Les trouées

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Récit poétique tout en tensions, Les trouées, de Chantal Nadeau, est entièrement teinté, traversé, par un événement spécifique : le féminicide survenu le 6 décembre 1989 à l’École Polytechnique de Montréal. En réalité, l’autrice, professeure titulaire à l’Université de l’Illinois et spécialiste des questions légales relatives aux minorités sexuelles, détaille les conséquences passées et actuelles de cette tragédie, qui a à jamais chamboulé son existence : « Poly m’a brisé la tête. / D’abord une fissure, et puis une faille. / Et enfin le gouffre. / Celui de ma colère. / Une colère sans répit, à l’affût, / mûre pour péter. / La rage dans les veines. / La rage au cœur. / La rage sur les lèvres. / La rage brûle. / Tout. / Autour. / En dedans. / Ma colère se terre. / Sans garde à vue. / Brute. Raw. / Contre lui. / M. L. / Et ses complices collatéraux. » Tout événement, aussi anodin soit-il (un anniversaire, par exemple), est l’occasion pour Nadeau de disséquer ses émotions. Ainsi, lorsqu’elle visionne le film Polytechnique, de Denis Villeneuve, elle croit que « [l]a fiction usurpe le réel » : « Glauque est l’écran. / Troué est mon regard. / Je regarde. / Mais je ne vois rien. / Un film evil eye. » Livre à l’écriture emportée et enfiévrée, Les trouées nous rappelle que la colère demeure l’ultime façon de résister si nous voulons rester vivants.