Collections | Volume 11 | numéro 1

Essai

Comment vivre ensemble

Sarah-Louise Pelletier Morin

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Des avis d’expulsion jusqu’aux bidonvilles, en passant par l’itinérance, les défis de l’aménagement des espaces de vie sont nombreux, au Québec comme ailleurs. Pour penser le territoire, les essayistes se penchent sur différents problèmes rencontrés par les villes modernes, tels que les changements climatiques, la pauvreté et l’atomisation sociale. Si certaines autrices et certains auteurs adoptent une perspective historique pour décrire l’évolution des milieux de vie, d’autres réfléchissent plutôt aux villes d’aujourd’hui et de demain. Plusieurs essayistes québécois et franco-canadiens proposent des solutions concrètes pour façonner un meilleur vivre-ensemble. Dans les essais recensés, on retrouve plusieurs études comparatives, qui permettent d’analyser les spécificités des grandes villes canadiennes, ainsi que certains textes qui rendent hommage à la beauté du territoire.

Enfin, on observe qu’une approche sensible, résolument personnelle, se dégage de la plupart de ces ouvrages, malgré la diversité des approches mobilisées. Plusieurs essayistes adoptent, en effet, une approche documentaire, qui nous permet d’entrer au cœur du territoire et de nous approcher au plus près des enjeux citoyens.

Suggestions de livres

La vie dans l’espace public : comment l’étudier

JAN GEHL et BRIGITTE SVARRE

La vie dans l’espace public : comment l’étudier est une enquête qui propose des pistes de réflexion concernant le design urbain et comment il influence les habitants d’une ville. L’ouvrage, qui se fonde sur les travaux de JAN GEHL (qui a étudié pendant près d’un demi-siècle les relations entre l’urbanisme et les conditions de vie) et de BRIGITTE SVARRE, se donne deux objectifs : « accorder à la vie dans l’espace public la place qui lui revient à toutes les étapes des processus de planification, d’aménagement et de construction, et proposer des outils et des sources d’inspiration montrant qu’on peut étudier les comportements humains dans l’espace public en toute simplicité et à peu de frais. » L’ouvrage, extrêmement fouillé et précis, offre une diversité d’études de cas pour illustrer ses propos. 

Écosociété 35 $

Brève histoire de Montréal

PAUL-ANDRÉ LINTEAU

Publié à l’occasion du 350e anniversaire de la ville de Montréal, Brève histoire de Montréal s’emploie à faire le récit de la métropole depuis ses origines en 1642. Le professeur d’histoire à la retraite PAUL-ANDRÉ LINTEAU fait ici une synthèse des différentes recherches historiographiques sur la ville. Cet ouvrage rend ainsi compte d’une manière chronologique des influences françaises, britanniques, autochtones et – plus récemment – multiculturelles qui ont façonné le visage de Montréal. Un livre incontournable pour tous les férus d’histoire, mais également un livre qui permet de comprendre d’où l’on vient – où l’on va. 

Éditions du Boréal 14,95 $

Résister et fleurir

JEAN-FÉLIX CHÉNIER et YOAKIM BÉLANGER

JEAN-FÉLIX CHÉNIER et YOAKIM BÉLANGER mettent en scène la lutte fictive des citoyens pour la préservation de leur quartier contre un projet de transbordement de conteneur, piloté par l’entreprise Ray-Mont Logistiques. En plus d’investir d’une manière résolument inventive et poétique le genre de la bande dessinée, Résister et fleurir mise sur le dispositif de la salle de classe pour diffuser un propos très pertinent sur l’écologie et l’urbanisation. On entre ainsi dans le dialogue fascinant et éducatif entre des étudiants et leur professeur. Classée dans la catégorie « lutte contre le capitalisme » des éditions Écosociété, cette œuvre engagée fait œuvre utile.

