Plusieurs adultes ayant grandi dans les années 1990 ont été marqués par la collection « Frissons », publiée aux éditions Héritage. Avec des titres comme La gardienne, Le chouchou du professeur ou Terreur à Saint-Louis et des couvertures accrocheuses, le succès a rapidement été au rendez-vous auprès du lectorat préadolescent et adolescent. Puis, en 2018, de nouveaux titres ont commencé à attirer l’attention, tout comme la mention « Sang pour sang québécois » qui avait été ajoutée sur la couverture. Plus de 20 ans après avoir marqué une génération de lectrices et de lecteurs, la collection « Frissons » renaissait de ses cendres, pour le plus grand plaisir d’un lectorat renouvelé. Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Thomas Campbell, éditeur chez Héritage, et celui derrière le retour en force de cette collection emblématique.
Il faut savoir que les « Frissons » originaux étaient adaptés à la réalité québécoise, plutôt que simplement traduits dans un français international. Ce qui veut dire que les noms des personnages et des villes où se déroulaient les romans avaient une consonance québécoise, mais aussi des référents à notre culture populaire.
Pour Thomas Campbell, « ces adaptations ont été faites pour favoriser l’identification du lectorat québécois. Pour une mise en contexte, à l’époque, la majorité des livres traduits venait du marché français avec des tournures et des expressions propres à cette culture. Les jeunes n’auraient donc pas pu se projeter de la même façon. Il convenait d’ajuster les références et le langage à nos propres codes pour une meilleure immersion. Le fait d’être connecté à une réalité connue a permis de renforcer l’adhésion aux intrigues ». Malgré tout, il était rare, à l’époque, de voir une telle volonté de la part des maisons d’édition.
En fait, la collection semble même occuper une place de choix dans le cœur de la maison d’édition. L’éditeur nous explique : « Les titres s’inscrivent dans une tradition littéraire populaire qui rassemble plusieurs générations. On nous en parle d’ailleurs souvent dans les Salons du livre. Il est formidable de voir des parents venir avec leurs enfants pour faire découvrir nos nouvelles productions. » Il ajoute qu’« il y a également une grande fierté à être lauréat de prix comme le Prix jeunesse des univers parallèles pour Le bal des monstres de K. Lambert, parce que celui-ci est décerné par de jeunes lecteurs et lectrices ».
Le fait que ce soient des autrices et des auteurs québécois n’est probablement pas étranger au succès rencontré par la nouvelle mouture de la collection. En effet, selon Thomas Campbell, la maison d’édition a de la chance d’avoir des auteurs et des autrices de talent au Québec ! Il en profite pour faire un rappel : « Si on revient 30 ans en arrière, la production était moins foisonnante. Aujourd’hui, il est facile de nous émanciper du modèle américain, car on peut créer des intrigues originales, en français, du même calibre. Ces livres sont souvent ancrés dans la province, reprennent certaines légendes locales ou urbaines, mais surtout donnent des sueurs froides dans un cadre familier. »
En plus de faire appel à des talents d’ici, la nouvelle collection a également innové en instaurant des niveaux de lecture, en fonction de l’âge. L’éditeur parle d’une « division multigénérationnelle. On retrouve désormais des livres pour tous les publics : Mes premiers Frissons, Froussette (5+), P’tites frousses (6+), Frousse verte (8+), Peur bleue (9+), Terreur rouge (12+), Frisson extrême (14+), Fais-toi peur (9+ et 12+). Le degré d’épouvante varie ainsi selon l’âge, ce qui permet à chaque lectorat d’avoir son frisson. Pour les plus jeunes, on aborde davantage des peurs tangibles du quotidien, alors que pour les plus âgés, l’aspect psychologique est plus développé ».
C’est sans contredit cette facilité d’accès pour un public élargi qui permet à la nouvelle mouture de la collection d’être aussi populaire. Malgré tout, la version originale a marqué les esprits, comme le rappelle Thomas Campbell : « Les Frissons ne s’inscrivent pas dans un effet de mode, mais davantage dans un attachement affectif populaire. »
Qu’est-ce qui attend les éditions Héritage et la collection « Frissons » pour les prochaines années ? Pour son éditeur, « le principal défi est de défricher de nouvelles intrigues sans tomber dans la facilité ». Et il ajoute : « Nous devons en cela rester à l’affût des préoccupations et des angoisses de notre lectorat. » Gageons que les lecteurs et lectrices avides de sensations fortes seront au rendez-vous !