène Christelle / Christian, femme trans vivant sous le régime autoritaire d’une intelligence artificielle à qui elle fera le récit de sa vie. Et alors qu’elle se raconte, soulevant les voiles qui cachent la réalité de son identité, c’est la prison même de cette société étouffante qu’elle ébranle, secoue et cherche à déprogrammer. Avec son ton confessionnel qui nous guide au centre de l’âme de Christelle/Christian et une écriture fluide peuplée de références à la culture polaire, Valide révèle une construction originale dont la voix courageuse et émouvante résonne longtemps après la dernière page lue.
Philippe Rey, 2022, 251 p. Interforum 18 €Le fantôme de Suzuko
VINCENT BRAULT
Au moment d’écrire ces lignes, Le fantôme de Suzuko, troisième roman de l’auteur VINCENT BRAULT, figure sur la liste préliminaire du Prix des libraires 2022. Et pour cause ! Proposant une immersion dans le monde de l’art contemporain tokyoïte, l’écrivain nous entraîne bien au-delà des musées, dans des rues habitées par la présence évanescente d’une femme aimée. Questionnant toutes formes d’absolus, et la réalité même de certains évènements, Le fantôme de Suzuko relève le pari risqué d’un livre où flotte cette onirique étrangeté propre à la littérature japonaise sans jamais tomber dans le pastiche. À l’instar de son narrateur, Le fantôme de Suzuko nous hante et nous échappe, se transforme de page en page, tout en se gardant bien de révéler la large part de mystère qui l’habite. Et c’est très bien ainsi.
Héliotrope, 2021, 204 p. Distribution du Nouveau Monde 22 €L’avenir
CATHERINE LEROUX
Quelque part entre Le meilleur des mondes, Peter Pan et Sa majesté des mouches se dresse la narration ambitieuse de L’avenir, quatrième opus de l’écrivaine et traductrice CATHERINE LEROUX. Dernier-né d’une œuvre brillante et déjà abondamment saluée, nominée et récipiendaire de nombreux prix, L’Avenir va au-delà de la dystopie classique et réussit une habile hybridation mêlant uchronie, fantastique et roman d’apprentissage, le tout saupoudré d’une pincée d’intrigue et d’anticipation. On y retrouve Gloria, seule dans le Détroit parallèle de Catherine Leroux, dévastée par le crime qui lui a coûté sa fille et qui a certainement poussé ses deux petites-filles vers la fugue. Au fil des jours, elle retrouvera ses marques et s’installera dans une communauté qui fait du mieux qu’elle le peut pour se nourrir et survivre. Et dans la langue unique créée par l’écrivaine, joual inventé qui sied à ce monde projeté peuplé d’enfants sauvages et ingénieux, les liens se tissent, les cœurs lancent des messages pour se retrouver et la résistance s’organise.
Asphalte, coll. « Fictions », 2022, 320 p. Harmonia Mundi Livre 19 €Haute démolition
JEAN-PHILIPPE BARIL-GUÉRARD
Dans une province où l’industrie de l’humour occupe une place si importante, tant dans la sphère médiatique que dans le monde du spectacle, il était étonnant qu’un roman n’en ait pas encore exploré l’arrière-scène ou, du moins, une version romancée de celle-ci. C’est à cette ineptie que JEAN-PHILIPPE BARIL-GUÉRARD réussit brillamment à mettre fin avec Haute démolition, son huitième livre en carrière. Expert du dévoilement, l’écrivain est véritablement passé maître dans l’art d’exposer sans complaisance les failles de ses personnages et Haute démolition ne fait pas exception à la règle. Mettant en scène Raph et Sam, deux bêtes affamées d’attention qui se font compétition comme deux amis peuvent le faire, et ce, de la manière la plus mesquine qui soit, le roman surprend par son point de vue narratif ingénieux et offre un plaisir de lecture unique.
Éditions de ta mère, 2021, 362 p. Distribution du Nouveau Monde 29 €Vivarium
ANNA BABI
« Vous ne vous méfiez même pas de moi/qui suis plante grimpante/et carnivore/barque bercée/radeau de plomb/à la fois l’ordre et le désordre/la crème de la crème et l’ordure ». Vivarium, premier recueil de la poétesse ANNA BABI, tisse au sein de ses vers le récit d’une filiation hantée par le deuil. Visitée par la douleur de la perte, déchirée par l’amer sentiment de culpabilité qui accompagne les survivantes, la poésie flamboyante, frappante et étonnante de maturité d’Anna Babi nomme sans peur et sans détour autant la violence que les solidarités. Face à la monstruosité, c’est un pouvoir caché, celui porté par une voix poétique des contrastes, qui fait front. Un pouvoir qui raconte l’héritage familial d’une femme et de plusieurs, qui seront « folles à toutes les sauces », « alliées-nées » mais assumées, habitées par cette folie secours propre à dérouter les loups de notre monde.
