Éditions du Quartz
Abitibi-Témiscamingue
Établies depuis 2011 sous la forme d’une coopérative de solidarité, les Éditions du Quartz, en Abitibi- Témiscamingue, publient des œuvres « enracinées dans la boréalité francophone ». Émerge de cette ligne éditoriale un discours intime sur le territoire, octroyant une nouvelle facette à l’étiquette de littérature du terroir. Difficile pour les lectrices et les lecteurs de rester indifférents face à l’offre de la maison d’édition, qui donne la parole aux communautés plus éloignées. Arsenic mon amour, de Jean-Lou David et Gabrielle Izaguirré-Falardeau, traite du scandale de la fonderie Horne située à Rouyn-Noranda, alors qu’Un poète chez les éleveurs de pickups de Michel X Côté, donne à lire une vision inédite des paysages de l’Abitibi et des enjeux qui s’y forment, en arrière-plan.
« Les autrices et auteurs que nous publions explorent, oui, le territoire, physique, imaginaire, collectif, de l’Abitibi-Témiscamingue, mais par des réalités marginales, ce qui fait notre force », affirme Marie Noëlle Blais, directrice générale et littéraire des Éditions du Quartz. Dans sa manière de voir l’édition, elle soutient cette idée selon laquelle « la communauté est la somme des histoires que nous nous racontons ». Il est donc important pour les Éditions du Quartz d’avoir des perspectives différentes, uniques, même en fiction. « Les milieux sont stériles ; c’est dans les marges, les périphéries, que le vivant se déploie », renchérit-elle en citant une pensée de Michel X Côté, qui se retrouve également dans les pages liminaires des livres de la collection Brûlot. La direction littéraire est donc muée d’un profond désir de faire exister ces réalités alternatives dans le paysage littéraire québécois et franco-canadien.
La maison d’édition a récemment appuyé la résidence de l’artiste Isabelle Rivest, en vue de l’écriture du projet Nos mères meurent (et nous n’y pouvons rien), à l’Écart, un centre de diffusion en art actuel, soutenu également par le Théâtre du Tandem, « qui travaille à l’émergence d’une parole artistique sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue ». Ce genre de collaboration témoigne d’une volonté réelle d’accompagner la parole là où elle émerge, et ce, au croisement des disciplines.
Perce-Neige
Acadie
S’appuyant également sur leur singularité régionale et contribuant à la vitalité de la littérature franco-canadienne, les éditions Perce-Neige travaillent depuis 1980 à publier des voix acadiennes. Située à Moncton, au Nouveau-Brunswick, elle reste une des seules maisons d’édition établies dans les Maritimes à publier en langue française. Ses collections littéraires, que ce soit celle consacrée au théâtre, à l’essai ou encore à la « mémoire », contribuent à générer et à consigner des idées qui naissent dans un lieu distinct, mais appartiennent à une certaine universalité. Avec des valeurs comme celles de la représentation et de la solidarité, la maison d’édition publie aussi des écrits issus des communautés de la diversité, comme les groupes 2ELGBTQIA+ ou des membres des Premières Nations, enrichissant la littérature acadienne de nouvelles voix. Entre autres, sa plus récente parution, Socialite de Marc Chamberlain, met Moncton en scène. Dans le livre, la ville – capitale littéraire de l’Acadie – se voit magnifiée, scrutée, ses frontières se confondant avec le corps de l’auteur. Avec des parutions telles que Socialite, Perce-Neige propose encore une fois un texte inventif qui permet de s’approprier le territoire pour créer un livre.
Perce-Neige a également mis en place le programme Voix émergentes pour appuyer la professionnalisation des autrices et auteurs de la relève. « Ce programme avait d’abord pour objectif d’aider à l’émergence de nouveaux talents littéraires au sein de la communauté autochtone de la Première Nation malécite du Madawaska », précise Émilie Turmel, directrice littéraire chez Perce-Neige. « En trois ans, cela a permis à une quarantaine de personnes de participer à des retraites d’écriture et des classes de maître, en plus de recevoir un accompagnement individuel pour un projet d’écriture spécifique (mentorat). Depuis 2020, grâce à cette initiative, nous avons publié neuf primoauteurs et autrices (et deux à venir en 2025). » À titre d’exemple, en 2023, Perce-Neige a d’ailleurs soutenu une retraire d’écriture d’une durée de trois jours, organisée par l’auteur Sébastien Bérubé, qui s’est déroulée au parc de la République. Ce moment en nature consacré à la création a permis aux participants de s’imprégner des environs pour créer.