Écosociété 35 $

Dans l’œil de Marie- Ange Leduc, Scènes de rue, Laurier Est, 1920-1930

DOMINIQUE NANTEL BERGERON

Il y a cent ans, Marie-Ange Leduc photographiait des habitants du quartier Laurier Est à Montréal. Grâce à la prose de DOMINIQUE NANTEL BERGERON, on retrace dans ce livre douze « scènes de rue » capturées par la photographe. Ces scènes sont ainsi accompagnées d’images, mais aussi d’archives (ex. : articles de journaux) et d’informations sur la vie du quartier : commerces, habitants, événements historiques. Le format texte-image est captivant, fluide, et se parcourt agréablement. Dans l’œil de Marie- Ange Leduc, Scènes de rue, Laurier Est, 1920-1930 est le livre idéal pour découvrir une époque d’un quartier montréalais incontournable !

Éditions Histoire Québec 25 $

Nanikana

RODRIGUE TURGEON

Dans un récit essayistique aux accents poétiques, RODRIGUE TURGEON nous emmène à bord de son canot, alors qu’il descend le fleuve Nanikana sur près de 500 kilomètres étalés sur 26 jours, de l’Abitibi à la Baie-James. Ce voyage nous invite à une méditation sur notre rapport à la nature et particulièrement aux cours d’eau, grâce à divers témoignages d’aînés et de jeunes Anicinapek et Eeyouch qui sont concernés par les enjeux entourant le Nanikana. L’auteur, qui est avocat de formation, est engagé depuis de nombreuses années dans la cause autochtone. Nanikana poursuit cette démarche de valorisation du territoire et de vulgarisation des connaissances ancestrales des Premières Nations.

Éditions L’Esprit libre 28 $

Plaidoyer pour la coopération

COLETTE LEBEL

Agronome de formation, COLETTE LEBEL a collaboré au magazine Coopérateur durant deux décennies. Ce sont près de 80 de ces billets mensuels qui sont assemblés dans Plaidoyer pour la coopération. On y retrouve par exemple une réflexion sur le nombre idéal de personnes dans un groupe (« 150 »), une visite en Pays basque (« Une visite au Mondragon »), ainsi qu’un plaidoyer pour le bonheur au travail (« Il est où le bonheur il est où »). Découpé en six chapitres qui sont tous précédés d’une introduction, l’ouvrage se conclut par un épilogue et une déclaration sur l’identité coopérative. On se plaît à lire ces chroniques savamment agencées et écrites dans un style fluide et simple, qui offrent un point de vue très personnel sur ce thème très peu abordé dans la littérature.

Fides 26,95 $

Diversité culturelle et immigration, des identités-passerelles pour faire société

AMADOU SADJO BARRY

En lice pour le prix de l’essai LQ 2023, Diversité culturelle et immigration, des identités-passerelles pour faire société est aussi pertinent par le fond que par la forme. Le professeur de philosophie AMADOU SADJO BARRY nous invite sur le territoire du politique et de l’éthique tandis qu’il pose des questions délicates comme celles de l’immigration et du vivre ensemble. L’originalité du livre tient à ces « identités-passerelles », que l’auteur propose comme alternatives aux « identités-barrières ». Il nous invite ainsi à nous intéresser davantage à ce qui fédère les Québécois plutôt qu’à ce qui les divise : « La passerelle, c’est nous en tant que relations, où s’articulent le différent et le pluriel, le singulier et le divers. » (p. 116) Un point de vue singulier, qui raconte le parcours d’un immigrant au Québec.

Éditions XYZ 21,95 $

La seigneurie de l’île Sainte-Thérèse. Ses premiers habitants aux XVIIe et XVIIIe siècles

CHRISTIAN MALO

CHRISTIAN MALO, passionné d’histoire et de généalogie, part à la recherche de ses ancêtres dans cet ouvrage qui porte sur l’île Sainte-Thérèse aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cette île, nichée au cœur du Saint-Laurent, entre Varennes et Pointe-aux-Trembles, possédait à l’époque une situation géographique enviable. La seigneurie de l’île Sainte-Thérèse. Ses premiers habitants aux XVIIe et XVIIIe siècles nous informe sur l’organisation de ce territoire : Filles du roi, pénalités pour célibataires, urbanisme, système de seigneurie, etc. L’ouvrage s’appuie sur de nombreux documents historiques, tels que le recensement de 1681, pour brosser le portrait des familles qui vivaient sur l’île à l’époque. On documente également le mode de vie pastoral, les privilèges de certaines familles et les métiers exercés par les habitants. Cette petite plaquette fascinera les personnes intéressées par les débuts de la colonisation française au Québec.

