Collections | Volume 7 | numéro spécial

Jeunesse

André Marois et Célia Marquis

La suite d’un succès enflammé !

André Marois, auteur québécois d’origine française, a écrit plus d’une quarantaine de livres pour adultes, enfants et adolescents. Ses œuvres lui ont valu de nombreux prix littéraires, dont le Prix des libraires du Québec, catégorie Jeunesse, pour son roman Les voleurs de mémoire en 2013. Publié aux éditions La Pastèque en 2015 et illustré par Patrick Doyon, Le voleur de sandwichs a été traduit dans une dizaine de langues (la version anglaise est parue chez Chronicle Books) et s’est vu décerner plusieurs prix, dont le Prix du Gouverneur général et le Prix des Incorruptibles.

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Alors que le premier volume mettait en scène Marin, un garçon malin et débrouillard dont les lunchs font des envieux, dans une enquête où lui et ses camarades de classe tentaient de révéler l’identité de celui ou celle qui volait chaque midi ses délicieux sandwichs, la suite tant attendue des aventures de « La classe de Madame Tzatziki » est racontée du point de vue de Marie sous le titre L’alerte au feu. Ce second volume est aussi une enquête ; cette fois, on tente de découvrir qui est à l’origine de l’incendie de l’école alors en rénovation pour des problèmes de moisissure. On en apprend aussi davantage sur la réalité familiale de Marie, dont la mère est chômeuse.

C’est Célia Marquis qui cette fois-ci illustre le roman graphique, dans un style totalement différent du précédent, avec des dessins aux détails incongrus et un trait clair et arrondi. Elle travaille également sur une bande dessinée qui paraîtra à l’automne 2021.

Collections : Quel a été votre plus grand défi pendant l’écriture /   l’illustration de ce livre ?

André Marois : Au-delà du défi d’inventer une nouvelle intrigue avec son enquête, mon défi a été de retrouver le ton du premier livre, mais en me glissant dans la peau de Marie après celle de Marin. Les touches d’humour, le style, l’action doivent donc avoir un lien de parenté, mais avec un caractère propre lié à Marie.

Célia Marquis : Je n’avais jamais entrepris un projet de cette envergure, et au départ j’ai eu du mal à évaluer le temps et la quantité de travail impliqués dans la réalisation des illustrations. Ça a occasionné des petits moments de panique à l’occasion, mais j’ai fini par trouver mon rythme et développer une meilleure méthode de travail.

Collections : Alors que Le voleur de sandwichs se terminait sur la résolution de l’enquête et la révélation assez comique de l’identité du coupable (et assez humiliante pour lui !), l’issue de cette enquête-ci est beaucoup plus nuancée et posée, et rend le « méchant » de l’histoire précédente plutôt attachant. Pouvez- vous nous parler de ce qui a motivé ce choix ?

A.M. : Dans la première version de mon synopsis, l’ancien concierge n’était pas présent. Lors de mes visites dans les écoles, je me suis rendu compte que les enfants ne le jugeaient pas si mal. Ils me demandaient s’il avait perdu son emploi. Ils l’aimaient bien, en fait, ce grand gourmet maladroit. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de le faire revenir, et ça semblait finalement logique et cohérent. Il est important que les personnages ne soient pas tout noirs ou tout blancs. Alors les gentils sont un peu croches et les méchants peuvent cacher du beau.

Collections : La discrimination raciale et sexuelle est abordée dans le livre, ainsi que la pauvreté et la protection de l’environnement, sans toutefois voler la vedette à l’intrigue pleine de rebondissements et aux illustrations dynamiques. Est-ce que ces choix de sujets se sont imposés naturellement ?

A.M. : Ce sont des thèmes qui me tiennent à cœur et je trouve important de les aborder, même s’ils doivent s’inscrire dans le contexte d’une enquête classique. En 2015, j’ai fait une résidence de trois mois à l’école Montcalm dans le quartier Saint-Michel à Montréal. C’est un quartier très multiethnique et j’ai côtoyé des élèves de plein d’origines qui se connaissaient depuis la maternelle. Je me suis rendu compte que Le Voleur de sandwichs présentait des personnages très blancs (je m’étais alors inspiré de l’école primaire où sont allés mes enfants, sur le Plateau-Mont-Royal). Il était temps d’ajouter de la diversité. Le thème de la pauvreté était déjà associé à Marie, je me devais donc de l’approfondir dans L’Alerte au feu. Il faut prendre garde de ne pas tomber dans les clichés ou de faire la morale, mais aborder ces thèmes et parler d’environnement me semble incontournable.

Collections : Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de placer l’histoire dans une école fermée pour cause de moisissure ?

« Alors les gentils sont un peu croches et les méchants peuvent cacher du beau. »

André Marois

A.M. : La réalité des écoles montréalaises est inspirante. Souvent vieilles, mal en point, elles sont pleines d’âme et si chaleureuses. Des cas d’écoles fermées pour cause de moisissure, pendant l’écriture, m’ont inspiré. L’école est un personnage important qui doit être plus qu’un simple bâtiment anonyme. L’école fermée et les bâtiments provisoires nous donnent un cadre narratif et visuel bien plus riche et original.

Collections : Célia, Comment avez-vous abordé le fait de devoir illustrer la suite du Voleur de sandwichs, qui a connu un énorme succès ?

C.M. : Je voulais rester fidèle aux éléments du premier tome, mais les interpréter à travers ma lentille. Les éditeurs m’ont donné beaucoup de liberté. Ça m’a pris quelques explorations avant de trouver le style voulu et de m’approprier les personnages, mais j’ai fini par trouver un équilibre. Je suis une grande fan du travail de Patrick Doyon, qui a illustré Le voleur de sandwichs, c’est un artiste que j’admire et je suis ravie que nos deux univers se côtoient sur les tablettes.

Collections : Il y aura un troisième tome à la collection « La classe de madame Tzatziki » illustré à nouveau par Patrick Doyon, l’illustrateur du Voleur de sandwichs. Quelle est l’intention derrière l’idée d’alterner le style des illustrations entre chaque tome ?

A.M. : Après la publication du Voleur de sandwichs, l’éditeur américain Chronicle books a accepté de le publier à condition qu’on fasse une suite. L’offre était dure à refuser. J’ai donc écrit Le gâteau empoisonné, fin 2014, texte qui a été approuvé par les américains. Patrick a fait tout le découpage et commencé à dessiner, mais ça lui a pris beaucoup plus de temps que prévu. On a alors eu l’idée de reprendre les personnages, j’ai eu envie que Marie devienne la narratrice, et de proposer cette suite à un autre illustrateur ou une illustratrice. D’où L’Alerte au feu. On espère toujours que Le gâteau empoisonné verra le jour, en 2021. Une suite à L’alerte au feu est également en gestation. Quant à l’alternance d’illustrateurs, elle fonctionne assez bien, compte tenu du changement de narrateur. On garde l’univers de la classe de madame Tzatziki avec les principaux personnages, mais ça permet d’élargir les possibilités. C’est très stimulant pour moi.