En plus de contribuer à la circulation des savoirs, la maison d’édition offre des espaces de création concrets, participant ainsi de près ou de loin à l’effervescence de la langue française, mais aussi aux réflexions derrière les enjeux du territoire et de son habitation. « Tout est à créer afin de développer un bassin d’auteurs et d’autrices et de lecteurs et de lectrices mieux outillé et surtout, plus diversifié. »
La Peuplade
Saguenay–Lac-Saint-Jean
Diffusée en Europe où elle est bien présente en librairie, mais aussi installée à Montréal depuis peu, La Peuplade n’a pourtant jamais quitté son patelin de Chicoutimi, qu’elle affectionne et qui demeure irremplaçable. Sensible à la littérature nordique, la maison, qui traduit des écrivaines et écrivains suédois, finnois ou islandais, n’a pas froid aux yeux et publie également des autrices et auteurs de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Les titres du catalogue « s’intéressent à notre manière d’habiter [le territoire] », comme l’indique sa mission. Ce penchant assumé pour l’écriture de l’espace, mais aussi de l’intime, soutient l’émergence de propositions audacieuses comme La patience du lichen, de la poète Noémie Pomerleau-Cloutier, ouvrage recueillant les témoignages des Coasters, résidant sur la côte Nord du golfe Saint-Laurent. Dans la même veine, il est aussi possible de penser au recueil de poésie de Marie-Andrée Gill, Chauffer le dehors, qui explore les paysages côtiers, ou encore celui de Marie-Hélène Voyer, Expo habitat, où « chaque lieu est une manière d’être ». Autant d’exemples qui illustrent cette volonté intrinsèque à La Peuplade de traduire les nuances de la région dans le discours littéraire.
Si les fondateurs de La Peuplade ont ouvert un bureau à Montréal, des membres de l’équipe œuvrent toujours du Saguenay-Lac-Saint-Jean, et la région fait partie de l’ADN de la maison d’édition, qui poursuit son envol.
Espace Les autres jours
Québec
Bien implantée dans la ville de Québec, la maison d’édition Alto n’est pas étrangère aux projets qui lui permettent de s’engager dans la communauté. L’organisme Les autres jours, espace possible, consacré à la démocratisation du livre, de l’édition à la diffusion, en est un exemple frappant. Fondé en février 2020 par des membres de l’équipe d’Alto, l’OBNL a pour mission de soutenir la création en établissant de nouvelles manières de « repenser le livre et [d’] explorer le geste de raconter ». Du côté de sa programmation, on retrouve de nombreuses activités, vernissages et formations, dont une portant sur la risographie, très prisée du public.
Microédition, typographie, reliure : aucune facette n’est ignorée par la mission de l’organisme. Dès l’idéation du projet, Christiane Vadnais, autrice chez Alto et membre du conseil d’administration de Les autres jours, espace possible, et Antoine Tanguay, fondateur des éditions Alto, tenaient à réfléchir directement avec le public aux aspects multiples du livre et à ses possibilités. En créant ce raccord tangible entre le lectorat et l’éditeur, Alto espérait lever le voile sur les angles morts de la vie d’un livre, répondre aux questions en suspens du public et, ainsi, faciliter le dialogue. En rendant accessible le matériel d’impression, l’espace tend aussi à démocratiser les étapes de production d’un livre.
L’espace Les autres jours, ouvert au public, permet de conceptualiser une production du livre plus horizontale, notamment pour la communauté du quartier où la maison d’édition Alto est établie depuis 2005 déjà. Elle contribue à sa manière à la vitalité du quartier St-Roch. Depuis l’inauguration du projet, ce sont des dizaines d’ateliers et d’événements qui ont été organisés pour rassembler l’entourage de la maison d’édition autour de l’amour du livre.
Éditions de La Pastèque
Montréal
Ce n’est pas un secret : la maison d’édition de La Pastèque, fondée en 1998, est proche de son voisinage. Ayant pignon sur la rue Laurier depuis 2018, elle contribue régulièrement à la vie de son quartier. De plus, la boutique est plus qu’une vitrine : elle tient aussi lieu de galerie d’exposition et d’espace d’animations. Le tout, dans l’optique de rapprocher le public des créateurs.
« Nous tenions à revivre le salon du livre à l’année », avance Frédéric Gauthier, l’un des fondateurs de la maison d’édition qui a récemment fêté ses 25 ans d’existence, pour décrire la philosophie derrière le projet. Au fil des années, la galerie s’est imposée comme la suite logique de la mission de La Pastèque, lors du réaménagement des espaces de travail. Pour maximiser la collaboration entre les collègues et la vitalité de la maison d’édition, l’équipe a misé sur un contact au quotidien avec son quartier. « Jaser avec les gens, c’est vraiment ce qui nous anime en premier, c’est notre récompense. »
Plus récemment, une exposition-hommage au dessinateur Pierre Fournier, notamment connu pour Capitaine Kébec, a pris place dans l’espace galerie. En plus de célébrer la mémoire de l’artiste, l’initiative facilite le contact entre l’art et les voisins de la maison d’édition, mais rend également ce médium accessible à tous les passants, les voyageurs et les curieux qui déambulent sur la rue Laurier. De plus, jusqu’à la fin de l’été, il sera possible de revisiter 20 ans de création, avec une exposition mettant en vedette les multiples contributeurs de la maison au fil des années et leurs magnifiques couvertures de livres. Le quartier général de La Pastèque est un lieu de diffusion en soi, permettant un rapprochement inédit qui peut en inspirer plusieurs et, surtout, provoquer la conversation.