Éditions Histoire Québec 25 $

Vivace. Carnet d’autonomie élémentaire

DOMINIC LAMONTAGNE

Dans Vivace. Carnet d’autonomie élémentaire, DOMINIC LAMONTAGNE fait l’éloge d’un mode de vie axé vers l’autosuffisance alimentaire. Propriétaire d’une ferme à Sainte-Lucie-des-Laurentides où il pratique une agriculture vivrière, l’auteur nous entraîne dans son quotidien qui prône la décroissance. L’ouvrage nous invite à repenser notre empreinte écologique et notre dépendance aux commerces pour nous alimenter. La pluralité des formes textuelles mobilisées dans ce livre (essai militant, carnet de bord, journal, recettes, récits de rencontre, etc.) en fait sa force et sa singularité. Des pages pour les cueilleurs d’« utopies réalistes ».

Leméac 29,95 $

La maison, la ville et les gens. Le phénomène bidonville

JEAN-NICOLAS ORHON et NICOLAS REEVES

Inspiré du documentaire Bidonville : Architectures de la ville future (2013), le livre La maison, la ville et les gens. Le phénomène bidonville propose une entrée en matière très visuelle grâce aux nombreuses photographies qu’il intègre. Ces images ponctuent en effet les témoignages sur la réalité des bidonvilles. L’ouvrage nous entraîne dans 11 lieux du monde, tels que le Brésil, le Sénégal et la Turquie, où l’on retrouve des habitants des bidonvilles, ces « villes en devenir ». JEAN-NICOLAS ORHON et NICOLAS REEVES nous montrent le visage concret de ces lieux de vie. Jamais superficiel, ce livre met en lumière un sujet peu étudié, qui nous permet de développer de nombreuses connaissances sur cet enjeu mondial. On y apprend notamment qu’il y a des bidonvilles partout dans le monde, même au Québec (Kitcisakik)...

Les éditions du passage 39,95 $

Avis d’expulsion. Enquête sur l’exploitation de la pauvreté urbaine

MATTHEW DESMOND

Le sociologue américain MATTHEW DESMOND effectue un travail documentaire colossal dans cet ouvrage, qui recense en 24 chapitres le témoignage d’habitants expulsés de leur logement à Milwaukee (Wisconsin). On suit le récit de huit familles, depuis leurs problèmes d’endettement jusqu’aux conséquences déchirantes de l’expulsion. L’essai contient également des verbatim des entretiens menés avec les propriétaires des logements, ce qui ajoute une perspective très immersive au livre. Avis d’expulsion. Enquête sur l’exploitation de la pauvreté urbaine est plus qu’une recherche documentaire, c’est aussi une réflexion profonde sur les causes de la pauvreté aux États-Unis, telles que l’endettement et le marché de l’immobilier. Superbement écrit, cet essai se lit comme un roman.

Lux Éditeur 34,95 $

Bunkers

GUILLAUME ASSELIN

GUILLAUME ASSELIN sonde dans Bunkers. L’archipel de la peur le fantasme du « cocon » et du « bunker » avec une pénétrante sagacité. De quoi ce syndrome d’enfermement est-il le symptôme ? Qu’est-ce qui nous pousse à créer des remparts autour de nous, à ériger des murs qui nous enceignent ? L’essayiste explore cette propension humaine à prendre des points de départ comme la religion, les mondes virtuels et le cocooning pour en arriver à des conclusions extrêmes. Ce livre ne laisse pas indifférent, car il invite à « ranimer, en soi, le désir d’une vie ample, souveraine, affranchie de la peur qui pourrit l’existence, individuelle aussi bien que collective. » Un essai littéraire vraiment réussi !