Éditions du passage, coll. « Poésie », 2022, 72 p. Geodif / Sodis 14 €Le cœur en joue
HÉLÈNE LÉPINE
HÉLÈNE LÉPINE aime nous faire réfléchir et voyager. Après nous avoir transportés au cœur du Maghreb dans son recueil Les déserts de Mour Avy, publié en 2016, elle récidive en poésie avec Le cœur en joue qui évoque le quotidien dévasté des femmes syriennes : « je ne connais pas leur langue, mais je sais le phrasé de la perte, lingua franca entre moi et elles, elles et toutes mes sœurs ». Sous le regard de l’antique cité de Palmyre, debout malgré la guerre, elles s’appellent Aïcha, Yasmine, Myriam, Amani et Sana, mères et femmes dressées tels des vestiges défiant le temps, protégeant leurs enfants qui poursuivent, au-delà des pertes et de la violence quotidienne, leur propre roman d’apprentissage. Ponctuée par les magnifiques œuvres de l’artiste d’origine syrienne Dima Karout, la poésie juste et sensible d’Hélène Lépine rend hommage au courage de toutes ces femmes.
Éditions de la Pleine Lune, coll. « Presque carrée », 2021, 72 p. Distribution du Nouveau Monde 22,40 €Défricher l’aube
DOMINIQUE ZALITIS
Quatrième recueil de la poétesse DOMINIQUE ZALITIS aux Éditions David, Défricher l’aube s’inscrit sur le fil brûlant de l’actualité. À travers cette poésie portée par une langue chargée de paysages, l’œuvre en appelle à une réflexion sur l’environnement mais, surtout, sur la survie de l’humain, héros du scénario dramatique qui se déroule autour de nous. Lucides mais lumineux, les vers de Dominique Zalitis osent l’espoir, l’amour et le désir de vivre malgré tout. Le regard bien ouvert, au rythme du temps et des manifestations, elle nous incite à imiter « ces enfants des bois, lavés par la clarté des ruisseaux ». À la fois puissance et douceur, les mots de la poétesse évoquent l’abandon de celle qui trouve son langage au sein généreux de la nature et qui apprend, dans une soif absolue de liberté, « à converser avec la pluie ».
Éditions David, coll. « Poésie », 2021, 72 p. Distribution du Nouveau Monde 22,40 €Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec de 2000 à 2020
Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose
Suite à l’ambitieuse entreprise de Lisette Girouard et de la poétesse et autrice Nicole Brossard qui publiaient, en 1991, leur Anthologie de la poésie des femmes au Québec des origines à nos jours, les poétesses Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose poursuivent admi-rablement ce qui avait été considéré à sa sortie comme « l’évènement littéraire de l’année ». D’une facture invitante et limpide, cette Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec de 2000 à 2020 complète impeccablement le projet initial en proposant la découverte et l’exploration des œuvres de 55 poétesses québécoises contemporaines. De Martine Audet à Maude Veilleux, c’est une puissante et multiple voie poétique qui se déploie, parcourant les recueils et les vers de celles qui construisent, aujourd’hui, notre héritage culturel et littéraire.
Éditions du remue-ménage, 2021, 288 p. Hobo Diffusion / Makassar 19 €Douze bêtes aux chemises de l’homme
TANIA LANGLAIS
TANIA LANGLAIS demeure, à ce jour, la plus jeune lauréate du prix Émile-Nelligan pour Douze bêtes aux chemises de l’homme. Douze, c’est aussi le nombre d’années qu’il a fallu patienter entre Kennedy sait de quoi je parle, troisième recueil de la poétesse stellaire et Pendant que Perceval tombait, récipiendaire du Prix du Gouverneur général ainsi que du prix Alain-Grandbois de l’Académie des lettres du Québec. Récit douloureux d’une seule journée, celle de la mort de l’écrivaine Virginia Woolf, les vers fulgurants de Tania Langlais dessinent aussi l’ombre du Perceval de son roman Les Vagues : « Perceval c’est que des roches/aux poches de mon manteau/je ne suis pas folle/souvent je me noie/la journée sera bonne/et la rivière très douce. » D’une efficacité redoutable, Pendant que Perceval tombait superpose à la mort du héros les pas déterminés de sa créatrice au fond de la rivière qui l’emportera. Fatals tel le galop d’un cheval fou, les mots de la poétesse résonnent, au creux de la page, comme le ferait un dernier battement de cœur.
Les Herbes rouges, coll. « Poésie », 2020, 96 p. Distribution du Nouveau Monde 20 €