Nota Bene 26,95 $

Les mondes urbains de la jeunesse. L’action politique esthétique à Montréal

JULIE-ANNE BOUDREAU et JOËLLE RONDEAU

Ouvrage d’une grande singularité par l’hybridation des disciplines qu’il convoque (géographie critique, philosophie, sociologie politique, études urbaines), Les mondes urbains de la jeunesse. L’action politique esthétique à Montréal présente une recherche ethnographique qui va à la rencontre de plusieurs jeunes militants engagés à Montréal. Ce livre réfléchit aux façons dont l’action politique, centrée sur une expérience esthétique (l’agriculture, le skate, la manifestation, etc.), peut influencer une ville. JULIE-ANNE BOUDREAU et JOËLLE RONDEAU intègrent des citations, des photographies et des fragments de récits des personnes rencontrées, ce qui assure la part documentaire de cet ouvrage, même si ce dernier est avant tout savant. Une démarche fascinante, exploratoire, qui nous invite sur de nombreux chemins de traverse.

Presses de l’Université Laval 29,95 $

Éternel émerveillement : Grandir au pays de la neige et du ciel infini

TOMSON HIGHWAY

Écrit par l’auteur manitobain d’origine autochtone TOMSON HIGHWAY, Éternel émerveillement : Grandir au pays de la neige et du ciel infini est un récit essayistique qui propose une méditation sur la culture crie. Construit comme une réminiscence, le livre raconte l’enfance de l’auteur dans sa communauté jusqu’à son départ pour le pensionnat. Étonnamment, c’est dans cet établissement qu’il apprend l’importance de l’émerveillement, qui passe pour lui par l’amour de la musique et de la langue, mais aussi, et surtout, par la contemplation des grands espaces. Une véritable ode au territoire !

Prise de parole 30,95 $

Vivre plus simplement. Analyse sociologique de la distanciation normative

AURIANNE STROUDE

AURIANNE STROUDE propose ici une incursion dans la vie de personnes qui ont fait le choix de vivre plus simplement, processus duquel résulte une « distanciation normative », à savoir un écart par rapport à la norme sociale. Quels sont les effets sur l’identité ? Vivre plus simplement est-il synonyme d’émancipation individuelle ? Comment trouver un nouveau sens de la communauté ? Quels sont les impacts écologiques d’un tel choix de vie ? Voici autant de questions auxquelles l’autrice cherche à répondre en six chapitres très denses et détaillés. Si la démarche est savante et convoque plusieurs théories sociologiques, elle contient aussi une part philosophique, qui nous invite à repenser nos choix de vie. Vivre plus simplement. Analyse sociologique de la distanciation normative, intéressera d’abord les chercheurs et les étudiants, mais aussi les férus de pensée politique, qui s’intéressent au « vivre autrement ».

Presses de l’Université Laval 30 $

Quartier en lutte. Récits féministes et  libertaires

ANNA KRUZYNSKI

Anthologie composée à la fois d’articles et d’entretiens de la militante et intellectuelle ANNA KRUZYNSKI, Quartier en lutte. Récits féministes et  libertaires vaut certainement le détour pour quiconque souhaite s’exposer à une perspective engagée sur l’urbanisme montréalais. L’autrice aborde notamment la lutte sociale du quartier Pointe-Saint-Charles en accordant une place importante aux voix marginalisées (queers, classes ouvrières, femmes). Si ce recueil prend parfois une dimension plus narrative et personnelle, les textes ont aussi une perspective savante et théorique. La préface, rédigée par l’écrivaine, jette un regard rétrospectif sur ses écrits et constitue une très bonne porte d’entrée pour les néophytes en matière d’engagement pour l’autogestion ; cette entrée en matière est aussi l’occasion pour l’essayiste d’expliciter l’évolution de ses prises de position politiques.

Les éditions du remue-ménage 17,99 $

Perdre la maison

ANOUK SUGÀR

ANOUK SUGÀR nous livre dans Perdre la maison un essai littéraire aux accents psychanalytiques. Comme un long questionnement, ce livre nous interroge sur ce que l’on dépose dans notre lieu de vie et son corollaire, soit la possibilité de sa perte : une mémoire, une quotidienneté, des habitudes, des fantasmes, un sentiment de sécurité. Grâce à sa prose méditative qui nous entraîne sur le terrain de la philosophie, elle nous invite à voir cette perte comme un recommencement : « La mort de la maison ne saurait par conséquent être uniquement le constat d’une fin annoncée, elle est aussi un formidable incitatif à recommencer, à poursuivre, à réinventer. » (p. 11) Des pages denses, qui nous accompagnent longtemps.

Varia 23,95 $